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Du Chômage. Andy VEROL, HH Extraits.
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 Article publié le 6 février 2007.

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DU CHOMAGE, DEUX XANAX ET UN WHISKY

 

L’idée que les choses puissent être injustes.

Exemple : le boulot.

Puis derrière le chômage.

Et ensuite les premières tentatives de tortures sur animaux. Les poulets. Un peu des grenouilles lorsque la nuit je parviens à me concentrer assez pour en choper une.

Avec mes Xanax, je bois de l’alcool. Le Xanax efface bien l’angoisse, le stress, l’anxiété. Et l’alcool permet la démence. Le dégagement d’une violence telle, que même ta propre mère souhaite ta mort.
Ça a commencé surtout après la seconde guerre mondiale. Au fur et à mesure que chaque pan de notre existence occidentale était concédée à la sacro-sainte entreprise, chaque individu s’est transformé puis divisé en deux, selon qu’il était en-dedans le monde (de l’entreprise), et en-dehors (de l’entreprise puis du monde entier). Certains ont du admettre, dès la naissance, qu’ils seraient à jamais à l’extérieur du monde (sans que, pour autant, le monde - de l’entreprise - ne cesse de lui rappeler qu’il peut s’intégrer quand il veut, s’il le veut, et seulement s’il le veut vraiment).

Bon ça, ce sont les enfants d’ouvriers du Nord, par exemple, qui n’ont fait que regarder papa picoler ses « assedics » et maman grossir aux chocolats, de noël, de pâques, de la promo Auchan sur les friandises, etc. Ce sont aussi les immigrés, ou enfants d’immigrés, ou petits-enfants d’immigrés... 

Puis enfin, il y a des erreurs. Genre le mec qui vivait confort et qui a pété un câble à 14 ans sans plus jamais pouvoir s’en dépêtrer.

Certains autres, sont garantis purs porcs que, même s’ils ne sont ni des génies, ni des grands stratèges, ils pourront vraiment compter sur les pontes de l’économie et du monde moderne : le papa-pdg (rappelons, que maman-pdg, ça arrive, mais ça ne sera pas mieux, sauf pour son fiston ou pour sa fistonne). Dans ce monde mouvant, turbulent, exigeant en flexibilité, en productivité et en guerres préventives, ces enfants-là connaîtront une tranquillité matérielle telle qu’ils en déprimeront (si si, je l’ai vu dans les émissions de fils à papa Delarue qui fait sa pleureuse avec tout ce qui bouge).

Enfin, il y a un groupe intermédiaire. La dite classe moyenne.
Ou aussi classe ouvrière spécialisée, ou je ne sais qui encore (si j’en ai oublié dans la salle, qu’ils ne s’en offusquent pas, je suis pas dans un état super lucide). Le groupe danger, je l’appelle. Parce que là, t’es pas garanti. Tu échoueras complètement, à moitié, un petit peu, ou pas du tout. Mais avec l’idée que, tout de même, si t’en as pas mangé tous les jours, de la merde, tu finiras bien par t’en sortir... D’autant que dans la boite à images de propagande d’entreprise qu’est la télé -autant publique que privée- on a de cesse de te répéter :

Si tu veux, tu peux.

Alors maintenant, moi je bousille des poulets, avec leurs têtes toutes gentilles. Mais justement, si je le fais, c’est parce que, de ma vie de l’en-dedans, dans l’entreprise, il y a un ou deux mecs un peu qui en voulaient, qui m’ont fait la peau pour se partager le gâteau de mon salaire et de mes compétences. Ce genre de mecs qui aiment aller aux putes et qui prônent la libération des femmes.
Des mecs sains. Pas des saints.

Mais maintenant je m’en fous. Mais le fait d’être maintenant considéré comme mort socialement, je n’ose plus dire ce que je fais dans la vie à mes amis, qui, eux, pour l’essentiel, ont un boulot. Je sais qu’ils ne m’en voudraient pas. Je les connais. Je sais qu’ils me diraient "mais non arrête, c’est bon, te prends pas la tête pour ça. Tu retrouveras un boulot." 
Seulement voilà, je pense qu’en zigouillant des poulets et des grenouilles, je ne suis plus un mec suffisamment net pour entrer dans le monde.

