O ma langue s’est enfin déchirée !
Dieu qu’il...
O ma langue s’est enfin déchirée !
Dieu qu’il est doux de n’avoir plus de langue.
Oh je n’ai plus l’intégralité de ma langue,
et me v’là tout guilleret,
à l’idée qu’on ne m’entendra plus
et que je serais seul dans mes conversations, loin des hommes.
Ma langue s’est déchirée,
et je n’ai plus ce goût d’enfer dans ma bouche.
Proche des hommes,
oh je n’ai plus ce maudit goût.
Et me v’là pas capable de reconnaître un démon
à sa façon de me lécher la langue
et de s’étonner qu’il n’en reste plus beaucoup.
Loin des hommes, ma langue est une grande déchirure,
et ma bouche une flaque de sang,
comme un miroir
avec mon image dedans oh ma bouche est un sacré cratère.
Et me v’là à cracher du latin.
J’expulse un monceau de viscères
qui ne me serviront plus que de spectacle,
faute de latin, et de retenue.
Ma langue est un vieux souvenir du temps que je prenais la parole parmi les hommes
oh que je disais n’importe quoi.
Et me v’là plus muet qu’un muet,
à salement gesticuler autour de moi
pour signifier ma faim ma soif et ma fatigue,
loin des hommes.
Ma langue est un bouquin plus vieux que l’univers,
loin des hommes.
Dieu qu’il est doux de me lire dans ma langue,
dans la déchirure douloureuse de ma langue.
Oh qu’il est doux de ne plus rien comprendre.
Et me v’là ricanant
dans le dos de mon passé
parce qu’un objet n’a pas voulu se laisser manger
et a sorti ses crocs au bon moment.
Ma langue ne me traitera plus de poète.
Ma langue désormais saura se taire,
proche des hommes.
Oh rien ne manque à ma félicité.
Et me v’là à genoux au pied d’un arbre mort
à lui demander des nouvelles de la terre
et de l’eau qui a fini de l’absorber.