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Article publié le 17 mars 2019. oOo La poétesse bien française Qui jamais ne contesta Les origines de sa chair. Ses poèmes sont connus Sur les deux rives opposées De notre rivière municipale. On en cite les saillies A tout bout de champ. Quel esprit aux entournures Du vers et de la rime ! Pas une journée Sans cette humeur Qui vagabonde en nous Pour nourrir notre sommeil. Nous nous sommes saoulés Entre les verres de l’amitié. Nous avons battu la campagne, Hommes, femmes et enfants. Les rues ne désemplissent pas Au marché de cette poésie. À genoux nous avons prié Pour que Dieu se remette A exister pour de vrai, Même que le curé A fini par avouer Qu’il n’avait pas d’autres vocations. Y a-t-il deux LUCE En ce monde pourtant Pas fait pour se rompre ?
Le chien grattait la terre Pour se coucher dedans. Son poil en frémissait. Et moi de mon côté, Qui n’étais qu’un enfant Voué à la pédophilie, Je cherchais dans les mots Je ne savais pas quoi, Doute ou admiration. Et Jéhan cependant, Qui n’en était plus un, Riait de toutes ses dents. Et ses jambes montraient Qu’il était femme et LUCE. Comment ne pas… la croire ?
« Pour preuve j’en veux Ce manuscrit authentifié, » Dit-elle en séparant ses seins. Elle en sortit une ramette A la couverture jaunie Comme les amours de Tristan. C’était son écriture ! L’écriture de LUCE ! La télé en témoignait. Le doute n’était plus possible. Quid de la conviction ?
La foule encore médusée Malgré la promesse De saisons futures Se pressa contre le portail. On entendait sa rumeur Sans toutefois saisir Le moindre de ses maux. Jéhan monta sur la table, Gambettes nues jusqu’à la taille. Le clitoris se dressa Comme sur le ventre de Priape. Il allait parler ! LUCE !
*** le voyage commence avec moi
Conard le Barbant fait une rime comme un pet après le repas de noces
j’emporte la soie de tes yeux je n’oublie pas les mots
tiens une autre rime la poésie sent la merde « même sans rime lulu même sans ces conneries d’un temps de merde »
petite pluie avant de te quitter la gare n’est pas loin des putes dialoguent un dernier regard de toi dans la vitrine
« et mes rimes merde mes rimes mes rimes mes rimes »
au buffet il lance une olive en l’air
« non je ne connais pas la poésie des pays lointain et toi »
les rimes s’embrassent mais pas nous les rimes de ces vieux cons dépassés par l’avenir de la poésie
Géladoze ne rimait pas mais ça rimait au fond il est venu me saluer « tes pays lointains » je ne veux plus chanter les chansons ne riment à rien les rimailleurs ne savent plus foutre le bordel je me casse chéri je vais loin et en plus je t’emmerde
* une guitare électrique sans électricité « Faut imaginer cocotte t’imagine pas assez »
alors j’imagine que je suis dans une gare et qu’une locomotive crache sa fumée le quai attend sous les gens et les gens sont pressés d’en finir un enfant passe sous les roues « dire que t’as failli être écrasée par un train » dit papa fumant la cigarette du dernier repas avant de passer le dernier au guichet de la mort
une guitare électrique sans électricité et ces doigts qui cherchent la trouvaille voix chantonnant mes propres paroles tu peux pas savoir à quel point j’en avais marre
« T’en connaîtras des gares avec des trains et sans train moi c’que j’préfère c’est les sans train avec un quai pour moi tout seul »
il répète le guitariste sans l’électricité qu’on a oublié de brancher le mois dernier répète ce que j’ai écrit avec des rimes parce que la musique en est encore là à se faire avoir par la rengaine et nous on a fait ça pendant des années et on ne s’est même pas aimé
* je ne sais pas pourquoi le café des buffets est toujours le meilleur
pourquoi je le saurais je te dis que je pars et je pars et pas seulement parce que j’en ai marre
« explique explique explique parce qu’on comprend pas on est plusieurs à pas comprendre et toi t’es seule à pas expliquer alors explique explique explique des fois qu’on se mette enfin à comprendre »
c’est fou ce café des buffets il me fait l’effet d’être le meilleur
« comme si tu revenais déjà poulette ou même que t’étais pas partie et qu’on était pas là à attendre nous aussi on en a marre de voir le quai sans le regarder »
mon prochain café y aura un Turc dedans avec une bite en acier et de bonnes intentions
* « quand on sait pas où on va et qu’on y va c’est qu’on est déjà revenu »
des fois tu dis pas que des conneries mais c’est pas la bonne heure pour le dire
un train vient d’emporter mille fantômes mais dans l’autre direction un train comme les autres avec des roues et un petit sifflet et des arbres qui savent tout des voyages
je ne reviendrais pas mon idée du voyage c’est la mort pas la découverte
« mais tu sais pas ou tu vas »
papa non plus savait pas où il allait quand il y est allé et il est jamais revenu
« ah si t’avais eu une maman »
ici les trains qui partent entrent dans un tunnel d’un côté comme de l’autre « je sens que ça va pas te plaire »
après le tunnel je prends le bateau — il faut que je connaisse l’eau avant de t’écrire des cartes postales
* Bing Love est un type qui a déjà voyagé il a fait un enfant à chaque voyage il y en a de toutes les couleurs il y en a même dont il ne comprend pas la langue
il a écrit un bouquin sur les femmes du Voyage ça en fait des pieds et des mains « si elle danse pas je joue pas » dit-il
ah ce qu’il a aimé m’instruire le Bing Love encore un peu et je me donnais en échange mais comme je dis à celui que je quitte quand je suis en apprentissage c’est moi qui joue
Bing Love était dans la bagnole pour m’accompagner « pas plus loin que la gare mignonne et puis tout ça » il a mis un pied à terre comme un marin et on a admiré le cuir de sa bottine
il était sur le pont et il continuait de me saluer « ah t’auras pas été son dernier voyage sœurette il sera mort quand tu reviendras »
je ne reviendrais pas que je te dis marrant je me fiche de quoi il va mourir et pas un enfant pour le pleurer un peu comme toi avec ta guitare
* vas-y chante-moi que je vais déchanter plus vite que je me suis mise à t’aimer ah ya pas comme les voyages les amis pour remettre à l’endroit ce qui n’avait que l’envers pour se faire remarquer
tu étais de ceux-là ami à la guitare je parle de toi comme si tu n’existais plus il paraît qu’on creuse d’abord le trou sans même savoir avec quoi on va le reboucher
« fais pas de l’esprit avec moi gamine des trous j’en ai connu que tu peux pas savoir si tu t’imagines que tu vas me manquer tu imagines un trou où je mets rien dedans »
j’imagine ce trou comme si je l’avais fait c’est peut-être par là que je suis passée pour me mettre sur le chemin des voyages
* Hardy Hard Dydy avait un doigt de trop mais je ne sais plus dans quelle main il s’en servait pour jouer aux dés pour le reste il ne s’en servait pas