Je prends deux xanax (le docteur m’a dit de n’en prendre qu’un par un, mais je le trouve un peu minoré ce docteur-là) et je les avale avec une rasade de whisky. Puis j’attends que ça vienne, en buvant d’autres whisky, si bien qu’à 8h00 du mat’, je me sens prêt à rendre service au monde de l’entreprise qui m’entoure : tuer d’la poule, bousiller d’la grenouille, égorger du chat domestique et écarteler des p’tits chiens poilus qui sentent souvent de la bouche.
Depuis deux trois semaines, j’ai atteint un cap idéal : l’agonie sociale. 
Il m’est désormais impossible de comprendre exactement les mouvements humains qui m’entourent.

Ainsi, vers 8h15, je descends à la station RER et je me poste à côté d’un photomaton en panne (ouais, c’est moi "les mecs bizarres" qui restent campés sur ton chemin à rien foutre avec les yeux fixes et ça te fait peur à chaque fois), et je regarde les gens avec des mallettes et des habits corrects courir vers le transport en commun de leur journée active.
Et je me dis, que si en définitive, ils avaient des têtes de poulets ou de grenouilles, sans doute n’hésiterais-je plus à leur faire payer mon abus salvateur d’alcool et de médicaments.

Andy VEROL

 



DU CHOMAGE, ZERO XANAX, SIX OU SEPT TEQUILAS FRAPPEES

 

L’accélération. 

On a fini de faire les cartons. On a tout rangé. 

On a vraiment, définitivement bossé pour rien.

A la suite de mon licenciement, j’ai choisi de prendre tout de suite un boulot. J’étais accro à mes loyers, à mon frigo rempli et à mon repli idéologique dans mon cocon/maison.

On nous a bien dit, dès le premier jour, qu’on faisait partie d’une équipe. Des hommes et des femmes, entre 30 et 45 ans, avec lesquels je devais accepter de sucer en tutoyant le patron-sacro-saint-humain aux crocs de carnassier.

Le dédale des couloirs. Le bureau toc en teck. La liste des missions punaisée au mur d’en face et la slut de secrétaire du boss qui te casse les neurones toutes les 20 minutes, pour te refourguer un "ça s’passe bien monsieur la roubignole ?"Ouais
Alors la démission rapidement et le retour à la case départ.
Le robot type occidental dans l’entreprise c’est, tutoiement, sourires de gros faux-culs et face de rats au restaurant brillant coloré de menus variés. 

L’avalanche d’hypocrisie, d’infamie. 

Le dédale encore. 

L’accélération. 

L’impression de s’en sortir... "Tant pis je me compromets un peu mais c’est pour bouffer..."

J’aurai les vacances pour me masturber sur ma soi-disant liberté de vivre en croupissant.
Moi, j’préfère la femme un peu ronde et au rouge à lèvres trop brillant de l’ANPE.

Je l’aime bien avec son air sévère et le ton un peu maternel qu’elle emploie. 

Je ne sais pas. 

Je la sens humaine... Humaine comme la Tequila que je m’envoie à répétition devant mon écran LCD, mon écrou, mes escrocs.Les croquis de mon agonie sociale évidente... Mais jouissante.
Dans l’alcool, il ne me reste que les sauts déments sur une drum n’bass 
pénible et jouissive. Ma main caresse ses cheveux à l’invisible.
"Puisque je sais maintenant qu’il ne me reste plus qu’à crever anonyme, lent, long, définitivement..."

 

DU CHOMAGE, DU CYNISME, DE LA CRAINTE ET DE L’EVIDENCE

 

Putain ! Je me suis bien marré, « jaunement » j’avoue.../...
Y a matière à flipper grassement dans son froc ! C’est clair !
D’ailleurs, l’espace d’un instant je me suis vu en train de me faire fouetter le cul à grands coups de Nem Royal par une bande d’ouvriers libéraux Asiatiques :
« Méchant petit français, on va t’en donner du Capitalisme dans ton p’tit cul biactolé, NiiiiAAA ! ».

En fait, tu vois, moi hier, je me suis laissé aller fragilement à mater un reportage sur M6 (les condescendants thermomètres sociaux du PAF).
Un de ces reportages « qui te fait aimer l’espace d’un instant, ton canapé pourri que t’hésites parfois à changer, par effet de mode ».
On y voyait en 16/9 et en stéréo les effets pervers de la précarité dans notre pays. C’était un truc sur le « peuple/décharge » vivant aux abords du 
périphérique parisien. Dégueulasse et émouvant.


