Extrait du Cancionero español.
Je vais vite, je vais bien, je vais mon petit bonhomme
De chemin. Je vais sans vous, devant vous, par désir,
Mais aussi par habitude car je ne suis pas chien, je ne suis
Pas ce chien que vous poursuivez dans la nuit des couteaux.
Vite, vite ! Je ne voudrais pas vous égarer. La nuit donne
Son opinion et c’est normal. Elle dit que je ne suis pas fou.
Comment dirait-elle que je le suis ? Non, pas pourquoi !
Comment ? Comment trouver ces mots définitifs ? Comment
Me sauver du garrot ou de la croix ? - Je ne sais pas,
Je ne sais pas comment ni même pourquoi. Vite, c’est
Relatif. Lentement, c’est risqué. Immobile, je ne veux pas.
Alors l’Homme que je suis fuit, fuit et parle, parle et tue
Tout ce qui se passe à portée de sa main qui écrit, écrit
Et recommence si la nuit est propice à d’autres jours
D’angoisse et, aussi, de cette petite haine que je cultive
À votre endroit, je le reconnais. D’ailleurs c’est tout ce
Que je reconnais. Vous pouvez torturer la chair de mon
Envers, jusqu’au sang et jusqu’au cul, je ne dirais rien
D’autre que cela : je vous hais, au fond. Je dis : au fond
Parce que je ne crois pas vraiment vous haïr. Je me crois
Capable-coupable d’amour. Mais les mots sont ceux
Que j’utiliserais si la parole m’était donnée. Je l’arrache,
Donc je hais. Enfin, ce sont les mots de la haine mais
Le cœur n’y est pas, vous pensez ! Ce cœur de crucifié
Qui fuit pour parler, parler et, à l’occasion, tuer, tuer
Ce qui est et ce qui n’est pas ou n’est plus, plus temps
Ou plus utile, plus la peine de se fatiguer à poursuivre
Dans cette nuit qui m’angoisse et me fonde, cette nuit
Blanchie à la chaux comme vos murs, nuit défenestrée
Au bon moment, soleil ! je ne veux plus qu’il fasse nuit,
Mais si ma demande est trop demander, je voudrais fuir,
Fuir et parler, parler et tuer tant que c’est possible, et si
Ce n’est pas possible, est-ce qu’au moins c’est joli ?