un jour le doigt s’est coincé dans un mandrin tellement coincé que le mandrin l’a arraché Hardy Hard Dydy en a été quitte pour pleurer parce que l’assurance n’assurait pas les doigts en trop
« mais enfin merde un doigt c’est rien les mecs y en aurait deux je dis pas je comprendrais très bien mais un doigt qui me servait même pas à travailler ça doit valoir le prix d’un voyage au bout du Monde »
« ils remboursent pas les doigts s’ils servent pas à travailler dans leurs usines je pars en vacances pars avec moi choupette avec dix doigts je t’amènerai au bout du Monde »
Hardy Hard Dydy n’est plus là pour le dire sinon tu penses je l’aurais mis dans mes bagages un mec qui a souffert au travail pour de vrai ça doit valoir plus cher que pas de mec du tout
* « alors comme ça maintenant tu fais de la poésie j’en ai fait moi aussi mais ça m’a passé un jour il pleut et le lendemain il fait soleil jamais de jours gris dans la vie à papa »
mais c’est quoi la poésie pour toi papa la pluie ou le soleil parce que les jours gris j’en ai plein que je ne sais plus quoi en faire
« je fais de la poésie parce que ça rapporte rien » me disait un pauvre type qui mangeait dans ma main en attendant de se faire manger par ses propres mains « tu fais de la poésie parce que tu sais pas ce que c’est »
si tu savais ce que c’est tu ne demanderais pas qu’on t’écoute parler juste pour comprendre un peu que ce qui t’arrive n’arrive pas aux autres aussi facilement que ça t’est arrivé
* non mais c’est qui ces mecs qui se mettent en travers de ta route pour t’obliger à écouter leurs songs et encore sans la guitare ça ressemble plutôt à des lamentations entendues à l’église un jour qu’on y enterrait le meilleur de nous-mêmes
en voilà un qui se fait appeler Gélachoze si on ne le croit pas « ya qu’à d’mander à voir » en voilà un qui n’est pas jaloux de son prochain mais il ne faut pas lui demander pourquoi
le type que je viens de jeter avec l’eau du bébé avait une plaie qui cicatrisait avec le soleil mais qui se remettait à saigner les jours de pluie « les jours gris je travaille pas du cerveau »
chaque fois que je me regarde chanter leurs songs un enfant me tombe entre les jambes tout nu et tout joufflu et même que ça l’amuse de me voir lui aussi dans le miroir de la réalité
* voilà où on finit quand on n’a pas commencé ah le conseil n’est pas tout cuit et même salé j’avais à peine ouvert la porte du grenier que le froid de l’hiver m’a fait un enfant vous savez un de ces enfants mort-nés qu’on trouve dans les poubelles des hôpitaux
je suis donc en droit de vous demander si par hasard vous n’auriez pas un billet pour l’enfer parce que c’est là que je vais moi et mon môme on va se refaire une santé de préférence dans un hôtel parce que les hôpitaux on en a marre
le billet ou l’argent pour en acheter deux vous pouvez venir avec nous si ça vous chante on avait l’intention de faire un petit tour du côté où les gens s’amusent en payant ah ce qu’ils peuvent payer et pas pour les autres
vous remercierez bien les gens qui vous ont donné la foi et la charité et aussi l’argent merci merci mon enfant n’est pas encore doué pour la parole mais vous pouvez me croire il est déjà poète
* Tonton Tata avait ses deux sœurs à la maison l’une était douée pour la cuisine alors il dit à son amoureuse « si tu sais pas faire la cuisine c’est pas grave j’ai une sœur qui s’y connaît pour un alors pour deux tu penses bien si elle sait » l’autre sœur savait chanter quand elle avait bien bu « t’auras qu’à lui donner à boire quand tu seras tellement triste que seule une chanson te redonnera goût à la vie »
Tata Tonton n’avait pas dit non mais elle avait pas dit oui non plus au cas où elle avait amené un poulet désossé et une bouteille de gin elle fut très bien reçue par les deux sœurs seulement voilà pas plus tard que le soir elle était morte et bien morte de la mort et pas d’autre chose
Tonton Tata l’enterra à ses frais et ses deux sœurs participèrent de bon cœur l’une en préparant un repas digne d’un enterrement et l’autre en l’arrosant de toutes les larmes de son corps
Si Tata Tonton n’avait pas aimé Tonton Tata rien de tout cela ne serait arrivé
* la vie ne commence pas par un voyage King en savait quelque chose il était né avec un billet de train dans la main
« ah se dit-il à peine arrivé sur le quai si la vie commence par un voyage je dois pas être le seul à prendre le train »
il s’engagea aussitôt sur la voie sans se douter que c’était la mauvaise celle qu’on appelle voie de garage parce qu’on y finit ce qu’on n’a pas commencé
il faisait noir là-dedans et il eut peur peur de quoi il ne savait rien de la peur parce qu’il n’avait aucune expérience du passé
et comme il faisait noir il ne voyait rien il sentait qu’il n’était pas seul mais personne ne prenait la parole comme si ce n’était pas le bon endroit pour dire ce qu’on pensait
il garda le silence plus de quatre-vingts ans et le silence lui demanda alors des comptes « t’es con ou quoi mec qui n’a jamais rien dit j’attends que tu me brises depuis quatre-vingts ans ah pendant quatre-vingts ans j’ai attendu que tu me violes comme une vulgaire putain et regardes ce que tu as fait de moi : une rien du tout »
King cessa de respirer il était mort mais il entendait encore un peu le silence continuait de se plaindre parlant dans l’obscurité comme si elle était faite pour ça et qu’elle le disait maintenant seulement
* « allez Chochotte arrête de chanter le train va bientôt arriver et on sera bientôt plus là pour t’accompagner »
ah ce qu’on a la tête pleine juste avant de pencher du côté des voyages
je voyais tous ces gens ceux qui tournent en rond qui prennent le train mais pas pour voyager juste pour aller où on va où tout le monde va sans se tenir la main parce qu’avec les mains on ne sait jamais si ce sont des mains ou ce qu’il y a dedans
voilà voilà j’arrête de penser je mets le pied dedans si ça vous fait marrer des pieds j’en ai en veux-tu en voilà des nus et des habillés à la mode de chez nous petits chanteurs des rues accompagnés ou pas
et voilà Conard le Barbant qui me propose de mettre en vers ce qui ressemble déjà à une chanson
encore un verre et je ne pars plus
* j’en connais un qui ne boit pas on dit qu’il va se mettre à voyager et il dit qu’il ne reviendra pas si on ne l’oblige pas
j’en connais un autre qui boit il ne voyagera jamais il dit que c’est trop loin et qu’on ne sait jamais
il y a toujours quelque chose qu’on ne sait pas qu’on boive ou qu’on ne boive pas
l’un ne sait rien de ses maîtres et l’autre craint de ne pas savoir et il n’y a pas de juste milieu
* Palapène avait un chat et elle n’aimait pas le chat il tua le chat pour ne pas la tuer
enfin il la tua et on le jugea pour ça
il ne se défendit pas on le jeta en prison et il ne tua plus personne
* « mettez-vous à l’aise prenez une chaise et asseyez-vous là près de la fenêtre on entend les oiseaux et même les voitures moi c’est ce que j’entends tous les jours que Dieu fait et s’il ne les fait pas j’ai le droit de rêver vous aussi vous aurez le droit de rêver on a le droit de rêver si Dieu n’y est pour rien même si on a assassiné quelqu’un et même si ce quelqu’un le méritait
