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Choix de poèmes (Patrick Cintas)
Il n’y a pas d’animal sans cette frayeur au bout de la nuit

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 Article publié le 26 novembre 2017.

oOo

--------------------------------------Qui est cette fille ?

 

Tu devrais le savoir. Elle était fenêtre la nuit et chat le jour.

Elle cherchait l’eau de la rivière sous les cailloux.

Les animaux sortaient de la terre et tu expliquais

 

Pourquoi. Il n’y a pas d’animal sans cette frayeur au bout

De la nuit. Je me réveille parce que je ne dors pas.

Remontons jusqu’à ce que je sais de la source et taisons

 

Nous devant ce silence. À la croisée des eaux, un moulin

Abrite les essais de fornication de l’enfance qui atteint

La maturité par cette porte étroite. — Pourquoi le Christ ?

 

— Demande-leur. Ces femmes attendent ce que l’homme

Renouvelle. Paroles d’homme. Les ailes du moulin, brisées

Par le vent et les insectes, abritent des oiseaux bleus

 

Que tu appelas des chasseurs. Cette abstraction séduisait

La femme. Puis le mur du barrage impose ses espaliers

De roches grises et ses arbustes aromatiques. On se sent

 

Petit au pied de cette construction, levant la tête pour apprécier

Le tonnage et l’ampleur des travaux. Des camions, une

Quantité incroyable de camions circulant jour et nuit

 

Et les hommes ont dressé ce monument d’utilité publique,

Ce qui ménage l’esprit quand on songe à l’orgueil

Qui préside d’ordinaire à ses constructions monumentales.

 

Puis le chemin si dur à refaire jusqu’au-dessus du lac

Qui emprisonne à jamais un peuple aujourd’hui déplacé,

Remplacé. — Mon nom est celui d’un loup solitaire

 

Et cruel. Écris-le avec un X, ma poule. Fais-le sonner

Dans ta bouche-moulin à paroles. Et descendu au bord

De cette eau morte, il fallait se contenter de la vision

 

Des algues. Ces reflets d’argent, ce sont les poissons.

Et cet or qui ne se laisse pas regarder en face, c’est moi.

Moi dans la pureté d’un instant de croyance,

 

Moi au temps où cette terre était la mienne et celle des autres.

Il n’y avait que moi et les autres. Et les animaux tranquilles.

Il y avait aussi ce qu’on pouvait savoir, entre les mots,

 

Il y avait un infini d’autres mots et tout était tranquille.

La rivière est un fleuve, ma mie. Si tu ne vois pas son eau

Couler comme le sang hors de sa raison, tu ne vois rien,

 

Tu vois ce qu’on impose à ton esprit, tu vois des hommes

Qui appartiennent à l’homme et non pas à la terre. Tu vois

Des villes peuplées d’étrangers à l’homme et des rues

 

Traversées de femmes pressées d’en finir avec le jugement

De Dieu. Ici, tu pourrais voir l’homme et la femme,

Non pas unis mais parfaitement ressemblants, parfaitement

 

Équivalents. Cette eau qui s’arrête et que l’évaporation

Et l’immobilité attisent comme le feu qui couve sous la cendre,

Cette eau témoigne de l’homme-femme et de l’enfant

 

Que tu es. Je me souviens maintenant que tu le dis

À ces magistrats aux larmes de crocodile, je me souviens

De ma promesse d’un sermon sur la Montagne : Riches,

 

Vous périrez par le feu. Discours de riche, je sais. Mais

J’y crois, ma mie, j’y crois comme si Dieu pouvait encore

Exister après la mort. Si je n’étais pas si pauvre,

 

Et si la maison de mon père avait un sens, si ma vie entière

Était un chant et non pas une histoire, ma mie nous nous

Aimerions sans savoir qui de nous est la femme, qui l’homme

 

Et pourquoi l’enfant. Mais la terre ne se nourrit plus

De ses animaux ni de son eau, la terre métallique s’oxyde

Au lieu de prendre le feu promis par l’atome, la terre

 

N’est plus qu’une anecdote probable entre toutes les anecdotes

Dont l’univers s’accroît inintelligiblement. Nous descendions

Alors, l’esprit menacé d’inconstance, et elle reconnaissait

 

Le chemin. Nous possédons aussi un pignon de roche

Jaune et rouge qui s’avance dans la vallée. J’y construis

Un temple sans savoir qui en sera finalement le locataire,

 

Dieu ou moi ? Ici, le vent peut se montrer viscéral.

Des asperges nourrissent l’instant. Des feux-follets

Embrasent l’herbe. On dit que cet endroit est maudit

 

Depuis qu’un homme s’y est pendu. Voici l’arbre

Et la branche, voici la prétendue mandragore et ceci

Est l’ombre que le mort projette sur notre chance

 

De survie. Je sais, je sais, c’est compliqué et tu voudrais

Comprendre. Alors je te pousse dans le chemin le moins

Propice aux découvertes et tu te laisses prendre comme

 

La chienne que tu es. Homme et femme nous sommes

Et ne serons jamais. Mon cri n’effraie que la chauve-souris

Qui détale dans le ciel. Nous témoignerons des circonstances

 

Le moment venu. Sur le toit de bruyère et de pavots, les enfants

Étudient cette science naturelle avec un naturel étonnant

De la part d’enfants qui ne savent rien de toi, ma mie.

 

Mais ce sont les tiens et il faut leur expliquer que l’amour

Et le plaisir ne font qu’un sinon la femme est un homme

Et l’homme une femme, ce qui est contraire aux lois

 

De la nature et par conséquent du dieu qui la renouvelle

En même temps que notre destin de tragédiens tués

Par les poisons de l’existence et les coups d’épée

 

Dans l’eau. — Vous n’avez rien vu, il ne s’est rien passé,

Nous allons nous amuser à faire peur aux bêtes qui sont

Bêtes et aux hommes qui les conservent comme des

 

Photographies. Ils venaient à toi, ma mie, et tu les aimais.

Ma maison sentait la cendre de l’olivier et la sueur

De mon front. On y buvait pour ne pas oublier.

 

 

Extrait de La chanson d’Ochoa

 

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