C’est la fête chez mon voisin.
Réunion de domestiques.
La monarchie républicaine
Trinque sur le dos des autres.
Comme je suis visible
A travers la haie,
Car c’est l’été
Et la sécheresse s’active
Du matin au soir
Et dans mes rêves,
On m’invite à partager
La bonne humeur
Qui est de rigueur
En ces temps de vénalités
En tous genres.
Je franchis la limite,
Langue dehors
Car je suis poète
Si l’heure le veut.
Et nous en arrivons au fait :
Est-ce que je participe
A l’effort national
En écrivant des poèmes
Que personne n’a lus,
Sauf mon voisin
Qui en sait quelque chose ?
Il s’interpose, couperosé.
Il répond à ma place.
Il en connaît un rayon
Sur ce que je suis,
Ce que je possède
Et ce que je pourrais,
Avec un peu de chance
Et de bonne volonté,
Paraître aux yeux de tous.
Tous, c’est nous ou c’est eux
Selon le point de vue
Qui affecte mes transitions
Quand je sors de chez moi.
Je reviens saoul, heureux
De n’avoir pas été compris.
J’aime ma solitude
Et je lui fais des enfants.
Je suis un bon père de famille.
Ne me lisez pas,
Passez votre chemin
Et si jamais vous m’invitez
A partager votre sort
De fayots, de mouchards,
Invitez aussi mon voisin.
Il a tout compris, je crois...