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Choix de poèmes (Patrick Cintas)
Les poètes sont tous des putes
[E-mail] Article publié le 4 septembre 2017. oOo Un habitué des trottoirs s’écarte presque sans la voir mais il la voit et il l’appelle. « Vieille pute ! Ma toute belle ! Je ne suis pas encore mort. A cause de toi c’est dehors que je reprends goût à la vie. A mes honneurs je te convie. Le vin ne me manquera pas. On le dit meilleur qu’ici bas. Mais regardez comme elle file ! Avec un vélo c’est facile. Et moi qui ai le gosier sec. Dans ce cas on ferme son bec et sur le trottoir on se couche. Mais qu’a-t-elle ? Je l’effarouche ou c’est moi qui parle de moi et de la nuit ne le dis pas. Oui, c’est la nuit plutôt, bien noire et non point ce que j’ai pu croire quand j’ai vu passer ce vélo. Pour rêvasser il est trop tôt. Le malheur s’abat sur ma tête et d’un chapeau je me sens bête ! Ah ! Boire je n’aurais pas dû ! Femme m’en voudra, c’est foutu ! Jamais ne couche avec l’ivrogne qui ne lui fait pas belle trogne pour réclamer satisfaction de ce qu’il appelle passion et qui en vérité n’est autre que la raison où il se vautre car il ne connaît du métier que l’astuce et les bons côtés. Au fait, j’ai bien vu cette femme qui n’est mienne mais que je dame quand à l’occasion on se voit. Je n’ai pas la berlue, ma foi ! Je la reconnais entre toutes. Et c’est souvent que sur ma route je croise avec elle le fer. Elle est ma porte de l’enfer. Et quand je dis fer je dis rare car j’ai des dons pour la bagarre. Elle allait vite et à vélo. Je suis à pied, c’est un défaut. En allant vite j’ai des chances. Pressons le pas dans l’espérance. Bien sûr il faudrait aller droit. Pour aller vite c’est la loi. Mais j’ai trop bu et j’ai encore une de ces soifs de pléthore ! Ah ! J’ai bien dit vélo, monsieur ! Oui, je fais dans le besogneux et gagne plutôt bien ma croûte. Je suis prêt pour toutes les joutes. J’en ai vaincu de plus heureux. Quand je veux c’est ce que je peux et quand je peux je m’émerveille. Ah ! Ce n’est pas demain la veille qu’on me prendra la main dedans. Quand je m’y mets c’est pour longtemps. Celui qui va loin se ménage. Connaissez-vous bien les parages ? Il me semble que j’ai déjà marché sur ce trottoir, oui là où vous mettez vos pieds d’argile. Vous affectez un air tranquille mais sous cette terre je sens que votre cœur manque de sang. Les uns vous tuent, d’autres vous créent. La vie est un conte de fées. Quand j’en aurais fini avec cette femme qui cloue mon bec (voyez où j’en suis en ménage : un oiseau fait mieux dans sa cage !) chaque fois que je reconnais dans l’homme l’ami qui me fait ce que je suis quand j’abandonne. Une partie qui se maldonne est signe que dieu est sorti laissant porte ouverte à la nuit. Que voulez-vous que d’elle on fasse ? J’en ai assez de ses grimaces et du prix qu’il me faut payer pour qu’elle cesse d’ennuyer (vous connaissez l’ennui des femmes : en voici tout le mélodrame !) jusqu’à mes amis et mes fils ! Ici je range mon pénis et j’ouvre une bonne bouteille qui comme je dis émerveille et fait de la nuit un doux lit. Qu’on me pardonne ce délit qui ne mérite pas instance. Quand on est malheureux on danse avec qui connaît le trottoir. Vous me trouvez un peu rasoir, mais vous ai-je par pièce jointe demandé d’écouter ma plainte ? Monsieur, lâchez ce bras qui est le seul bien que je me connais ! L’autre est moins leste à la détente. Prenez-en soin si ça vous chante ! » |
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