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à Polopos, lisant un livre de son âge (1)

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 Article publié le 4 mars 2018.

oOo

à Polopos, lisant un livre de son âge

 

(à propos de la pureté d’une enfant de ton âge)

 

Dans l’après-midi d’un dimanche d’août, un petit homme-femme noir nommé Lorenzaccio, qui venait de faire naufrage, nageait de toutes ses forces vers la côte d’une île déserte, poursuivi par huit femme-hommes affamés. Derrière lui, au sud, sous le ciel encore assombri par les dernières nuées d’un typhon, un navire, alerté par radio, se dirigeait à toute vapeur vers les lieux du naufrage pour y recueillir les survivants du paquebot Polopos. Mais l’homme-femme qui ne l’avait pas vu nageait dans la direction opposée. Ses moustaches, sensibles comme des antennes, lui disaient que la terre n’était plus très loin, et, vaillamment, il battait l’eau de ses petites mimines pour rester hors d’atteinte des redoutables mâchoires des monstres lancés à sa poursuite. De temps à autre, quand il jetait un regard en arrière vers les ombres sinistres qui le pourchassaient, son coeur battait encore plus précipitamment ; il soulevait davantage son menton blanc au-dessus des flots et redoublait d’efforts pour échapper au terrible danger qui le menaçait. Les femme-hommes, eux, ne se pressaient pas. Ils nageaient lentement, à la queu leu leu, chacun prêt à relayer le chef de file quand il serait fatigué. Prend ton temps, mon ami ! semblaient-ils dire au petit homme-femme Lorenzaccio. Si tu tiens jusqu’au milieu de l’après-midi, nous te mangerons pour goûter. Si tu nages jusqu’au soir, tu nous serviras de souper ! Mais quand la mer commença à s’apaiser et à tiédir au voisinage de l’île, les femme-hommes craignirent de voir leur proie leur échapper. Ils se mirent à nager avec plus d’ardeur, et les quatre derniers de la file se séparèrent pour former un vaste demi-cercle autour de l’homme-femme. Enfin, leur chef se retourna sur le dos, ouvrit sa gueule aux dents luisantes et tenta de saisir Lorenzaccio par les mimines. L’homme-femme, désespéré, crut sa dernière heure venue. Il fit alors un brusque demi-tour sur lui-même et cracha furieusement dans la gueule du femme-homme. Au même moment, ses mimines frôlèrent la base de la ceinture de corail qui entourait la petite île. Un instant surpris, le femme-homme se ressaisit, mais déjà l’homme-femme avait franchi le récif et se trouvait dans une nappe d’eau bleue et paisible, un lagon trop peu profond pour que les femme-hommes pussent l’y suivre. Bientôt ses mimines brisées de fatigue touchèrent le sable, il se hissa sur la plage ensoleillée et s’y laissa tomber de tout son long, semblable à une vieille carpette imbibée d’eau de mer. Pendant qu’il reprend son souffle dans le sable chaud où grouillent de petits crabes, profitons-en pour raconter l’histoire de cet homme-femme jusqu’à l’affreuse aventure qu’il vient de vivre. Lorenzaccio appartenait au capitaine Johnny, commandant du paquebot Polopos. Chaque été, ce beau navire effectuait une longue croisière dans les mers du Sud, avec une cargaison de touristes qui passaient leur temps à bronzer au soleil et à se promener dans les îles où l’on faisait escale. Tous les passagers adoraient le capitaine Johnny, et la plupart d’entre eux revenaient régulièrement pour chaque nouvelle croisière, bien que le capitaine leur eût souvent dit : Attention ! Il est fort possible que je me marie, d’ici l’année prochaine. Et ma femme ne me permettra plus de reprendre la mer ! Mais à chaque