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des jours à l'Héméron |
hyper-roman * |
en passant par la télévision |
patrick cintas |
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Questions d'instances du texte |
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LE CONTEXTE HUMAIN
Parlant du conte, et de sa méthode de construction, Poe s'en prend à l'« erreur radicale » qui les génère :
- l'histoire qui fournit une thèse ;
- l'incident contemporain qui inspire l'écrivain ;
- la combinaison d'évènements surprenants.
Il n'est pas difficile de reconnaître là les trois créneaux savamment exploités par l'édition du livre sous la rubrique : littérature générale. Ce qui a changé, c'est par exemple ce qui surprend, parce qu'il est permis aujourd'hui de passer de la surprise romantique ou de l'émerveillement surréaliste au frisson inspiré par la fiction de la violence et du viol et ce, souvent, sous le couvert de préoccupations morales qui fournissent le prétexte exact d'une esthétique douteuse.
À ce commentaire désabusé de Poe, j'ajouterais celui d'Amoros qui considère peut-être plus perfidement que la littérature des éditeurs produit trois types d'ouvrages:
- les contes populaires, écrits pour l'éducation, l'endoctrinement, le plaisir; Cocteau y rencontrait des chefs-d'oeuvre; plus poète, Ernst en révélait le roman ;Extrait de [La chandelle verte de Jarry comparée à celles des autres] paru dans la RALM.
- les contes littéraires, toujours imparfaitement lisibles pour cause d'expérimentation et de douleurs ;
- enfin, une littérature de l'entre-deux-eaux, celle des écrivains, des étalons, des enseignants, des témoins, laquelle emprunte à la première catégorie ses facilités, notamment de langage, et à la deuxième, non seulement son statut d'expérience mais ce qui, des abus et autres initiatives, a quelque chance d'être compris, au prix d'un arrondissement des angles. Une pédagogie s'installe sournoisement dans la société, peut-être pour échapper à des endoctrinements qui n'ont rien donné sur l'homme ni sur l'homme-animal des camps de concentration d'ailleurs.
UNE THÉORIE DU RÔLE À JOUER
Le personnage est tributaire du moment : impression, interprétation, composition. Ici, pas de psychologie littéraire et moins encore de science, toute humaine soit-elle. Le personnage apparaît à travers le moment qui est, comme en physique, la résultante de l'effort porté sur la distance. Essayez de fermer une porte en appuyant tout près de son axe. La poignée se trouve d'ailleurs le plus loin possible de cet axe, aussi loin que l'inspire l'esthétique de la porte. Faire jouer un personnage relève de la même physique. Il faut toujours se poser la question de savoir si le moment est celui d'une impression (ou d'un jeu d'impression), ou si le personnage peut jouer le rôle qui est le sien en entrant dans sa propre peau, ou si enfin il appartient au texte lui-même de décider de son sort. Ici, pas de thèses, ni d'actualité brûlante, ni de combinaisons dramatiques, sauf en cas de parodie. Par contre (voir à ce sujet l'onglet [ECRITURES]), le texte emprunte à l'art populaire et à l'art savant — au chant mineur et au chant majeur — laissant la place à un chant intermédiaire considéré comme la fonction poétique même. Voir onglet [PAYS] "Indalo".
Zone de N3 in progress - septembre 2017/... Voir dans la [RALM] pour le journal de l'évolution et [MCM] pour Louis Marette. | |
Personnages | Pays / Histoires / Ecritures / Schémas / Scories / Notes |
Roman | Parallèles |
Anaïs K.
