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Dictionnaire Leray
GORE (ET PORNOGRAPHIE)

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 Article publié le 16 octobre 2016.

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Adolescent j’allais dans un vidéo-club. A côté de mes films fétiches (La nuit des morts-vivants, Ré-animator, Bad taste...) il y avait des séries z et des documents du type Mort en direct. Avec des scènes de mort réelle. Il n’y avait que ça dedans : des gens qui meurent, pour de vraie et de façon atroce.

Je ne l’ai jamais emprunté, ce truc. Ni cherché à le voir. Le spectacle de la mort réelle ne touche plus à l’art. Le cinéma a déjà bien du mal à se hisser au stade de l’art alors s’il n’y a plus de film...

Il y a une frontière ténue peut-être mais essentielle entre le gore et le document de type Mort en direct. Peut-être cette frontière réside-t-elle dans le rire mais non : on peut bien rire de morts réelles ou de drames qui ne prêtent pas à rire. Même si c’est affligeant.

Peut-être simplement le gore s’ancre-t-il dans la fiction, dans un univers fantastique (au sens du fantasme) pour y rejouer des drames symboliques. La Mort en direct n’apporte rien de ce type. La représentation du macabre reste distanciée dans le gore, si brutal soit-il, dès lors qu’il y a film.

Un des chefs-d’oeuvre du genre gore, Bad Taste, tourne clairement l’horreur en dérision. Ce n’est pas pour rien si ce film est devenu un culte : ses spectateurs retrouvent leur propre regard sur le gore dans l’humour du film.

A quel moment sort-on du gore pour entrer dans le voyeurisme morbide ? Il n’y a que le système de l’oeuvre qui permette de répondre et jamais de façon décisive, finalement. Le voyeurisme tenterait de satisfaire la racine la plus instinctive de la sensation. La sensation n’a besoin que d’un matériau brut pour se satisfaire : pornographie, mort en direct sont de cet ordre. L’oeuvre, quant à elle, cherche à insérer une pensée à l’intérieur de ce « matériau brut », elle fricote certes avec la racine instinctive de la sensation mais sans la séparer d’une pensée qui se manifeste notamment par la maîtrise artistique et la pente : l’oeuvre tend à...

Je verrais alors un peu les choses comme Foucault quand il interroge les rapports entre oeuvre et folie : s’il y a oeuvre, dit Foucault, il n’y a pas folie car la folie est précisément absence de l’oeuvre ou de sa possibilité. Et je transposerais la comparaison au gore et au voyeurisme : s’il y a oeuvre, il n’y a pas voyeurisme car l’élément - si révulsant qu’il soit - est intégré dans un système de représentation qui, non seulement se goûte, mais aussi se pense.

Ce sont des hypothèses, finalement. Mais elles me semblent permettre de comprendre comment le gore (et la pornographie, son étrange cousin) ne sont pas en eux-mêmes réductibles à l’obscénité du voyeurisme.

 

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