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Article publié le 5 novembre 2017. oOo J’ai rencontré un type, il avait marché sur la mer. Il avait même calmé une tempête après avoir nourri, sur la berge, de seulement trois poissons et deux pains les cinq mille qui lui faisaient alors cortège –« sans compter femmes et enfants » me fit-il comprendre avec ses doigts métaphoriques dont l’index était à lui seul parabole. Car longtemps dans sa vie brève une foule sans cesse renouvelée mais exténuée de le suivre (il guérissait l’inguérissable) lui avait fait cortège dans le désert et ses environs. Jusqu’au jour où tous même certains des plus proches l’abandonnèrent. Sur un radeau céleste. Tout ça dans l’indifférence des anciens cortèges : on sait les foules versatiles, mais leurs clercs ne valent pas mieux –qu’en penses-tu ?– Alors cette fois, me raconta-t-il en sa langue de doigts et de regards inconnus de moi, il fallut traverser le vrai désert : Le Désert Sans Dieu. Puis traverser la Mer : la grande vulve qui engloutit et rejette vague à vague, racontent les rares rescapés. Ce type-là je l’ai pris en stop sur une route qui mène à Calais vers l’Angleterre. Pourtant il a refusé la flasque de whisky que je lui tendais et que je porte toujours dans la poche revolver de mon jean. Et au moment où je ne m’y attendais pas il s’est jeté par la portière et a roulé sur le talus –où il s’est immobilisé bras en croix. Depuis je suis en garde à vue. Si quelqu’un connaît ce type, qu’il me confie son nom, je ne dirai rien aux gendarmes : qu’il se prénomme Youssef, Jésus, Joseph ou même Machin.
Roland Nadaus
Vient de paraître : « Egoutiez la parole » , livre d’artiste, poème de Roland Nadaus, gravure de Marc Giai-Miniet. Tirage limité à 30 exemplaires ; Editions Le nain qui tousse (septembre 2017). |
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