----- Au temps des Colonies ----- Mauvaise nouvelle Louis Marette Voyage au pays d'Hypocrinde Premier épisode - Le perroquet de Louis Marette ----- Le perroquet de Louis Marette (1) ----- Le perroquet de Louis Marette (2) ----- Le perroquet de Louis Marette (3) ----- Le perroquet de Louis Marette (4) ----- Le perroquet de Louis Marette (5) ----- Le perroquet de Louis Marette (6) ----- Le perroquet de Louis Marette (7) ----- Le perroquet de Louis Marette (8) ----- Le perroquet de Louis Marette (9) ----- Le perroquet de Louis Marette (10) ----- Le perroquet de Louis Marette (11) ----- Le perroquet de Louis Marette (12) ----- Le perroquet de Louis Marette (13) ----- Le perroquet de Louis Marette (14) ----- Le perroquet de Louis Marette (15) ----- Le perroquet de Louis Marette (16) ----- Le perroquet de Louis Marette (17) ----- Le perroquet de Louis Marette (18) ----- Le perroquet de Louis Marette (19) ----- Le perroquet de Louis Marette (20) ----- Le perroquet de Louis Marette (21) ----- Le perroquet de Louis Marette (22) ----- Le perroquet de Louis Marette (23) ----- Le perroquet de Louis Marette (24) ----- Le perroquet de Louis Marette (25) ----- Le perroquet de Louis Marette (26) ----- Le perroquet de Louis Marette (27) ----- Le perroquet de Louis Marette (28) ----- Le perroquet de Louis Marette (29) ----- Le perroquet de Louis Marette (30) ----- Le perroquet de Louis Marette (31) Deuxième épisode - La Passion de Louis Marette ----- La Passion de Louis Marette (1) ----- La Passion de Louis Marette (2) ----- La Passion de Louis Marette (3) ----- La Passion de Louis Marette (4) ----- La Passion de Louis Marette (5) ----- La Passion de Louis Marette (6) ----- La Passion de Louis Marette (7) ----- La Passion de Louis Marette (8) ----- La Passion de Louis Marette (9) ----- La Passion de Louis Marette (10) ----- La Passion de Louis Marette (11) ----- La Passion de Louis Marette (12) ----- La Passion de Louis Marette (13) ----- La Passion de Louis Marette (14) ----- La Passion de Louis Marette (15) ----- La Passion de Louis Marette (16) ----- La Passion de Louis Marette (17) Ben Balada ----- Sur le Voyage en télévision (1) ----- Sur le Voyage en télévision (2) ----- Sur le Voyage en télévision (3) ----- Sur le Voyage en télévision (4) ----- Sur le Voyage en télévision (5) ----- Sur le Voyage en télévision (6) ----- Sur le Voyage en télévision (7) ----- Sur le Voyage en télévision (8) ----- Sur le Voyage en télévision (9) ----- Sur le Voyage en télévision (10) ----- Sur le Voyage en télévision (11) ----- Sur le Voyage en télévision (12) ----- Sur le Voyage en télévision (13) ----- Sur le Voyage en télévision (14) ----- Sur le Voyage en télévision (15) ----- Sur le Voyage en télévision (16) ----- Sur le Voyage en télévision (17) LUCE ----- Colicus et Yléus - RALM nº 101 Johnny Hallyday Arto Lafigougnasse Bortek Carabas Carabin Felix Ramplon Frank Chercos Giton Hartzenbusch Gor Ur Jehan Babelin Jo Cicada John Cicada Kateb Les Vermort Ochoa Omero Roger Russel Thomas Faulques Virgile Wadi el Assouan Zacharias Soriana Virgile Sally Sabat Alice Qand Kol Panglas [...]
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LOUIS MARETTE
Le perroquet de Louis Marette (4)
Je donnai un coup de sabot qui retourna le corps de Bousquet, lequel faillit bien se noyer dans sa sueur, car il était couché sur le ventre avant ma salutaire intervention. Il s’en plaignit et menaça de porter plainte non seulement pour coup mais aussi pour blessure et peut-être même pour plusieurs blessures, l’une provoquant l’autre selon la double circonvolution complexe de sa constitution et de son hygiène. C’était du moins ce qu’il affirmait maintenant qu’il avait la bouche tournée vers le haut. J’allais user de mes sabots pour le remettre à sa place quand Marette m’arrête. « Ami Roger ! » s’écria-t-il en me flattant le museau de derrière. Mais il n’eut pas le temps d’achever sa harangue. L’ange se posa sur une borne kilométrique. On dit que les anges n’ont pas de sexe. Je peux affirmer ici que cette idée n’est qu’un corollaire de la pensée catholique, car je vis que cet ange portait tous les signes de la féminité. De plus, il avait déjà servi. Il arrivait tout droit, par les voies impénétrables du ciel et sur un nuage d’hypocrisies canoniques, de la paroisse de Saint-Palais-de-Justice de Foix. Il était nu, sans traces d’érection ni de désir caché. Sa peau était couverte d’injures et d’imprécations gravées par le stylet des tatoueurs fous dont je n’ai pas ici parlé mais qu’il faudra évoquer de temps en temps pour éclaircir les zones obscures de ce récit métaphorique. Une moustache éternellement naissante attirait sa langue sans qu’il pût résister à cette manie endémique. Sa parole en était, comme cela allait de soi, affectée, ce