mettez-vous à votre aise tout nu ou en habit du dimanche fini la liberté vous et moi on n’est peut-être pas faits pour ça après tout »
* j’en ai connu un qui aimait le travail il aimait voir les autres travailler et du coup il ne faisait rien
j’ai même vécu avec lui je travaillais tous les jours je ne pouvais plus m’arrêter
il me regardait et pleurait « tu ne ressembles à rien » me disait-il en frottant ses yeux comme s’il ne croyait pas à ce qu’il voyait « mais qu’est-ce que tu travailles bien »
un premier enfant est mort sans qu’on sache de quoi ni pourquoi
un deuxième s’est mis à travailler à peine né et il travaille encore
le troisième était en route « si tu travailles bien ce sera le premier »
* « la poésie est partout ma vieille tiens regarde dessous qu’est-ce que c’est c’est un poème un vrai pas un faux vois comme il se laisse écrire ah si j’avais ton talent ma vieille ô ma vieille »
seulement voilà tu l’as pas et j’ai beau regarder dessous je vois pas le poème moi c’est dessus que je le trouve et dessus tu n’y es pas
« tu me fais mal ma vieille de me parler comme si j’étais pas le père de ton enfant ah tu sais pas ce que j’ai mal ma vieille ô ma vieille »
le mal c’est pareil mon vieux c’est pas dedans qu’on le trouve c’est dehors et dessus et c’est pour ça que ça fait mal mais t’es trop tarte pour comprendre ce qu’un enfant comprendrait s’il n’était pas le tien
« des enfants je t’en ferais plus j’en ai marre d’avoir mal où ça ne te fait rien et plein la tête des poèmes où j’ai l’air de rien ma vieille ô ma vieille tu les feras sans moi tes enfants de papier »
un enfant de papier brûlait dans le cendrier j’étais seule une fois de plus et je n’attendais personne pour Noël
* partir comme sur un fil tendu entre deux gratte-ciel avec au loin la mer et ce fleuve qui pénètre boue jaune de la ville
je peux partir n’importe où ce pont tendu entre deux rives au-dessus de ta tête la photo d’une contrée peut-être lointaine ou bien c’est la porte à côté
ta tête frisée presque blonde au ras d’un paysage de montagnes avec deux promeneurs casqués qui mesurent la perspective du regard
je pars le long d’une clôture où pendent des feuillages rouges le mur d’une église semble chaud et des paysannes invitent au voyage ici on ne travaille pas sans toi ô voyageuse des murs renvoyés par les miroirs des autres murs
* tu peux gratter un accord fredonner le dernier refrain connu fermer tes yeux qui voient encore grimace de paupières closes
tu n’es pas venu pour me quitter tu ne viens jamais pour perdre pourtant je t’ai attendu et j’ai même chanté pour toi
pour l’enfant tu lui diras que je n’ai jamais existé veille à ne rien laisser derrière moi
deux accords pour la mélancolie un silence pour en souffrir tes yeux voient ce que je vois mais pas comme je le vois
tu lui diras que les enfants sont les enfants d’autres enfants qu’on ne peut pas les faire autrement et que rien n’arrive si ça n’arrive pas
trois accords pour la colère et un sourire sans me regarder ne voyant que tes yeux dans les reflets de mes mains qui jouent qui jouent jouent tout le temps
* maintenant que j’écris car ce temps est venu il vient toujours à temps et je n’attends plus rien
maintenant je voyage après tant de voyages je reviens et je suis enfin arrivée
tu ne liras jamais ces lignes entrelacées il faudra que tu joues comme ton père jouait
j’ai le temps devant moi le passé me précède dis-lui que j’ai aimé et que j’aimerais encore
la poésie commence à la fin tu le sais depuis toujours voilà pourquoi tu es partie et voilà comment tu reviens
* Radeg ne faisait rien et il s’en portait bien ne rien faire c’est tout faire et laisser aux autres le soin de refaire ce qui mérite de l’être
un jour il crevait la dalle et pour la rime ça faisait mal mais c’était le trottoir qui faisait le plus mal et pas seulement à cause de la saleté et des traces de malheur
il se dit que plus jamais il ne se tiendra debout par exemple pour regarder les choses des vitrines ou celles qui vont bien aux autres sur leur peau vont bien à ces autres qui ne te voient pas comme tu te vois
par exemple pensa-t-il il se peut que je me relève et alors j’en profite pour voir ce que je n’ai jamais voulu regarder comme par exemple l’intérieur des autres qui n’est pas aussi sale que ce que j’en ai toujours pensé
mais je rêve pensa-t-il je ne me relèverai jamais il n’y aura plus d’exemples plus rien à regarder que cette saleté des pieds ces crachats vert olive et la poussière des fleurs qui se penchent sur moi comme si j’allais mourir avant de me mettre à souffrir
et en effet Radeg mourut là sur le trottoir dégueulasse avec des fleurs dessus et des crachats dessous
il n’est pas mort longtemps on est venu le prendre et on n’a pas nettoyé les traces parce que ce n’étaient pas les siennes
* la poésie va et vient comme les mouches elle était à fleur de cette bouche elle l’abandonne et se mêle de cette conversation pour la quitter aussitôt qu’un reflet s’accroche à l’aile d’une voiture
la poésie est comme mon cul ici une chaise à la terrasse du café que tu prends avec moi là le banc où tu me caresses rien sur la cuvette des waters on n’y va jamais ensemble
la poésie ne se chante pas il n’y a pas une note de musique dans ces allers-retours entre le bien des plaisirs et le mal des échecs
il faudra que tu y penses avant que je ne sois trop loin pour fêter avec toi le bien et le mal que nous n’avons pas encore faits
* une valise est vite faite si on n’emporte pas avec soi ce qui nous a toujours manqué
voilà comment je l’ai faite et pourquoi tu l’as trouvée à la place de ton chapeau
se jeter sur un lit pour crier que quelque chose ne va pas dans ma tête est inutile et sans force
tenter de briser le miroir où hier encore nous tentions de vivre ensemble est inutile et sans force
te tuer me tuer tuer tout le monde sauf un mais on n’est pas dans un film
tu peux garder la clé si ça te fait plaisir non je n’en ai pas d’autre tu sais très bien que nous n’en avons jamais eu qu’une mais les valises qu’on emporte avec soi pour aller loin ne sont que le prétexte d’autres voyages que tu n’imagines même pas
* tu ferais bien d’arrêter de te poser des questions sur ce qu’est et n’est pas la poésie et ses poèmes on n’est pas là pour écouter ce style de chanson si tu as une idée neuve on est là pour chanter et si ça sent la vieille armoire referme ses portes et parlons d’autre chose
j’en ai ma claque de ces discours sur la rime et de ces dissertations à propos du rythme et jusqu’à ces romans de l’histoire personnelle qui ne valent même pas la peine d’être mis en scène sur le théâtre du bide
dis-moi que j’ai raison et on va se coucher dans le même lit entre les murs de notre prison on n’est quand même pas obligés de réfléchir avant de dire des bêtises
