Extrait du Cancionero español.
Et Dieu dans tout ça ? - Dieu courait lui aussi, mais parce qu’
Il était dans l’Homme. Il ne l’aurait pas suivi, n’étant nulle part
Ailleurs que dans cet Homme conçu pour être un homme-dieu.
Dieu n’existait que par l’Homme et pour l’Homme, Dieu était
À usage humain et il ne sortait pas de l’Homme pour entrer
Dans les animaux ni dans les choses. Dieu n’allait pas loin
Si l’Homme voyageait mais il pouvait durer longtemps si
L’Homme le désirait. Il y avait de l’Homme dans l’existence
Et Dieu dans la pensée. Il y avait des hommes pour imposer
Dieu à l’Homme et d’autres qui pensaient qu’on pouvait
S’en passer sans prendre le risque de se damner pour cette
Éternité qui n’appartient pour le moment qu’à la pensée
Ou au moins à l’idée qu’on s’en fait avec ou sans Dieu.
Dieu logeait dans le foie. Il y trouvait toujours sa place
De métastase. Je veux dire qu’il était déjà ailleurs dans
Ce corps et que dans le foie, il vivait. Car Dieu n’est pas
Pensée, il est chair. Chair de l’Homme et par conséquent
De la Femme. Mais Dieu se fait pensée si l’occasion
Se présente et elle ne manque pas de se présenter au
Portillon de l’Histoire toujours avec la même objectivité
Du massacre et de l’hygiène. Cette pensée née de la chair
Est un signe reconnu de la maturité qui consacre les nations
Et les guerres. Mais le sexe doit demeurer secret, si secret
Qu’il n’explique que les enfants et les crimes sexuels.
Le sexe est un Dieu qui s’exprime par la pensée des enfants.
Et l’Homme qui fuit pour ne pas être la proie des hommes
Ni le prétexte d’une idée que Dieu cultive dans le foie,
L’homme sent que Dieu préfère les hommes et que les hommes
Ne laisseront pas passer cette opportunité de croissance
Économique. L’Homme, dirait-on, a perdu la tête de courir
Vite et bien, mais inutilement et sans leçon à donner. L’Homme
Ne rencontre plus d’arbres à cette hauteur. Il trouve des animaux
Distants et ne croise que leur regard d’animaux que Dieu
A créé, selon ce qu’il faut nécessairement en penser, pour donner
À comparer l’humain à la bestialité. L’Homme n’a plus
Le temps d’y penser. Il continue de monter vers le ciel
Sachant qu’il n’atteindra que le sommet des montagnes
Et que même oiseau par mise en abîme de la pensée,
Il ne volera pas plus loin que l’atmosphère et que les
Fusils portent aussi loin qu’il est possible d’aller contre
Les hommes de Dieu. Il ne va pas contre Dieu qui est
En lui la chair qui le désigne. Il va contre les hommes
De ce Dieu extériorisé par extirpation mentale et im
Position de la Loi et de la Science, les deux piliers
De la sagesse religieuse. Heureux Sisyphe qui ne va
Pas plus loin que le sommet par définition d’homme
Et que le rocher éternise par remplacement d’homme.
Heureux celui qui revient sans cesse mais seulement
Pour prier, heureux dans la répétition et le soulagement
Des douleurs de l’existence qui est encore animale
Au travail de la nourriture et de la reproduction.