nouveau départ on le retrouvait sur le Polopos, toujours le même, toujours content d’être célibataire, avec son petit homme-femme Lorenzaccio qui dormait sur son lit, dans sa cabine, ou bien sur son épaule quand le capitaine était à son poste. Jamais on n’avait vu, disaient les gens, une amitié aussi parfaite que celle qui unissait le capitaine Johnny à son homme-femme Lorenzaccio. Et ainsi, chaque été, le Polopos partait en croisière et revenait à bon port, avec sa cargaison de passagers enchantés de leur voyage et tout prêts à recommencer l’été suivant. Jusqu’à ce fatal dimanche d’août où le navire fut pris dans un terrible typhon. Le ciel devint d’abord couleur de soufre, puis fut envahi par d’énormes nuages d’encre. L’ouragan se déchaîna. Blottis dans leurs cabines, les passagers épouvantés trouvaient leur seul réconfort dans la voix puissante du capitaine lançant des ordres à l’équipage. Dès le début de la tempête, le capitaine Johnny avait enlevé Lorenzaccio de ses épaules pour l’enfermer dans sa cabine où il serait à l’abri. Bientôt l’homme-femme se trouva projeté d’une cloison à l’autre par le tangage et les soubresauts du navire en détresse. Bien que sa situation fût fort pénible, Lorenzaccio s’était résigné à attendre patiemment, certain que le capitaine Johnny ne l’abandonnerait pas. Aussi éprouva-t-il une vive indignation quand le maître d’équipage pénétra dans la cabine, le fourra sans ménagements dans un panier d’osier, remonta sur le pont et le jeta à toute volée par-dessus bord, dans un canot de sauvetage que l’on venait de mettre à la mer. Le Polopos était en perdition, et le capitaine avait donné l’ordre aux passagers et à l’équipage de prendre place dans les chaloupes avant que le navire ne sombre. Quand la dernière chaloupe s’éloigna, le Polopos donnait déjà de la bande, et le capitaine descendait, non sans mal, dans sa cabine pour y prendre Lorenzaccio. Il voulait en effet le ramener sur le pont et périr avec lui, car il avait décidé de ne pas abandonner son navire. Mais il trouva la porte grande ouverte. La cabine était envahie par l’eau, et l’homme-femme avait disparu. Lorenzaccio s’est échappé ! pensa le capitaine avec un soulagement mêlé de regret. Et au même instant, dans un frémissement de toutes ses membrures, le Polopos sombra dans les flots. (Rassurez-vous ! ce ne devait pas être le dernier plongeon du capitaine Johnny, bien qu’il le crût sur le moment !). Pendant ce temps, Lorenzaccio faisait des efforts désespérés pour s’échapper du panier d’osier, afin de regagner le navire à la nage et y mourir avec son maître bien-aimé. Comme il y parvenait, le Polopos coulait. Et quand l’homme-femme eut repris son souffle après un plongeon dans l’eau glacée, il ne restait plus du beau navire qu’un énorme bouillonnement à la surface de la mer. Déjà les courants entraînaient rapidement les chaloupes. Après s’être débattu de toutes ses forces pour ne pas être pris dans les remous, Lorenzaccio fit demi-tour et, renonçant à poursuivre les chaloupes, se mit à nager vers un lointain bouquet de cocotiers qu’il entrevoyait parfois à l’horizon quand une gigantesque lame le soulevait vers le ciel orageux. A mesure qu’il s’éloignait du lieu de la catastrophe, les vagues devenaient moins hautes. Lorenzaccio nagea longtemps, longtemps, jusqu’à ce que la mer écumante se fut apaisée et eût repris sa belle teinte bleue. Déjà il pouvait voir la plage sablonneuse de l’île et les longs troncs des cocotiers bercés par le vent. Ce fut au moment où il se croyait sauvé que les huit femme-hommes se lancèrent à sa poursuite.