payer rubis sur l’ongle je sais ça ne te dit rien ces rubis et ces ongles qui ne payent pas de mine surtout quand on les regarde de travers et qu’ils se demandent s’ils ne vont pas appeler les flics et nous faire embarquer
moi je rêve d’un autre voyage que celui d’à côté la prison ce n’est pas loin et il en faut du temps pour en revenir
on va arrêter d’assassiner les gens pour leur piquer ce que nous n’avons pas malgré un sacré talent de poètes pris dans les filets de la réalité en chair et en os
si tu ne veux pas venir avec moi commence par t’en aller le plus loin possible des prisons et n’oublie pas de me laisser cette part de pognon qui me revient
« ah je te laisse aussi le gosse puisqu’il te ressemble et que je ne ressemble plus à rien »
* « bon sang c’est pas difficile la poésie c’est quand la forme et le fond ça devient quelque chose qui n’est plus ni forme ni fond tu sais bien comme dans… » et de citer ses poètes préférés comme par hasard pas les miens ou alors par hasard
je ne sais pas pourquoi je t’écoute encore encore une nuit à rêver avec toi des nuits comme ça on s’en passe si on a envie de dormir
si c’est poète que tu veux être fais ta valise avec rien dedans et prends le premier train on se retrouvera bien un jour
moi j’ai toujours rêvé de cet ailleurs pas de poésie sans un ailleurs introuvable ailleurs qu’ailleurs
je pourrais y attendre toute la vie même sans savoir ce que j’attends à part l’étonnement et le regret de ne pas être Dieu pour en savoir davantage
là-bas j’ai peut-être une maison avec rien dedans comme ma valise avec juste de quoi écrire et une poire pour la soif
mais pour l’instant je t’écoute il fait nuit et les chats sont noirs un mec joue du pipeau derrière une fenêtre il cherche la même chose que nous mais il n’y a personne pour l’écouter ah ce n’est pas un mince avantage
* Rizeck aime les femmes et les hommes aiment Rizeck hier je le croise dans la rue il me dit qu’il m’aime je le crois comme si je l’aimais
« dis-moi ce que tu aimes le plus et je te l’apporte sur un plateau » le plateau c’est en trop des plateaux j’en ai déjà j’en ai plein la cuisine que je sais plus quoi en faire des plateaux des uns et des autres
distingue-toi Rizeck
« veux-tu voyager je sais comment »
oui mais alors avec un plateau partir avec toi ça me donne envie de faire le ménage
distingue-toi Rizeck
tu crois qu’il se distingue que non il ressemble à ses frères humains avec ou sans plateau il a l’air tarte
* « j’ai revu ce mec qui me disait rien tellement il était bavard… »
l’humour de Blandinette est un yoyo le même yoyo lui sert de preuve quand c’est l’amour qui la chatouille
et bien vous n’allez pas me croire mais Blandy elle a tué un homme un vrai de vrai avec des os et un cerveau un comme on n’en voit qu’à la foire quand on voulait acheter une bête
quand il s’habillait on ne voyait que son costard et quand il était avec elle on n’entendait que ses hennissements
ah elle avait fière allure Blandy avec un mec pareil avec un poète que même il jouait de la guitare et que c’est avec ça qu’elle l’a tué
drôle de musique quand on ne sait pas le solfège lui a dit le juge pour rigoler il lui avait piqué son yoyo sans savoir ce qui lui arriverait un jour à force de s’en servir contre les autres
* « je veux bien partir avec toi lulu mais qui me dit que tu me foutras pas à l’eau à la première occasion ah c’est pas les occasions qui manquent sur les paquebots transatlantiques »
Rigolin n’a pas compris ma proposition je lui ai juste demandé de m’accompagner jusqu’à la gare qui n’est pas si loin
j’ai eu un mal fou à le détromper du coup il n’a pas fini son café pas même sali sa petite cuillère ni croqué à part le morceau de sucre
il me regarde comme si je lui avais fait quelque chose
« or lui dis-je je t’ai rien demandé sinon de m’accompagner à la gare parce qu’avec ma petite culotte j’attire pas que les mouches »
des paroles qui auraient dû le gonfler mais du côté de la tête pas ailleurs seulement dans sa tête ya rien à gonfler alors il ne comprend toujours pas pourquoi je ne lui ai pas acheté un billet
« de toute façon je veux pas crever avec les poissons qui sont dans l’eau j’en ai un d’accroché au mur de mon salon j’y causerai pendant que tu seras loin et je finirai par en crever comme lui »
pas moyen de le décoincer je suis partie sans
* moi tu vois la poésie ça me fait des gratouilles partout où j’en ai envie sans me montrer à poil
le genre c’est là que j’aime ne m’inspire pas des vers si j’ai œuvré dans l’ombre je ne fais pas la lumière
ah je ne peux pas partir sans t’en dire quelque chose on ne quitte rien sans confession même si on n’a rien à se reprocher
des choses j’en ai à dire que si tu en savais la moitié il me resterait l’éternité pour t’apprendre le reste
c’est ça la poésie des mots des mots pour ne rien dire et d’autres pour laisser entendre ce que tu fais à merveille
je fais la moitié du chemin en te quittant pour toujours et je ne rencontre personne avant la fin du voyage
il n’y a pas de poésie sans attente mais j’en ai une autre moins patiente au cas où je ne te retrouve pas quand je n’aurais plus rien à dire
* Clodac Cladoc le Triste était au bout du rouleau il en avait l’âge et les maladies qui vont avec en plus il sortait de prison avec un bracelet et il venait de griller un feu rouge sang un flic bleu comme la mer quand elle est d’huile lui demanda une explication claire sinon il sévissait il en avait les moyens ça Clodac Cladoc le Triste le savait il avait déjà battu un flic avec une arme par destination il n’avait pas envie de recommencer parce que celui-ci le prévenait qu’il ne renouvellerait pas l’offre Clodac Cladoc se confondit en tristes excuses et le flic lui indiqua l’adresse d’un bon opticien pas cher et en plus la nana qui t’essaye les verres a une poitrine que tu peux pas confondre avec autre chose mais avant d’aller acheter les lunettes ils burent un coup et c’est après avoir bu ce coup et même d’autres que l’un a battu l’autre avec une arme par destination mais comme ils se ressemblaient comme deux gouttes d’eau si on peut évoquer ce principe sans faire rire les juges l’avantage va incontestablement au flic même si la plupart des flics sont des salauds « voilà dit le juge personne ne vous a forcé à ajouter cette remarque qui va vous coûter plus cher que la bouteille que vous avez cassée sur la tête de cet agent de la force publique qui vous ressemble certes mais de l’extérieur parce que dedans vous êtes complètement différents » du coup Clodac Cladoc le Triste s’est suicidé avant d’arriver à la prison où il n’avait pas envie de recommencer ce qu’il avait fini depuis longtemps la morale de cette triste histoire est qu’il ne faut pas faire à autrui ce qu’il vous a déjà fait sans que vous ne lui ayez rien demandé
* Clique claque cloque quand vous aurez fini de voyager Revenez !
