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Article publié le 22 février 2015. oOo
Chaperon-rouge, ses jambes sont tachées de baies rouges. Elle est en jupe courte avec un petit pot. Le loup est dans le bois, lui a dit sa maman avec un ton qui grince. Le chemin est rempli de choses agréables, d’herbes un peu piquantes aux mollets, d’odeurs de potirons malotrus qui fulgurent. — Bonjour Chaperon -rouge dit petit Loulou — Bonjour petit Loulou, répond condescendante Chaperon -rouge, qui lui dit petit, avec un petit air d’en avoir dit assez. — Je veux t’accompagner. — Tu vas fort mon petit, moi je vais chez le loup. Sa langue souvent fourche comme à sa grand -mère. Elle voulait lui dire je vais chez Mère -grand. Et siffle un air confus : — Je vais chez Mère -grand — Que tu as de beaux bras et de beaux genoux ronds — C’est pour mieux t’épater et te faire baver. — Que tu as de beaux yeux — C’est pour mieux t’aveugler — Que tu as… — Je n’ai rien et laisse moi aller… Et elle continue son chemin. Les herbes sont plus folles au fur et à mesure d’elle, qui s’ébroue, bat la campagne autour des haies impénétrables qui la suivent des baies, lesquelles sont des yeux perçants qui lui tachent les doigts et les lèvres. Elle songe à celui qui l’a interpellée le jour où elle allait cueillir les fruits qui pointent à ses seins. Au milieu de la pâte à tarte de ses seins. Elle les sait délicieux, fondants et ravissants. — Je suis Bûcheron, Chaperon -rouge, avec ma hache et mon couteau de bûcheron. — Pourquoi un couteau ? Une hache, je comprends, mais un couteau ? C’est au boucher de le tenir en main, de le garder graissé, affuté, comme moi pour siffler avec le merle noir ou la grive écarlate. — Les grives ne sont pas écarlates, répond Bûcheron, elles ont la couleur des grives point final. — Pas après mon couteau qui coupe le sifflet à ta couleur de grive. Laquelle entre nous est plutôt tristounette. — On ne peut pas parler avec toi en chemin on perd le fil du temps, on te perd en chemin. Elle perd en chemin le souvenir de Bûcheron l’homme à la hache et ramasse des pierres sorties de la mer il y a très longtemps. Elle va chez la vieille Mère -grand porter sa belle entorse faite dans un trou appelé nid de poule. Elle mettra son pied sur les genoux cagneux de la grand -mère grand qui massera sa cheville disant chevillette avec un air gourmand. Une pierre reluit soudain à son orteil, celui qui dépasse de son escarpin. La pierre est en réalité une dent de sanglier semée par le petit Poucet local qui est petit Loulou. — Je la ramasse pas dit Chaperon -rouge, elle porte malheur, je passe mon chemin. Cette histoire de pot de beurre et de galette dont on lui rebat les oreilles la met dans un tel état qu’elle active le pas. C’est un conte à dormir debout qu’on lui a raconté qui lui mettait le sang en ébullition. Sa Mère -grand lui disait : tu es ma sauce au sang et lui léchait les lèvres et parfois y mordait. Elle lui faisait peur en lui parlant du loup qui avait de grandes et solides dents plus blanches que la neige et que l’évier dans lequel on étripait les cailles et les figues barbares. — Conneries songeait la fille se nappant de l’odeur de civet du zéphyr. — Où vas -tu de ce pas ? Demande le sanglier qui apparait soudain et qui cherche sa dent. Tu es un beau morceau ma jolie, tu sens bon la galette à la viande et le thym frais. — Passez votre chemin, je vous ai assez vu, sale dent sans mâchoires. — Vous avez peur de sa blancheur ? — C’est la couleur des orphelines, j’ai lu dans Dickens. — C’est que vous rêvez trop aux mâchoires garnies. — Je vais justement là où… — Où le bât vous blesse. Mon petit Loulou est ma dent orpheline, il sait me caresser dans le sens de ma soie, je me charge de lui les jours de pleine lune et je lèche son cartilage en forme de dent creuse. — Je vais chez Mère -grand et vous ralentissez mon chemin. — Comment pourrais -je ralentir votre chemin ? C’est votre marche que je pourrais ralentir et pas votre chemin. — Vous m’embêtez avec vos arguties à la noix. D’ailleurs vous sentez l’ail mal digéré c’est dégoutant. — Vous n’êtes pas polie avec l’ail, ni d’ailleurs avec vous -même. — Vous parlez par énigme, on dirait comme un paillasson qui parle aux pieds qui les essuient. — Ce sont les pieds qui s’essuient sur les paillassons pas l’inverse. — Cher monsieur sanglier vous êtes trop savant pour moi qui sens la poudre d’escampette lui monter aux narines. — Je vous laisse, votre fumet sent trop une impatience de vous rendre le plus rapidement, là où on vous attend. Quant à moi, je vais de ce pas, plutôt de ce sabot, débouler dans les prés cueillir la marguerite. Et le sanglier part dans le plus épais bois pour ne plus rencontrer ce trop prétentieux coquelicot de chair. Chaperon rouge met ses tresses dans le vent et se cuisine un pas de danse qui touille son popotin avec une cuillère de joie qui la fait tant rougir, qu’elle loue les dents de l’air qui a fraîchi. Elle se hâte encore, ses muscles durcissent, ce n’est pas au gout de Mère -grand, qui aime qu’on soit tendre entre ses longs grands bras, sous ses grands yeux qui voient, sous l’éclat du sourire grand et large et blanc comme une large nappe où les baisers sont forts et précis et goulus. — Oh Mère -grand ! songe en se hâtant et en se gourmandant d’être presqu’en retard, notre Chaperon rouge de honte et de joie. Et bientôt c’est le seuil avec sa bobinette. Et se souvient de sa cheville et boite un peu. Non, boite carrément. — Ça mettra du piment murmure la finette. |
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