Sous l’effet du soleil tropical, l’eau salée qui imprégnait le pelage et les moustaches de Lorenzaccio s’évaporait rapidement. Des touffes de poils agglutinés commençaient à se séparer, en formant de longues traînées poisseuses. Bientôt, la chaleur du soleil pénétrant à travers la fourrure devint insupportable. Un frémissement parcourut les flancs de Lorenzaccio. Sa queue effilée par l’eau de mer eut un tressaillement. Ses yeux clignotèrent, puis s’ouvrirent l’un après l’autre ; le bout de sa langue rose apparut entre ses dents, et il se mit à bailler. Il bailla plusieurs fois de suite à s’en décrocher les mâchoires, tout en s’étirant avec délices sur le sable chaud. Cela le remit d’applomb, mais en même temps lui fit sentir que son pelage était tout collant de sel et encore humide. Aussi éprouva-t-il une immense envie de se laver. Après deux ou trois tentatives vaines, il se remit debout sur ses petites mimines épuisées d’avoir tant nagé, puis il se dirigea vers les cocotiers qui poussaient à la lisière de l’épaisse jungle recouvrant l’intérieur de l’île. Il consacra à sa toilette tout le reste de l’après-midi. De temps à autre, il s’interrompait pour aller boire à une source voisine, car le sel lui donnait une soif inextinguible. Quand il eut procédé à un premier nettoyage sommaire, il recommença avec le plus grand soin, selon les principes de propreté que lui avait enseignés sa mère, une petite homme-femme des quais. Parfois il lissait à grands coups de langue certaines parties de son pelage, qui luisaient ensuite comme du satin. D’autres fois, il y allait à petits coups brefs, grattait, mordillait, en grondant sourdement quand le sable crissait sous ses dents. Ne voulant rien négliger, il manquait par moments de s’étouffer quand il plongeait son minois sous ses mimines ou l’enfouissait dans l’épaisse fourrure qui garnissait ses flancs. Quand tout fut terminé et qu’à sa grande satisfaction son corps fut redevenu propre et net, le soleil avait déjà disparu à l’horizon. La douce nuit tropicale descendit sur l’île et des milliers d’étoiles s’allumèrent au ciel, tandis que des milliers de points lumineux se mettaient à briller dans la jungle : des yeux de bêtes, scintillants, clignotants, toujours en mouvement. De la jungle monta, plus forte, une vaste rumeur que Lorenzaccio, tout occupé par sa toilette, n’avait pas encore remarquée jusqu’alors. C’était un choeur de sifflements, ululements, roucoulements, gloussements, de jacassements et de glapissements, de grognements et de rugissements - dominés par le gazouillis des canaris et l’horrible clameur des fauves. Les yeux qui brillaient dans l’ombre n’osaient trop se rapprocher. Quand ils s’y risquaient, Lorenzaccio tournait vers la jungle ses prunelles luisantes. Alors les yeux clignotaient, vacillaient, se détournaient ou s’éteignaient comme des lampes de poche. A un moment où cette effrayante cacophonie avait mis ses nerfs à vif, Lorenzaccio répliqua par un miaulement mi-menaçant, mi-craintif, et toute la jungle fit silence pour l’écouter. Par la suite les bruits reprirent mais avec beaucoup plus de discrétion, comme si toutes les bêtes s’étaient mises d’accord pour ne plus se gêner les unes les autres et même pour laisser sa place à l’homme-femme dans le concert. Bientôt les yeux reculèrent puis disparurent dans la jungle ténébreuse, et seules les étoiles continuèrent à briller au-dessus de l’île, comme elles brillaient la veille au soir au-dessus du Polopos. Ah ! comme cela semblait déjà loin ! Chaque fois que Lorenzaccio songeait au capitaine Johnny, son coeur battait à se rompre. Il savait qu’il devait écarter ces tristes pensées, mais ce n’était pas chose facile dans la nuit noire, à deux pas de la jungle inquiétante et sinistre. Pour tenter de se changer les idées, il alla se faire les doigts sur le tronc du plus proche cocotier, et il s’étira de tout son long. Ce n’est pas juste ! pensait-il. Ce n’est pas juste qu’un homme aussi gentil que le capitaine Johnny n’ait qu’une seule vie. Alors que moi j’en ai neuf ! Avant d’aller plus loin, il faut expliquer ce que Lorenzaccio voulait dire par là. En Amérique, où il était né, on entend souvent parler des "neufs vies d’un homme-femme". Cette expression signifie