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Destruction
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 Article publié le 6 janvier 2019.

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Je lui cours après, elle me court après, alors on tourne en rond.

On fait des ronds, des ronds de plus en plus profonds.

Ou des cercles si vous préférez, enfin en tous cas rien qui ressemble à un anneau nuptial.

Le destruction fut ma Bérénice.

Cette pensée m’enchante encore près de quarante ans après l’avoir rencontrée. On ne s’est pas mariés, je ne l’ai pas épousée, non, ce n’est pas ça. Elle me courait après tout le temps, tandis que moi, comme un benêt, je m’imaginais aller au-devant d’elle.

L’histoire continue sans se répéter, sous d’autres cieux. D’asymptote en asymptote, j’ai construit une vie de labeur et de loisirs, comme tout un chacun.

Maintenant que je suis assez vieux pour regarder en arrière, je comprends : les cercles n’ont cessé de creuser l’écart entre le monde et moi, faisant de moi non plus seulement ce juge et partie que nous sommes tous plus ou moins naïvement mais encore et surtout - je veux dire de manière toujours accrue - ce point de non-retour brûlant qui ne cesse de courir dans tous les sens.

Si génie il y a, où qu’il se trouve, dans une femme, une pierre, un mollusque ou un grand tétras, c’est dans l’écart qu’il creuse entre la nécessité du commun et le vide qui le sature : arrive un grand tournant, un moment où il faut se décider à penser au-delà de soi.

Cela n’advient que contre, tout contre le monde qui nous tient à l’écart.

Il faut pour ainsi dire s’insinuer, s’infiltrer, se faire au moins aussi minuscule qu’un grain de poussière et pousser l’avantage.

De grain de poussière en grain de poussière naît une constellation érotique inédite, changeante, fluctuante, comme vous voudrez.

Il faut revenir à l’image abyssale du cercle imparfait, du rond qui répudie toute alliance, renouer encore et toujours avec l’écart qui se creuse, et se faisant, creuse l’écart entre soi et soi, jusqu’au vertige le plus impersonnel qui soit. 

Comme en un écho infiniment plus puissant que le son initial.

Je nomme cela poésie.

Tout un complexe hydrodynamique en découle que j’appelle œuvre.

On le voit dès lors : rien à voir avec un quelconque tonneau des Danaïdes.

 

Jean-Michel Guyot

4 janvier 2019

 

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