Mes yeux d’enfant se transforment en regard d’adolescent qui devient lui-même des yeux d’adulte.
Si la patine du temps fait son office, le retour d’Eva Marie Saint sur les écrans, récemment, semble primitif.
Répondant involontairement aux canons d’une beauté hautement esthétique, provoquant ce que l’on pourrait nommer l’objective unanimité, la souplesse et la délicatesse de ses mouvements transcendent ce qu’elle représente initialement, cette créature, cette femme forcément fatale dont les proportions semblent tout droit issues de la mesure grecque.
Dans le train, son magnétisme se diffuse naturellement par le biais de sa statique, de son regard, par le biais, seulement ou essentiellement, de sa présence. Ses yeux métalliques, précis, propagent un amalgame inédit ... tendres comme un scanner ...
Quant à ses mains, ses longues mains sans doute douces et fermes, lorsqu’elles se referment volontiers sur l’élu, elles semblent saisir, elles semblent embrasser le monde.
Plus l’espace se rétrécit, plus sa densité augmente.
Eva Marie Saint est un puits d’affection, un éros irrésistible qui dialogue sans cesse avec l’espace.
Son classicisme intemporel, sa grâce comme éternelle ...
Oui, son érotisme irrésistible en fait une créature comme issue, comme échappée des tableaux de Hopper.
Cette femme absolument libre est tantôt statique, tantôt mobile, sans le moindre destin.
Elle met de manière sublime le substantif perspective en abîme.
Dans le train, oui, dans sa longueur segmentée qui se meut à une vitesse de croisière rapide - l’aube et le crépuscule se succédant - la créature semble se déplacer sans opérer le moindre mouvement.
La clarté de ses yeux, la blondeur de ses cheveux ...
Eva ... êtes-vous là ?