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J'allais trop vite ! Je parle pas de la bite...
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 Article publié le 23 septembre 2018.

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J’allais trop vite ! Je parle pas de la bite de Bobby qui était retombée sans avoir giclé. Il dormait maintenant, dans la position de l’œuf, sous une épaisse couverture qui pouvait être une peau d’ours. Je parle de ce récit. De cette après-midi que j’ai escamotée parce que pendant un chapitre je me suis crus magicienne. Je ne sais pas ce qui est arrivé à Bobby en pleine érection. Je ne sais pas non plus s’il s’est endormi pendant que je le suçais, ce qui expliquerait la détumescence, ni si c’est ce ramollissement soudain qui l’a scié au point de tomber dans les bras de Morphée. Il était là, comme un enfant dans le ventre de sa mère, et il respirait comme si rien ne s’était passé. Il avait haleté pourtant ! Et ça se durcissait tellement que je n’en pouvais plus faire le tour avec une seule main. Et c’est dans ces circonstances que je me suis mise à penser à cette après-midi. Ou alors c’est l’apparition de Charlie qui m’a replacée dans cette perspective. Je ne vous ai pas parlé de Charlie. C’était cette après-midi. On était retourné à la rivière, sur le même rivage, Jacky, Bobby, Johnny et moi. Et pendant qu’ils s’occupaient de leurs lignes, je suis allée chier dans un buisson. S’il y a une position dans laquelle je ne veux pas me donner en spectacle, c’est bien celle-là. Mais j’avais parlé (en moi-même) trop vite : un type me regardait !

Il était assis sur la branche d’un arbre, comme dans un conte pour enfant ce personnage qui apparaît au-dessus de votre tête et qui vous promet de grandes aventures au pays de l’impossible. Sauf que là, il n’était pas sur une branche. Il était debout (ou assis, j’en sais rien) derrière un buisson, faisant la même chose que moi ou autre chose. Moi, je sentais déjà la merde. Et j’avais rien pour me torcher à part ma jupette, faute de culotte quoi. Ça s’ouvrait sous moi parce que je venais de rêver. J’ai refermé les cuisses dans un claquement de chair qui a fait sourire l’intrus. Il devait être debout. Et il ne chiait pas. Il n’a pas augmenté de taille en se déplaçant. Ou alors c’était un artiste. Et après avoir traversé la broussaille, il s’est planté dans la clairière sans cesser de me regarder. J’ai même cru que c’était un moraliste.

J’ai fini par serrer les fesses et rentrer dans ma jupette. J’avais conservé la chemise. Je l’ai juste fermée. Le type avançait. Il n’était pas bien grand et son âge apparent me rassurait. Il portait un vieux chapeau de cuir crevassé. Il devait habiter dans ces vêtements depuis le service militaire. Si je n’avais pas conservé ma position au-dessus de mon petit tas de merde, son odeur m’aurait dérangée. J’ai dit :

« Je suis avec trois mecs baraqués… !

— Hé je le sais que tu es avec trois mecs, mais un seul est baraqué ! »

Il avait raison. Bobby avait beau être musclé, il était plus petit que moi. Pire : c’était peut-être un enfant. Johnny n’avait pas les moyens d’effrayer le public. Seul Jacky pouvait paraître assez fort pour terrasser n’importe quel ennemi, mais c’était un trouillard. C’était ce que me disait ce type. Et il avançait. Je dis :

« Vous les connaissez ?

— Si je les connais ! De tous temps, madame… de tous temps… »

Il s’est arrêté d’un coup, raide comme un piquet, et alors j’ai compris qu’il n’avait pas vu que j’étais en train de chier. Il recula, bredouillant ce qui devait être des excuses.

« Vous n’avez pas un bout de papier dans votre poche ? lui demandai-je à tout hasard maintenant que le danger n’était plus qu’un souvenir.

— J’ai toujours un rouleau, madame… Avec la vie que je mène… »

Il me jeta le rouleau en question. Je m’en torchai jusqu’à plus laisser de traces sur le papier. Je suis alors sortie de mon buisson. Il avait l’air tout guilleret maintenant. Je lui rendis son bien et il le fourra dans son bissac. Ma jupe avait rétréci pour une raison inconnue.

« Je suppose qu’ils sont en train de pêcher pendant que vous…

— Vous supposez bien… Je me fais chier… pour tout dire.

— Je passe tous les jours par là à la même heure.

— Je suis ravie d’avoir été là pour faire votre connaissance…

— Connaissance… C’est vite dit… »

Il arrivait pas à décoller son regard de mes gambettes. J’en avais les genoux tout excités. J’ai fait un pas de côté pour le laisser passer, si c’était ce qu’il voulait. Il reprit son chemin en marmonnant. Je l’ai suivi pour l’entendre :

« Ils attraperont rien, disait-il. Ils n’ont pas grandi. »

Je me demandai ce qu’il pensait de moi. Mais pourquoi me le demandai-je ? Il devança ma question :

« Vous ne seriez pas la filleule de maman ?

— Vous connaissez maman ?

— C’est vite dit. Tout le monde la connaît si la connaissance se contente de ce que savent les gens. Vous écrivez, dit-on…

— J’ai rien vendu depuis des lunes… »

Il s’arrêta pour me laisser le temps d’apprécier son sourire. Il avait de bien belles dents pour un clodo… Mais ses doigts étaient jaunes de tabac. Il empestait la crasse et le fond de tonneau. Et de sa poche dépassait la queue d’un poisson.

« Le repas de la journée, dit-il. Vous ne pêchez pas, vous ?

— Je ne sais pas pêcher, monsieur ! »

Il se mit à rire sans bruit. Ses épaules secouaient une vieille poussière. Il pivota sur ses talons et reprit son chemin, trottinant sur la pointe des pieds. La sente était boueuse.

« Je suis ravi de vous avoir rencontrée ô luce !

— Moi de même de savoir que vous existez ! »

C’est Bobby qui avait provoqué cette fuite. Il arrivait à travers la broussaille, secouant une main pleine de poissons encore vivants. De loin, le vieil homme le héla :

« Vous avez eu beaucoup de chance, jeune homme ! »

Et il disparut. Bobby riait :

« C’est Charlie, dit-il. Charlie l’Inutile. »

 

 

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