Wegottakeepmovin’, gottakeep on groovin’
Understandbothsides of the sky
Jimi Hendrix, Midnight Lightning
*
Ah les violons de Violaine, j’en ai soupé
Mes arpèges, à l’en croire, n’étaient pas assez vifs pour elle
Une poigne d’enfer, elle avait, cette femme
J’aurais dû savoir, je plains son archet
J’ai changé un temps ma guitare d’épaule
J’ai bien essayé d’épauler sa mélodie avec des accords acides
Mais rien n’y a fait, ça ne fusait pas
Et ce malgré des rythmes incisifs, des tempi à vous donner le vertige
Faut croire que ma pauvre guitare terre à terre ne faisait pas l’affaire
Alors, ma foi, je suis parti une nuit d’orage
Je m’étais mis en tête d’explorer de long en large les travers de mon style
Mais personne pour m’accompagner, me contredire, me tenir tête
Les yeux de biche de la belle Sappho, fallait pas trop y compter
Le saut dans le vide, c’estvraiment pas trop mon truc
Je ne m’appelle pas Phaon, moi
Ni Pharaon, ni Phaéton, ni rien de claquant
Y a belle lurette que Leucade ne fait plus rêver
On y pêche, on y plonge, et alors ?
Un soir de pleine lune sur la plaine déserte, là-haut en Scandinavie
J’ai allumé un feu de tous les diables
Ah ça oui, le bois crépitait, les flammes léchaient la nuit noire, fallait voir !
Pour un peu elles auraient bouffé jusqu’aux étoiles
Ce soir-là, ma guitare n’a pas brûlé
Et moi non plus
Après ce feu de joie, j’étais fin prêt pour les feux de la rampe
Violaine assise au premier rang, les yeux écarquillés, ça me faisait une belle jambe
Sur scène, tous feux éteints, un solo ardent a déchiré l’assistance
Les ventres ont vibré, les femmes hurlaient, Violaine se tenait coite
J’avais trouvé là où aller, trouvé à qui parler
J’y demeure encore aux heures sombres quand la solitude ricane dans mon dos
Régulièrement les terres tremblent sous mes doigts,
A l’envi, je m’exerce à compliquer l’infini
Je caresse les centaures à flanc de montagnes
Les loups bêlent, les agnelets déchirent les chairs des cerfs velus
Toujours j’ai voulu tenir en respect le malheur
Et j’ai tutoyé sans honte la bonne heure
A présent, ma guitare parle pour moi
Je ne chante qu’en son nom des complaintes acides
Elle et moi, c’est à la vie, à la mort
Alors advienne qui pourra dans cette fournaise intemporelle
Là où je suis est aussi bien là-bas où je m’enfouis
Sous des tonnes de notes distordues
Qu’un soleil vienne à jaillir de cette fournaise
La dislocation des mondes ne fait que commencer
Ma liqueur est un tord-boyau
Mon vin a l’âpre saveur des laves encore tièdes
Vienne la musicienne aérienne qui couronnera mon entreprise de sape des mondes
Vienne la voix ferme, le cœur battant, d’un Charlie, d’une Charlène !
Je connais tes soli par cœur, ami saxophone
And I’mcalling long distance on a public saxophone
Tu connais la suite, ami : il nous faut tenir le pari
Rester en mouvement et tout aussi bien poursuivre le rêve
La seule manière à nous de comprendre les deux pôles du ciel
Ne tremble pas, ami, les orages nous guettent, eux seulsavec nous font trembler les dieux frileux
Le ciel glouton moutonne, l’orage remue les chairs électriques
Les yeux, les cieux, les dieux confondus en une seule chair d’humanité
Humble demeure que la terre voûtée
Volutes de sons virevoltants-stridents-cassants-prenants
Haut et bas de bas en haut, de haut en bas
Avec une hache pour seule demeure, une hache à fendre l’âme
Jean-Michel Guyot
28 janvier 2015