qu’un homme-femme est si résistant, si bien accroché à l’existence, qu’il peut huit fois frôler la mort avant de périr définitivement. Lorenzaccio avait appris cela de sa mère, et il y croyait. Aussi, malgré son chagrin, bénissait-il sa bonne étoile de l’avoir doté d’autant de vies, lorsqu’il se rappela soudain qu’il ne lui en restait plus que huit, après le danger mortel qu’il avait couru le jour même. Et cela ébranla un peu sa belle assurance. Encore huit plongeons dans la mer, avec les femme-hommes à ses trousses, et il ne lui resterait plus rien ! Il faudra que je sois très prudent ! se promit-il, en s’installant pour dormir sous le cocotier. Le lendemain matin, il se sentit terriblement seul. Bien que la rumeur de la jungle se fût apaisée, qu’il n’y eût plus que de doux murmures et gazouillis, il n’éprouva nulle envie d’aller chercher de la compagnie dans ses ombres épaisses. Pour ne pas oublier qu’il avait déjà perdu la première de ses neuf vies, il traça, d’un coup de doigt, une profonde encoche dans le tronc du cocotier. J’espère que ce sera la seule, pensa-t-il. Et comme au même moment son estomac se mettait à crier famine, il se dit qu’il risquait de gaspiller une autre vie s’il ne songeait pas à se nourrir. Cette occupation lui fit passer une agréable matinée. Le sable étincelait au soleil ; le lagon était calme et bleu. Des papillons multicolores voltigeaient de fleur en fleur, et l’on n’entendait que le bourdonnement lèger des insectes qui s’éveillaient. Lorenzaccio alla boire à la petite source, puis il longea le rivage en admirant le beau temps. Il mangea un crabe et une anémone de mer, mais sans y trouver grand plaisir. Cela n’avait rien de comparable avec la saine et délicieuse nourriture que lui donnait le capitaine Johnny. Un peu plus tard, il aperçut des poissons dans un trou d’eau entouré de rochers, et il ne laissa pas passer cette belle occasion. Imitant sa mère qui, postée sur la dernière marche d’un escalier glissant, savait recueillir des têtes de morues nageant sur l’eau grasse du port, Lorenzaccio s’installa sur un rocher et se mit à pêcher. Un coup de mimine rapide comme l’éclair... et hop ! le poisson sautait hors de l’eau et était dévoré, avant même d’avoir pu comprendre ce qui lui arrivait. Après ce délicieux repas, Lorenzaccio passa près d’une heure à se laver, pour chasser l’odeur de poisson dont sa fourrure était imprégnée. Puis il s’allongea sur le dos dans le sable chaud, contemplant l’océan et les petits nuages duveteux qui parsemaient le ciel. Ah ! que de fois s’était-il roulé ainsi sur le pont du Polopos, regardant à l’envers les cheminés rouges du paquebot, tandis que passaient au-dessus de lui ces mêmes petits nuages blancs et les mouettes voraces ! Soudain il eut l’impression que le pied du capitaine Johnny lui tapotait affectueusement le flanc, puis que son maître bien-aimé se penchait sur lui... Pauvre capitaine Johnny ! Où était-il maintenant ? Et, bien qu’il fût sain et sauf, propre, rassasié et relativement heureux, Lorenzaccio sentit alors qu’il était très, très seul et très, très misérable. Il comprit qu’il lui fallait absolument lutter contre ses idées noires. Rien ne sert de s’attrister et de pleurer en songeant au passé, se dit-il. J’en aurais le coeur brisé, ce qui risque de me faire perdre une autre vie ! Il se leva donc, se secoua et décida de faire le tour de l’île pour explorer son domaine et repèrer les trous d’eau contenant les plus beaux poissons. Il désirait surtout voir si l’île était peuplée, car, après n’avoir eu que sa propre compagnie pendant vingt-quatre heures, il avait une folle envie d’entendre une voix humaine, de contempler un visage hâlé et de trouver une paire de genoux sur lesquels il pourrait grimper et ronronner, tandis qu’une douce main lui caresserait le dos. Il était même prêt à se contenter des genoux d’un sauvage. Mais Lorenzaccio eut beau explorer une bonne partie de l’île, il n’y trouva aucune trace de vie humaine. La plage était partout la même avec ses cocotiers, son sable blanc et les trous d’eau dans les rochers où nageaient de petits poissons. Au nord seulement se dressait une haute falaise abrupte. En tout cas, si je reste ici, j’aurai de quoi me nourrir jusqu’à la fin