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Naissance du poème
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 Article publié le 27 janvier 2019.

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Un brin ? un chouillas ? un zeste ? d’idéalisme traîne encore dans ce qu’il me reste de cervelle, à la manière d’un parasite intestinal, une amibe au déroulé farfelu que je ne parviens pas à éliminer par les voies naturelles de la pensée rationnelle.

Ça s’accroche en traînant en longueur, ça vivote et ça rend affreusement nerveux.

Ça fait bien chier, pour le dire crûment. Mais rien n’y fait.

Ça traîne en longueur, oui, c’est ça, et ça s’insinue sournoisement en s’enroulant autour de toutes les pensées, de toutes les images, ça cohabite avec tout et tout, pollution, cafouillage, temps perdu, quand on y regarde de près.

Je suis seul juge, à vrai dire, une vraie loupe qui ralentit le temps présent, eine Zeitlupe, un sablier qui prend son temps. 

Le sentiment d’exaspération que je ressens alors continument et qui ne m’agite pas, me paralyse bien plutôt, voilà l’indice.

L’exaspération, c’est tout ce qu’il me reste, une fois qu’une passion multiforme a été gagnée par ce qui menace toute passion, je veux dire l’indifférence, aussi lourde qu’une montagne qu’on transporte dans sa tête, un massif de roches et de ronces mêlées, une horreur hérissée de barbelés, une nouvelle frontière qui rejette tous les efforts entrepris dans un passé indifférencié, tout cela, oui, engendré par les déconvenues et les déceptions de tous ordres.

C’est une agonie, un combat d’arrière-garde, un Roncevaux qui se répète, un dernier sursaut avant de crever d’ennui dans un monde hérissé de médiocrités.

Voilà pour les mauvais moments passés en ma propre compagnie.

Il en est d’autres plus frivoles ou plus lucides encore, et d’autres encore plus jubilatoires.

Ceux-là reposent sur du temps dépensé sans compter, sur des malentendus même, de brusques envolées de papillons, un sursaut d’énergie après une longue période de stagnation qui n’était en fait que maturation et non un pourrissement de et par la pensée.

Une aube se lève, insouciante.

Elle verra les métamorphoses et les glacis du sens et les forteresses du non-sens se révéler à elle. Dans un chamboulement, puis un renversement des perspectives admises jusque-là par moi.

Cette nuque a une fraîcheur de soleil.

Cette main experte dans l’art de buriner fait butin de semailles à venir.

Pour l’heure, dans l’éveil, il s’agit de rester éveillé. Et de cogner aux bonnes portes, sans espoir autre que celui de voir un visage s’aventurer sur le pas de porte, et puis s’enhardir encore jusqu’à esquisser un sourire.

L’air est jovial ce matin, le ciel dégagé, la lumière si bienveillante. On respire à pleins poumons une brassée d’espace.

Les images s’animent, les pensées folâtrent et dansent.

Tout cela, tout cela qui va et vient et qui revient, prélude aux poèmes.

Les centaures s’ébrouent dans la plaine riante, la rivière scintille sous la lumière du matin.

Il est temps de jeter l’encre et d’appareiller pour des œuvres nouvelles. Le bateau ailé froufroute dans l’air encore frais, s’élance vers le vol, atteint des sommets d’inconstance.

Tout est beau et bon alors à qui dépense sans compter et sa peine et sa hargne de vaincre.

Le mot travail en pâlit, frissonne encore un peu aux abords d’une inconscience si folle d’elle-même que seul le miroir du monde peut encore la sauver quelque peu du naufrage annoncé et qu’elle tend à oublier continument en s’oubliant elle-même.

Vient alors le temps du poème, cette conscience de l’extrême.

Intense et bariolé, sévère et chaste, en un maelstrom de différences qui bafouent éhontément ce pauvre principe de non-contradiction qui faisait encore notre force il y a quelques heures à peine.

Naissance de l’astre éphémère, fournaise du sens, jubilation, sans autre nom pour la dire que ses mille reflets et reflux verbaux, ses échancrures de lumière, ses petites bavures qui piquent les yeux habitués à travailler sans aucunes lunettes de protection.

Il ne s’agit pas d’éblouir, d’éclairer guère plus, mais bel et bien d’affronter une chaleur extrême. Puis vient l’âge de glace, le temps des miroirs déformants, la jactance ailées des autres qui ne comprennent pas toujours où l’on veut en venir, mais qu’importe !

Un trait a été lancé, une flèche de lumière vive, une sonde habitable le temps de le dire dans le vide de l’espace non verbal qui nous entoure.

Tout cela à la fois, oui, à la fois soleil et terre, astre luminescent puis lumineux en signe d’amour.

 

Jean-Michel Guyot

20 janvier 2019

 

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