Je voyais la mer mais le train s’arrête et je me sens mal !
Voyager ? Vous n’y pensez pas ! — Mais je suis en voyage ! — Clique claque cloque J’y suis pour rien Revenez !
Revenez une autre fois mais cette fois en état de voyager
— Mais je voyage, monsieur ! — Non madame vous ne voyagez pas Vous n’êtes pas en état de voyager — Le bateau ! Là ! Qui m’attend ! — Il ne vous attendra pas A-t-on vu un bateau attendre celle qui n’est plus en état de voyager ? Alors attendez attendez neuf mois moins deux ça fait… — Clique claque cloque ?
*
quatre heures du mat je dégueule parce que j’ai envie de sortir — drôle de raison !
je sors la nuit la lumière la pluie rien n’a changé depuis que je ne suis plus là pour remettre la pendule à l’heure — drôle de saison !
sur le trottoir personne pour me reconnaître tout le monde ne dort pas dehors — drôles de façons !
heureusement que j’ai mon couteau parce que quelqu’un que je ne connais pas et que je voudrais ignorer veut me prendre sans amour — drôle de con !
je grogne pour ne pas expliquer les raisons de mon refus de prendre le plaisir sans lui demander pourquoi — drôle de chanson !
et le voilà qui se barre en poussant un cri mais au lieu de courir il s’envole comme un oiseau battant de l’aile — drôle de garçon !
* à travers la lucarne ferraillée Grogobile m’invente son histoire : « luce ! luce ! jamais ne pique un microonde !
j’ai ouvert le mien à l’heure pile ! et qu’est-ce que je vois ? quelqu’un ! quelqu’un dans le microonde !
la trouille ! je referme ! Clac ! pas le temps de savoir qui c’est ! et lui pas le temps de sortir pour me faire ce que tu sais qu’ils me font chaque fois que je pique ! »
il est tout excité Grogobile par son aventure ménagère « et il est pas sorti ? je demande à tout hasard car Grogobile ne répond jamais aux questions.
— luce ! il avait pas la clé ! tu le sais bien qu’on a pas la clé quand on est à l’intérieur des choses ! et moi j’étais à l’extérieur mais sans la clé sinon je sors ! »
On a cherché le microonde partout. On l’a pas trouvé. Il a rien piqué, Grogobile. C’est dans sa tête.
* « Papa Noël c’est la porte à côté ! » Je glisse sur le tapis. La porte est ouverte. Je gratte, attends, entre. Le mec est en train de se caresser devant un match de foot. « Je viens pour l’annonce… » Il fait signe qu’il s’en fout. Une main m’emporte et me dépose ailleurs. « Vous savez comment on fait ? — Je l’ai déjà fait… — On paye après. — Je demande à voir… Des fois, c’est pas possible… — Par ici, je vous montre. » Papa Noël ! Tout de rouge vêtu. Il bave dans sa barbe. « Pas de coups surtout ! Il en devient fou. Balancez-lui le seau s’il exagère. » Le seau est posé sur la paille bien tressée d’une chaise. C’est bien de l’eau. 10 litres sur la gueule « s’il fait le con ! » Et nous voilà seuls. Papa Noël et moi. Il me sourit. Il a de gros yeux bleus. Des mains énormes. Il est assis sur un coussin et joue avec une auto. « Comment tu fais pour faire le con ? » je demande pour tâter le terrain. Il ouvre la bouche et rit, mais sans bruit, secouant la langue hors de la bouche. « Je sais pas ! finit-il par dire. Ça me vient et je fais ce que tu dis. — Elle est comment, l’eau ? — Bonne. — Alors tu t’en fous ! — Complètement ! » À dix heures je le couche. Et je reviens à mes occupations. C’est con, Noël !
* « Seul, on est un homme. Ensemble, des humanistes. Heureusement que Dieu n’existe pas pour tout le monde ! »
Alors on met la télé. Le catéchisme des ministères nous apprend que le monde est à nous à condition de ne pas le partager avec n’importe qui.
XinXin, ça le rend fou cette leçon de citoyenneté. Résultat : pour insulter les flics, il se sert de l’Islam.
Maintenant il insulte la compagnie avec des arguments tirés des étoiles.
Ça le rend compliqué, beaucoup plus obscur que quand il est arrivé avec une recommandation de la Justice de ne pas le prendre au sérieux.
On l’écoute pendant la pub.
* « On enferme les fous et les méchants ! On enferme ceux qui le font exprès et ceux qui n’y sont pour rien. Pas de Justice pour les autres ! »
— Ben merde ! fit Rocco. J’y avais pas pensé ! — et il se roula une clope en essayant de penser à autre chose, par exemple à ce mec avec deux paires de bras que Buk a rencontré dans un bar. Ou alors un cadavre d’Hemingway, qui se retourne tout seul pour regarder le ciel encore fumant. Ou Danny foutant le feu à sa baraque, lui ou un autre. Et ce type qui marchait sur des œufs en allant au tribunal pour s’en prendre une de chaque côté et rien dans le cul alors que ça lui aurait fait un bien fou.
Il avait un tas de personnages dans la tête, Rocco. Même que j’y étais. Mais si je savais bien pourquoi, pas moyen de savoir comment. Ça me faisait tellement chier que je suis sortie fringuée en mec. Et j’en ai trompé plus d’un !
* « Je fais de la poésie chaque fois que je sens que c’en est… »
Nous bavassions une fois de plus. J’arrive à deux heures pile. Et j’entends ça. Alors je me mets en rogne. Et on me traite d’aristocrate.
Mais la critique ne dure pas et on se remet au boulot. N’empêche que réduire la poésie à un petit instant de bravoure sur le terrain de la tranche de vie, moi, ça me tente pas. Autant arracher la tapisserie pour s’amuser avec les punaises.
J’avais envie de leur dire que la poésie c’est ailleurs qu’on la trouve. Pour la trouver, il faut partir. Et pas à deux pas d’ici. En plus, Il faut ouvrir le chemin.
