Avant d’être auteur, le narrateur est un petit d’homme en plein apprentissage, les yeux rivés sur l’alphabet et ses combinaisons qui semblent multiples.
La reconnaissance de la langue est corrélative à l’ouverture du monde. La plasticité du cortex s’irrigue du logos et de l’écriture.
Puis, une placide déflagration se produit à l’intérieur de ce même cortex, le propulsant dans une autre dimension, celle de la création.
L’horizon s’étend. La vue devient panoramique. Plus panoramique que jamais, sans doute.
La lecture se poursuit, celle des styles, celle des oeuvres. Sa permanence enrichit, modifie, aussi, la perception.
Le style du narrateur, maintenant, oeuvre à plein régime. Oui, son amplitude semble exponentielle. Phagocytant sa langue maternelle, il s’aperçoit, au bout du compte, qu’il n’en possède qu’un fragment. Simultanément, dans ce vaste océan, dans cette surface qui semble illimitée, le narrateur étoffe sa propre matière, sa propre texture, reconnaissable à travers ce que l’on appelle répandument le style. Construit à partir des éléments naturels du langage, il propose une sculpture sans cesse taillée, retouchée, il propose un visage sans cesse mouvant, dont la métamorphose est le résultat combiné de l’écoulement du temps et de l’évolution des éléments. Le fragment ou le style, dès lors, le métalangage subjectif part librement à la conquête du monde, oui, la puissance du mouvement narratif appréhende ce qui est, là, ici, maintenant, dans un élan pur, dans un élan surpuissant, dans un élan ontologique, phénoménologique, dans un élan, en dernier lieu, exonéré de toute identité adjectivale et qui se confond avec la conquête elle-même.