Le jour où Nicolae Ceaucescu a tenté de s’enfuir,
tu te souviens ? dans un hélicoptère
qui ne le mènerait nulle part,
la vie était abrutissante mais douce.
Le cauchemar était encore raisonnable.
La naïveté était aussi conceptuelle.
Mais on ne se rendait compte de rien. Pas plus qu’aujourd’hui,
à dire vrai. Pourtant, ce jour-là,
le ciel était criblé de flèches
qui saignaient les nuages comme des crocs de boucher.
Ce jour-là n’était rien de plus qu’aujourd’hui, certes.
Il n’a pas fallu longtemps pour qu’on retrouve le dictateur
accompagné de son épouse
pour les exécuter. C’est bien normal.
Et nous, on ne se rendait compte de rien. Un peu comme aujourd’hui. On ne sait pas
qui hurle de colère. Qui souffre alors qu’il meure,
qui trafique le sens de la douleur et de la mort
qui alimente la vie. La vie,
elle ne se rendait compte de rien. Moi, je riais.
Je trouvais ridicule cet hélicoptère dont l’autonomie est somme toute médiocre.
Je voulais un Jumbo-Jet, tu me comprends ?
Et toute cette série d’événements était atrocement confuse. Mais
qu’à cela ne tienne. Et advienne que pourra.
Ma main était percée. Je voyais à travers.
Et la réalité était abstraite. Je te voyais.
Tu traçais à travers
des lignes dans le ciel.