Des heures que je passe à y penser chaque jour que je gâche à faire le contraire. Destin de simple citoyenne. Ils sont où les compliqués ? Je drague, mais j’en trouve pas. Ou alors je me trompe de sexe…
Si le troisième sexe c’est Dieu, je suis pas faite pour concevoir.
* C’est bien beau d’être désespéré mais on fait quoi quand on est ensemble ?
Je dis pas ça parce que tu dors mais on a des factures à payer
Dormir la fenêtre ouverte d’accord mais qui la ferme une fois que t’es plus là ?
Distiques du mais même quand je dors pas
Ce matin t’auras des croissants même si je t’aime plus
Ah ! Ce qu’elle est chouette la boulangère même s’il faut changer de sexe
Distiques du même ceci et même cela
J’en ai marre de cette existence à la mais même !
* Qu’est-ce qu’elle veut la République ? Qu’on couche ensemble selon le Code
Voilà ce que j’ai appris à l’école J’aurais mieux fait de pas y aller et d’envoyer mes vieux en taule
Qu’est-ce qu’ils ont ces employés de la migration des neurones vers les pieds qui se tournent (Ah j’y peux vraiment rien !) vers l’azur et sa côte ?
Qui c’est tous ces gens qui font tourner la machine à donner du travail ?
Et qui sont mes amis, ô Phillis ! En grattant le trottoir on en trouve encore des fiables, mais la rigole est souterraine et j’ai peur du noir.
* Marrant, celui qui me montre comment on fait pour être bien vue sans passer pour une pute
Je l’épouserais bien rien que pour faire du mal à une femme qui a réussi
C’est pas qu’il soit moche. Il a encore des tifs sur le crâne et quand il se gratte les couilles on entend rien
Si je sais faire des choses ? Et des utiles aux gens et surtout à moi-même ?
Des tas, que je sais en faire ! Mais me demandez pas de les refaire. Je vous montre et après on passe à autre chose
Vous voulez pas que je vous montre comment on tue les mouches sans insulter Dieu la Fiente ?
* Bon, j’ai pas toujours été à l’heure. J’ai même rêvé de mourir sous les arbres de la forêt par un léger temps de pluie
Je m’excuse d’être en retard au rendez-vous du sauve-qui-peut
C’est drôle… Il pleut toujours. Et ça ne vous change pas. Vous sentez le croissant et le papier hygiénique.
Moi aussi je reviens des chiottes. L’air des arbres de la rue descendait du vasistas. Je me sentais comme chez moi. J’ai même rêvé que je prenais des vacances.
Vous énervez pas ! Je vous explique le retard. J’avais même pas faim. Et j’avais mal nulle part. Qu’est-ce qu’on peut traîner quand on a rendez-vous avec l’improbable !
* Qu’est-ce qu’on croise comme vieux cons dans les rues de ma ville ! J’en ai vu un qui rouspétait après un chien qui aboyait. « Eh ! Vieux con plein de retraite ! On dirait que tu lui plais pas. J’vais ouvrir le portail, histoire de te faire bouffer par plus chien que toi. » Ça lui a pas plu… Comme ça il votera FN et moi je voterai pas. Qu’est-ce qu’on croise quand on se rencontre entre mon portail et la rue ! Et on parle toujours des mêmes choses. On change pas le chien. Et la République préfère les petits soldats qui posent pas de questions et foutent la paix aux chnoques pour qu’ils continuent de rêver à mettre de l’ordre sur ce qui bouge plus depuis qu’on est mort.
* « C’que c’est une fille quand ça n’a pas l’âge de s’pisser à la culotte pour emmerder les jeunes !
J’en ai pris deux en stop un jour de Foire à Pomponot. Et j’ai pissé pour me faire sentir telle que je suis depuis que j’en peux plus et que tout le monde s’en fout.
Elles se pinçaient le nez en riant langues dehors. J’ai mis les phares pour mieux voir les platanes. Des années que je les vois et pas un m’a changée en bouquet suspendu à un clou de la Croix. »
J’étais cette gosse en larmes tellement ça la faisait rire. et elle, c’était moi plus tard, quand j’aurais plus rien à dire à propos de fleurs.
* La différence, petit con, c’est que jadis un mec comme toi pensait même pas à écrire pour se flatter les couilles et bander en public. La voilà, TA différence. Alors pourquoi tu engueules les poètes quand ils font leur marché entre eux ? Pourquoi que tu te conduis comme un cochon ? Tu crois que c’est agréable de t’entendre grouiner pendant que je feuillète ? Ya des gens qui me regardent en se demandant si j’écris moi aussi. Et tu sais quoi, connard ? Ça me flatte. Même que si j’en avais une je te la mettrais où tu mérites d’être bouché. T’en as pas marre de te conduire comme Valls ? ¡Sin educación ! Qu’est-ce que tu crois qu’on est ? Un couple heureux ? Non mais t’as regardé ma moumoute ? Ça fait combien que tu t’es pas servi du peigne ? Et moi qui rêvais d’avoir des gosses ! Voilà que j’écris des poèmes. Jadis, j’aurais rien écrit. J’aurais même pas su écrire. Et j’aurais pas eu l’idée d’écrire. J’aurais fait autre chose. Et j’aurais pas vécu assez pour rêver de la retraite. Tu sais quoi, salaud ? J’aime mon époque. Et je suis pas jalouse des autres pays où qu’on réussit mieux que nous, même qu’on y est meilleur poète. Je suis bien ici. Je m’emmerde mais je suis bien. Et je t’emmerde. Tu m’emmerdes aussi. Et si c’était pas comme ça, j’écrirais rien. Et je viendrais pas sur le marché pour voir ce que les autres écrivent. Tu t’imagines ma solitude si t’étais pas aussi con que ceux qui écrivent rien ? Au fond, je te dois mon bonheur. On a nos petits paniers en osier. Paniers de poètes. On a même le carnet avec des chèques dedans. Même que c’est toi qui signe, mon chou. Et que ça te fait faire la grimace. Parce que c’est cher la poésie. Vise-moi un peu le papier ! T’imagines autrement la Poésie, toi le cochon de service ? La poésie a besoin de papier, comme le cul, sauf que c’est pas de la merde qu’on met dans les égouts de la société. Et on en met des tas, de nos torchons. C’est qu’on aime avoir le cul bien torché, nous, les poètes. Tant pis pour les égouts si les rats savent pas lire ! Alors Kikou et moi on a fait le marché. On a rien vendu mais on s’est mis en relation avec des gens qui connaissent du monde. On leur a même offert des sucettes. Ah ! tu les aurais vus en train de tirer la langue ! Ça en bavait même ! Je cite pas de noms pour vexer personne. Ça se vexe vite les poètes. Et ça mord. Mais ça fait pas crier. Moi j’interrogeais les gens : — Ça vous fait pas crier la douleur du suicidé ? — C’est pas qu’on a pas envie de gueuler nous aussi mais on s’est pas encore posé la question. Voilà ce que me disaient les gens qui écrivaient pas encore. C’est pourtant pas l’envie qui leur manquait. Mais y zétaient pas encore titularisés. On est revenu à la maison avec de nouvelles idées. Ils en ont des tas au printemps. Ça leur grouille entre les pattes. Et ils en pincent. Alors Kikou et moi on s’est dit comme ça qu’y a pas de mal à emprunter, comme disait La Fontaine. Mais Kikou y veut plus écrire. Il s’est remis à étudier. Il veut avancer. Il en a marre de faire le clown façon classe moyenne. Et me voilà seule. Moi qu’ai pas envie, mais alors pas du tout, d’avancer. Je ferais quoi plus loin ? La même chose connard. Et tu sais pourquoi ? Toi et moi on est pas pareil. Si jamais on fait un gosse, il nous comprendra pas et nous pourrira l’existence avec des trucs que la Poésie, à côté, ça sent trop l’époque où on aurait même pas pensé à écrire. Et en plus faudrait piger ! Ah ! merde !