qui ajoutait à ses trahisons naturelles. Il n’avait d’ennemi que les résistants à toute intrusion de l’étranger dans les territoires de sa terre natale, mêlant ainsi adroitement la figure de l’indésirable à celle des casse-couilles et des conquérants. On ne peut pas être plus machiavélique. Bref, tandis que Marette se jetait à genoux dans les excrétions de Bousquet et que ce dernier rassemblait ses membres dans l’espoir d’en faire autant, je tournai le dos à l’ange pour le menacer de lui envoyer mes sabots dans la gueule. La situation était tendue. Marette mouillait sa culotte, car il ne porte pas le slip qu’il juge contre-bonapartiste. L’ange prit la parole le premier : « Loulou, dit-il d’une voix décidément féminine, tu as appelé bouteille ce qui est biberon. Et conséquemment le narrateur de cette histoire a repris le mot dans son texte, ce qui constitue une allusion injurieuse. Il peut être condamné pour ça, car la justice peut décider, dans son intime conviction, que c’est lui qui a mis le mot bouteille à la place du mot biberon. Ce n’est pas la première fois que tu le pièges de cette manière certes rusée mais parfaitement illégale dans sa répétition constante. Je viens ici t’en avertir : tu ne diras plus bouteille, mais biberon. C’est le onzième commandement. » Marette ne sachant que répondre à cet éloge de la duplicité, l’ange se tourna vers moi, c’est-à-dire qu’il parla à mon cul, car je menaçais toujours de lui défoncer la mâchoire s’il s’avisait de m’outrager : « Roger ! dit-il en recueillant le sel de sa moustache sur le bout de sa langue (ce qui n’est pas incohérent pour les gourmets), tu porteras cette correction dans ton texte. Ainsi, chaque fois que Loulou (j’arrive pas à l’appeler autrement, ce petit diable !) a dit bouteille au lieu de biberon, tu écriras biberon. Voilà pour le passé. Quant à l’avenir que prépare le présent récit, tu ne procéderas pas autrement… — Sinon… ? menaçai-je en grattant la terre de mes fers. — Sinon je t’encule ! — Ah ! Mais je voudrais bien savoir avec quoi tu m’enculeras, connasse ! Vise un peu ce que je laisse pendre ! Et encore, je ne suis pas vraiment excité ! » C’est ainsi que l’ange reprit sa route dans le ciel où l’autan et la tramontane se livraient à leurs joutes météorologiques. Marette en fut non pas scandalisé, mais épouvanté. « Tu ne l’as pas laissé finir ! gémit-il. — Laissée prend un e final… — Ah ! Mais je voudrais bien voir ! C’est que c’est un garçon ! J’en témoigne devant Dieu et ses ouailles. — Certes, s’il t’a enculé (avec quoi, je me le demande), c’est un comme tu dis. Mais je n’ai rien vu de tel sous son nombril… — Mais c’est derrière qu’il l’a ! Tu n’as pas regardé au bon endroit. » Et s’exprimant de la sorte, Marette me montra son propre derrière. On n’eût pu en concevoir un de plus immaculé. Le bougre se vantait un peu ! Mais comme la religion amollit le cerveau de ses croyants, je n’insistai pas et commençai à mettre biberon à la place de bouteille dans tout ce que j’avais écrit à propos de l’édile premier de Mazères, non sans commenter le changement chaque fois qu’il se produisit au fil du journal. Terrorisé par la perspective de cette attente forcément interminable et surtout par l’âpreté de ses commentaires documentés, Marette tenta de monter sur mon dos. Je lançai mes sabots en l’air en guise de menace, frôlant ses joues couperosées. Il recula, baisant une croix de toutes ses lèvres violacées. Plus loin, Bousquet agonisait. « Il mourra si tu ne fais rien, geignit Marette. On a bien le temps de corriger le mot bouteille en biberon, d’autant que je vais faire appel de la sentence. — Mais je m’y opposerai, mon salaud ! — Mais voyons, Roger ! Tu n’as pas mesuré l’ampleur de la tâche que t’impose la justice ! Interjetons appel d’une seule voix, toi et moi ! — Et moi alors ? » se lamenta Bousquet dans son enivrante sueur. Je jubilais, ne cachant rien de ma turgescence intellectuelle qui n’est pas sans relation avec mes capacités érectiles. « Qué cons ! hennis-je sans mesure. Les abbesses de Saint-Palais-de-Justice de Foix sont tellement ignares en matière lexicale ! On ne fait pas plus illettré. Il faut dire que le dictionnaire en usage dans cette abbaye n’atteint pas le niveau du cours élémentaire. J’allais dire : heureusement pour la littérature ! Dire que je n’avais pas pensé à la force expressive du mot biberon quand il est appliqué à ton existence, triste sire ! Je vais m’atteler à la tâche, si un poète de la race équine peut parler ainsi de lui-même. Ah ! Le niveau baisse au Séminaire ! Profitons-en avant qu’un nouveau président prenne le mors aux dents ! » Et penché sur mon écritoire, j’en rajoutai autant que je pus, sentant que l’ange judiciaire venait de lâcher la bride à mon imagination. |