Et bien je me suis dit l’espace d’une minute, que c’est pas qu’un mythe « la merde »_Et ça pend au nez d’un paquet de gonzes, si tu fais pas un peu gaffe à tes réelles capacités d’adaptation à l’ambiance capitaliste exfoliante.
Pour peu que t’aies un penchant pour le laisser-aller anisé, et la mélancolie, tu peux finir en moins de deux à dormir dans des sacs en plastique, le cul et la gueule défoncés par l’indifférence et la dalle (quand c’est pas par tes nouveaux potes aux mains gonflés par le froid).
J’ai frémi à l’idée que ma femme pourrait, un jour, me foutre à la porte pour une vulgaire histoire d’adultère (ben quoi, j’y peux rien si elle a insisté pour me sucer la stagiaire merde, je sais pas dire non moi, tu le sais comme je suis faible toi putain !).
J’aurais l’air de quoi, moi avec mon sac de fringue, comme un con sur le trottoir, une photo de ma fille dans la poche, ma CB et mes 300 euros d’économie qui partiraient aussi sec dans l’alcool et la défonce, mon portable et ma liste vide d’amis. Saurais-je me démerder ? Je ne crois pas trop. 
Juste le temps de 300 euros, quoi ! .../...

Mais que veux tu, comme tu le dis, y à plus rien à dire, on l’a eu notre part du gâteau (en même temps, on était peu nombreux à avoir la recette). On a rien anticipé. Que dalle ! On n’a fait que tourner autour de son propre cul, sans se méfier de « l’émergence »_ et du tonnerre « marchand » qui grondaient a des milliers de miles de son petit quotidien de baltringue.

Comme des gros cons, on a bien consommé, on a bien bouffé, on s’est bien défoncé, on a bien baisé sans capote, on a bien gueulé pour bosser moins, on a bien pleuré dans la rue pour gagner plus, on s’est bien branlé sur les bancs de l’école, on a bien paressé, bien philosophé, bien sucé notre histoire « la putain de fierté hypocrite », parallèlement on a bien fait les enculés de puissances dominantes, sans analyser une seule seconde « l’effet papillon » et le revers « smashé » de nos actes aveuglés.

Bref, moi j’ai pas été éduqué à anticiper ... /... et on a du être impacté grosso modo par les mêmes valeurs, peut-être _ le genre « j’avance, je prends, je suis pas un enculé, mais je me fais plaisir, j’aime pas tout le monde, mais le monde est petit, .../...

Alors ouais je suis mal ! Je suis mal parce que je sens bien que les choses partent en couilles, que ça va bientôt être fini le temps à papa, les acquis sociaux, la gauche, les allocations, le gratuit, la pseudo solidarité sociale, la pseudo tranquillité dans son studio subventionné.
Je suis mal parce que je prends conscience de manière violente que je risque de pas suivre, et je commence à flipper parce que j’me rends compte que j’ai pas la culture de la gagne, que j’ai pas les bons diplômes, que j’ai pas trop de pognon pour spéculer et surfer sur le putain de CAPITAL ; que j’ai pas les armes pour m’expatrier et sucer la bite au nouveaux noyaux durs de l’économie, que j’ai pas la trempe de faire partie de l’intelligentsia marchande, que j’ai pas la foi dans le pognon, que j’ai pas l’énergie, ni l’insouciance, ni l’adaptabilité d’un mec de 20 piges, que j’ai plus le goût à l’effort et la remise en question.

Et je me réfugie dans le cynisme, la crainte, l’évidence_ et j’attends la sentence. Et j’attends que tout ça se termine vite, sans souffrir. Putain !

C’est pathétique, je me sens pathétique, parce que faible et spectateur. 
Alors que le spectacle c’est moi. 
... /...j’en suis à me chier dessus, en matant la 
TV.

Fait chier, en plus je crée rien d’autre, qu’un misérable petit profit pour l’entreprise qui m’emploie. 
J’ai plus envie de bosser pour des chiffres et des valeurs boursières, j’ai plus envie de cette prostration/sidération, et je me perds en nostalgie et divagations, j’ai commis un enfant, déboussolé, comme pour détourner mon attention, Obscène, c’est terrifiant_ j’ai créé une douleur de plus ; la sienne à venir et la mienne à contenir. 
J’ai en plus mal pour une chair autre que moi !
Une chair à capitaliser _ouais...Mon amour

HH

 

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