* Et la langue française par ci ! Et la langue française par là ! Et que la langue française c’est pas de la merde ! Et que c’est pas comme les autres langues qu’on parle encore juste parce qu’on est obligé ! Et qu’y a des pays où qu’on t’oblige à parler russe sinon tu peux plus parler librement ! Et qu’on en a de la chance de parler français sinon on serait pas tout à fait humain ! Et que les profs c’est des cadors qui parlent français parce que sinon ils seraient pas profs ! Et que quand ça me gratte entre les jambes c’est parce qu’il faut que j’ouvre le dictionnaire ! Et que du coup on se sent jeune et prêt à recommencer de nettoyer les trottoirs de la Nation où qu’on est jamais mieux que si on s’entend ! Et que si les gosses parlaient autre chose on se sentirait cocus comme des étrangers ! Et patati ! Et patata ! Plein le colon ! Que quand j’y vais je parle plus tellement je bavarde du cul !
Et puis de parler patois ça me donne des airs de révolutionnaire. Voilà comment j’explique la petite crotte que j’ai laissée sur votre paillasson national. Elle sent mauvais comme toutes les crottes mais vous êtes pas obligé de puer de la gueule chaque fois qu’il est question que je parle plus comme on a toujours parlé avant d’en savoir plus sur vos intentions. Et patati ! Et patata ! Plein le colon ! Que quand j’y vais je parle plus tellement je bavarde du cul !
* Oh la la ! Le mot juste et même plus ! Y a qu’une manière de dire les choses. Si y en a deux c’est que ces deux-là sont mauvaises. Faut vous mettre au boulot et fissa pour trouver la troisième qu’est la bonne, la seule qui mérite d’être française des arpions au baron.
On était là avec Kikou à se demander si on avait été à l’école de la République ou si c’est la République qui avait séché.
On avait droit qu’à une réponse et à tous les coups Kikou en avait au moins deux.
Il me faisait des signes quand le maton avait le dos tourné. Mais c’était pas des signes en français alors j’y ai parlé tout haut comme quoi j’avais envie de pisser même si c’était interdit.
Le maton m’a regardée d’un œil trouble comme quand on met pas trop de flotte dans le pastis.
« Fallait le faire avant ! dit-il en se grattant. Après on ne peut plus ou alors c’est foutu ! »
On parle en vers à Pôle Emploi ! Ça m’a coupée au bon endroit et j’ai fait tout ce qu’on m’a dit. Plus question de faire pipi si justement c’est interdit. Voilà comment j’ai réussi là où Kikou a pas compris.
Ah c’que c’est bon d’être française quand on est pas vraiment à l’aise au moment de faire des fraises.
* Fais grincer tes dents, mon amour ! T’aimes pas l’odeur de ma cuisine, je sais. Mais c’est la cuisine que je sais faire. J’ai rien d’autre à te donner à bouffer pour que tu continues d’exister.
Dire que c’est moi qui te nourris ! J’ai le tablier qui le prouve. T’en as déjà vu des plus tachés ? Celui de ta mère, peut-être, et encore… À l’époque, t’aimais encore personne.
Tandis que moi, tu m’aimes. Et que si j’étais aussi belle que tes poésies, j’aurais une chance de te quitter.
*
J’en ai connu un qu’aimait pas les chaussettes. Or, moi, je sors jamais sans quand je me couche. Même que des fois j’en mets deux paires tellement ça sent pas bon quand on s’imagine.
Ah ce qu’ils peuvent imaginer au lieu de rêver ! Ça écrit même quand ça peut pas dormir. Si j’avais plusse de chaussettes, je le ferais savoir mais je préfère laisser au rêve la décision.
L’autre jour je m’en couche un de pas tordu. C’était ce que je pouvais imaginer avant de me mettre au travail de ses petits nerfs.
Un mec tout en surface, façon BD avec des hauts et des bas en veux-tu en voilà — et SCRAOUTCH ! Il a une chaussette sur la queue et des lunettes qui grossissent tellement ses deux couilles que je le prends pour un autre et que je crie au viol !
* Vous allez pas me croire, les filles, mais j’ai trouvé mon bonheur ! Pas de quoi convaincre tout le monde, mais si vous y mettez du vôtre, on va bien rigoler !
C’est pas un mec, pas une maison, pas un enfant à la sauvette, ni le bouchon qu’on fait sauter pour faire comme tout le monde.
C’est juste un bon moment. Ça vous impressionne peut-être pas, d’autant qu’il se reproduira pas, mais j’suis capable de m’en souvenir même sous les coups du sort.
Allez-y ! Essayez ! Cognez pour voir si je perds la mémoire ! Je vous dis que ça s’efface pas. Même morte, je clignerai de l’œil pour vous dire à quel point ça me rend heureuse d’avoir vécu au moins ça.
Et si on vous demande qui j’étais, dites que j’y étais plus quand ça vous est arrivé.
*
Gragnoute a faim. Je lui donne à manger. Il a soif. Je cours à la fontaine. Il veut m’aimer. Je me couche. La nuit tombe. Toujours pas de Gragnoute, alors que j’attends depuis des heures. Comment voulez-vous que je rêve si j’ai faim moi aussi ?
* Ils ont tout changé à la maison. Je veux dire que je suis chez moi mais je suis pas responsable de la nouvelle déco.
Ça allait et venait les dimanches. Je reconnaissais plus personne. Je suis meilleure en semaine.
Et un jour ils m’ont trouvée trop grosse. Je faisais du bruit même en fumant. Ils ont changé la selle de mon vélo.
Les gens veulent que vous changiez. Y en a pas un qui veut rien changer. Ils passent leur temps à réfléchir et se ramènent avec des changements que vous auriez pas imaginés toute seule.
Mais ce qu’ils pouvaient pas changer, à part eux-mêmes, c’était ce que je voyais quand je regardais à la fenêtre. Rien n’a jamais changé ici. On fait plus la guerre depuis longtemps.
* « On en fait plus des comme ça ! » Et bang, que je t’y mets sans penser que ça laisse des traces.
