J’ai trempé l’encre dans la plume
De bleue qu’elle était, elle a viré au rouge

Le sang ne coagule pas très vite
Entre chaque virgule

De veinule en venelle, les mots choient,
Tombent de haut souvent, trébuchent sur des siècles et des siècles de passé

Pas de paravent pour les retenir ni d’auvent pour les contenir
La pluie de sens envahit tout, jusqu’aux moindres étincelles

Pas une radicelle qui ne se noie
Dans ce déluge

La pluie de sens envahit tout, mange les yeux omnivores,
Dévore jusqu’au manque de confiance en soi

Là-haut, tout là-haut dans les Alpes neigeuses
Où se prépare la tourmente ailée de l’aigle royal

Les montagnes tournent sur elles-mêmes,
Le pays est saisi de vertige

Le berger ne détourne pas le regard de sa quête
D’altitude, son bâton calme le paysage pris de folie d’instant en instant

Et le jeu ne cesse, aspire toutes les forces en présence,
Lui a les yeux posés sur l’alpage tranquille où croissent

Les gentianes jaunes. Redescendre dans la vallée est si aisé,
Un jeu d’enfant pour cet homme à la vigueur tranquille

Aux rives lointaines la soif, à son égard
Le vent, sa fraîcheur alpine et l’azur moqueur

Où s’agite l’être en majesté dans la simplicité
La plus âpre, la plus indécente

Et tintent les clarines dans les prés rocheux
Contemporains des cimes neigeuses

Jean-Michel Guyot
10 juillet 2017