Ah ! l’amour a des faillites
que l’argent ne guérit pas.
J’en veux pour preuve
une récente affaire
qui me coûta presque la vie.
Promis à un bel avenir
par vocation familiale,
je succombai au doux regard
d’une créature tellement plus belle
que je ne suis intelligent.
Nous partîmes.
Fenêtres à grande vitesse
des paysages de France.
Nous mîmes à profit les tunnels
pour nous laisser aller
à exprimer tout ce que nous savions
de l’amour en fuite.
Car nous fuyions.
Comme il était question
de parcourir 10000 kilomètres
avant de revenir au foyer
qui nous était assigné,
nous tournâmes en rond,
nous zigzaguâmes,
nous croisâmes nos chemins de fer,
nous revînmes sur nos pas
tant de fois qu’à la fin
nous fatiguâmes.
Nous en étions à 5000
et des poussières.
Et je ne compte pas les tunnels
qui m’épuisèrent.
Je ne savais pas à quel point
un tunnel ressemble à un tunnel.
J’en conçus des rêves inavouables.
Bref, nous descendîmes du train.
Nous empruntâmes le quai obligatoire
et hélâmes un taxi qui nous mena
aux eaux.
« Mais que veux-tu faire dans un zoo ? »
me demanda-t-elle.
« Je n’ai pas dit zoo, j’ai dit eaux !
— Je t’assure que tu as dit zoo !
— Mais je sais tout de même ce que je dis !
— Pas toujours, mon ami ! Pas toujours. »
Nous arrivâmes aux eaux.
« Tu vois bien que ce n’est pas un zoo !
— En effet, ma mie.
Si c’en eût été un,
on t’aurait trouvé une cage. »
Et je la noyais dans les eaux,
car il y en avait plusieurs.
Je n’en demandais pas tant.