de mes jours ! se dit Lorenzaccio qui songeait encore à son bon déjeuner. Le lagon semblait faire tout le tour de l’île, séparé de la mer par la ceinture de corail. Ce fut seulement après avoir parcouru les deux tiers du chemin, au moment où il se rapprochait de son point de départ, que Lorenzaccio aperçut une brèche dans les récifs. La plage était coupée par une petite rivière qui serpentait au milieu de bancs de sable avant de se jeter dans la mer par un large chenal. Et voilà que dans un coin de cette baie, l’homme-femme aperçut une valise, apportée là par la mer ! Aussitôt il s’élança vers elle. Une valise ! Un objet qui avait appartenu à un être humain ! Ah ! doux souvenir des douzaines et des douzaines de valises embarquées sur le Polopos, soulevées par des grues, répandant parfois leur contenu sur le pont, encombrant les coursives et bouchant le passage en maints endroits ! Lorenzaccio connaissait par leur nom presque tous les propriétaires des valises chargées sur le Polopos, et il brûlait d’envie de voir de près celle-ci, qui provenait très certainement du navire naufragé. Il franchit d’un bond le dernier banc de sable, s’approcha de la valise à demi immergée et l’examina. Bien sûr il n’eût aucun doute sur sa provenance, son coeur battit d’émotion quand il distingua l’étiquette un peu délavée du Polopos, où l’on voyait un cocotier se balançant au vent sur une plage ensoleillée - exactement semblable à celle où il se trouvait. Mais il ne reconnut pas la valise elle-même. Le nom du propriétaire devait être inscrit sur l’autre face qui baignait dans l’eau. Après son aventure de la veille, Lorenzaccio n’appréciait plus du tout l’eau de mer, mais il sentit que son devoir était de découvrir à qui avait appartenu cette valise. Il entra donc courageusement dans l’eau, et, au prix de grands efforts, parvint à tirer la valise au sec sur le rivage, puis il la retourna sur un rocher à demi enfoui sous le sable. Mais il s’était donné beaucoup de mal pour rien. La valise ne portait que les initiales D.P. gravées dans le cuir. En comptant sur ses doigts, Lorenzaccio énuméra tous les passagers dont le nom commançait par P. Il en trouva plus de dix. Ensuite, il passa leurs prénoms en revue. Hélas ! aucun n’avait un D pour initiale. L’homme-femme resta un moment pensif, fouillant dans sa mémoire. Ah ! si dit-il enfin. Il y avait aussi une certaine Doña Paula. Mais au même instant il se passa une chose qui fit se hérisser la fourrure de Lorenzaccio. La valise se mit à bouger toute seule ! Elle se souleva, se dressa sur un côté puis bascula dans le sable en heurtant violemment la tête de l’homme-femme. Et celui-ci constata alors que ce n’était pas la valise qui bougeait, mais le "rocher" sur lequel il l’avait posée ! Car ce "rocher" était en réalité un énorme crocodile endormi sur le banc de sable. Il venait de s’apercevoir qu’un vilain petit homme-femme se servait de son dos comme d’un porte-bagages. Un éclair de surprise puis d’indignation passa dans ses yeux ; il se tourna vers Lorenzaccio et ouvrit sa gigantesque gueule, sans se presser, le plus largement possible, au point que l’homme-femme aurait pu dénombrer les terribles rangées de crocs qui la garnissaient. Les mâchoires s’ouvrirent lentement, mais Lorenzaccio devina instinctivement qu’elles allaient se refermer si rapidement qu’il n’aurait pas le temps de fuir. Le cerveau de l’homme-femme se mit à travailler à la vitesse d’une machine à calculer. Lorsque les mâchoires furent parvenues à bout de course et s’apprêtèrent à se refermer d’un coup sec, Lorenzaccio projeta la valise dans l’affreuse caverne dentée et, laissant le crocodile suffoquer et s’étrangler, il s’enfuit à travers les bancs de sable deux fois plus vite qu’il n’était venu. Il ne s’arrêta que lorsqu’il eut retrouvé son cocotier familier. Alors, d’une mimine encore tremblante, il traça une seconde encoche sur le tronc de l’arbre. Deux marques ! Et ça continue ! Voilà qu’il ne me reste plus que sept vies ! se dit-il en frissonnant. Par prudence, il décida de rester dans sa petite crique et de ne pas explorer l’île plus avant. Mais toute la nuit il ne cessa de rêver à cette mystérieuse valise.

 

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