J’arrive pas à me voir en individu. Chaque fois que je me scrute je me multiplie.
Qu’est-ce que je voudrais de plus que ce qu’on me donne ?
« Distingue-toi ou tu disparais ! » Qu’est-ce que je pourrais inventer sans trop les effaroucher ?
J’arrête pas d’y penser. Ça me turlupine jusqu’à l’os, que ça me donne envie d’y faire des trous pour que ça fasse des flûtes et que ça les amuse de souffler dedans pour entendre comment je fais quand c’est pas moi qui souffle.
* « Un jour vous connaîtrez l’erreur et on vous demandera de payer. Voilà comment la porte se ferme sur le nez qu’on a pas eu.
Il était dix heures et la nuit était tombée sur nos affaires. L’erreur c’est de savoir que c’est une erreur et pas autre chose.
Je dis pas que ça me tentait. Mais l’idée d’en savoir plus est entrée dans mon cerveau comme le ver dans la pomme.
L’oiseau qui me trouait s’est mis à chanter et ensuite on s’est séparé. On avait plus rien à se dire et, réflexion faite, on s’était jamais rien dit.
Seulement voilà les chants d’oiseau quand c’est pas dans le cul ça rechante. Et je vous prie de croire qu’en pleine nuit, alors que j’ai autre chose à rêver, ça me donne pas que des frissons.
Mais j’ai pas encore commis l’erreur de tuer un enfant. Paraît que c’est cher à payer, surtout si papa veut pas ! »
Que le monde est mal fait ! pensai-je en écoutant cette salope. Je dois avoir un cul à la place du con.
* Au bois irons-nous, conard ? Je ne fais que passer.
Maman bassine et Papa travaille. À l’école on m’explique Que je suis faite pour exister. Et la télé me promet De pas m’en vouloir Si je comprends de travers Ce qui est à l’endroit.
Au bois irons-nous, conard ? Je ne fais que passer.
Plus tard je me fais prendre A corriger des fautes. « Je t’explique, dit le flic. Les vitrines sont transparentes, Mais c’est juste pour voir. Si tu passes derrière, N’oublie les œuvres de la République. »
Au bois irons-nous, conard ? Je ne fais que passer.
Ah bon ? Il faut vieillir Sans devenir con ? J’étais pas au courant Avant de m’faire pincer ! Ah c’qu’on est pas bien Quand on revient Et que ça recommence Avec les mêmes !
Au bois irons-nous, conard ? Je ne fais que passer.
On se souvient toujours De notre premier macchab. Moi c’était sur l’trottoir En rev’nant de l’école. Ça saignait sans chlinguer. C’était tout écrasé. Si j’avais su que c’était lui J’aurais rien dit à maman.
Au bois irons-nous, conard ? Je ne fais que passer.
T’y aurais dit, toi ? Conard !
* Les vrais poètes te parlent et tu n’entends rien. Des poétaillons de toutes sortes occupent le terrain. C’est comme si le monde basculait du mauvais côté de l’existence.
Sur cette pente dangereuse, je glisse, je viens vers toi, Lecteur médiocre, auteur peut-être, que dis-je ? Sans doute ! Nous n’aurons plus le vent pour nous inspirer.
Petits poètes paresseux, vous n’écrivez pas, vous prenez la place. Le vrai poète ne recherche pas ce genre d’endroit. Il sait exactement où se retrouver seul pour être lui-même.
Il vous laisse les mairies, les bibliothèques, et même la rue. Il ne vous rencontrera pas sur le marché, petits poètes de panier. Hier, il est sorti de vos existences de domestiques en vacances.
Petits poètes sans comète, vous sentez la savonnette et le pet. Mais vous êtes si nombreux, aimés des dieux élus et des voleurs, Que la balance penche et que je glisse vers vous, c’est inévitable.
Il faudrait vous haïr, mais voilà : la poésie est sans morale. Elle vous tuerait plutôt. Oui, Adolf Hitler s’est trompé : Les Juifs sont utiles comme les Noirs et les Arabes, Et toutes les races que la Terre porte pour les cultiver Éternellement. Hitler aurait dû écouter Mohammed : Il faut couper la langue aux poètes. Mais comme ce grand homme N’était pas si grand que ça, il n’a pas entendu que Dieu, Ou le ciel, ou le vent, ou je ne sais quelle puissance surhumaine, Commandait de limiter cette mutilation aux petits poètes, Aux merdes qui font pencher la balance du mauvais côté De la Vie. Je vais me noyer dans un WC ! Ô merde ! Petits poètes ! N’oubliez pas le papier !
* « Oh la la ! Les méchants veulent fermer la porte De la maison de la poésie de saint Pantin en Zibeline ! Et ça gueule dedans ! Ça veut faire un procès ! Que les méchants ont des idées libérales Et que c’est mieux de défendre la langue française ! Et tant pis pour ceux qui s’en foutent D’écrire comme ils ont appris à parler ! Et que le socialisme et le nationalisme Ont toujours fait bon ménage ! Et qu’on a plein de preuves pour le prouver ! Qu’on est des poètes et pas les autres ! Et que ceux qui sont pas contents Arrêtent de fermer la maison de la poésie Que c’est la seule qui mérite d’être entendue Et publiée et même médaillée et chouchoutée ! Non mais qui c’est ces nouveaux venus Qui ferment les portes qu’on était les seuls A avoir le droit de les ouvrir et même De les fermer sur le nez des faux poètes ? Ils savent même pas favoriser les copains ! S’ils pensent écrire de beaux poèmes Sans enculer et se faire enculer par Roland Et par Jacques et par ceux que c’est des vrais poètes, Et ben c’est des faux et nous on va gueuler Du fond de nos niches de jacobins retraités ! »
Moi je m’en fous, j’écris pas de poésie. Je me laisse écrire et ça me fait un bien fou. En plus je dors dehors et j’emmerde les bourgeois Et leurs peigne-culs qui écrivent des poèmes Comme les cardinaux font des concours de pet Pour pas être obligés de penser vraiment aux autres. On va te leur en mettre plein la gueule A ces librhéros de la rente habilitée ! Et pas des vers ! Rien que des bouffées de merde ! Parce qu’on sait pas péter comme les cardinaux Et qu’on n’a pas besoin de maison pour exister !
* Je me demande quand même Si c’est une bonne idée de faire un gosse Juste pour voir si ça marche…
Le problème avec les gosses, C’est qu’on peut pas les tuer Sans avoir à payer le prix fort.
On peut les faire souffrir. C’est moins cher si ça plaît pas Aux citoyens de la nation.
Des fois on paye rien, A condition de pas violer, De pas cogner, de bien nourrir.
Je sais pas si je pourrais Me venger de cette façon Si jamais ça arrivait Que ce gosse me fasse chier Comme son père me fatigue.
* Mon père m’avait prévenue ! « Avec un cul pareil, Que c’est pas un faux cul, T’iras nulle part ma fille ! »
Et voilà où je suis allée. À l’école de la République. Avec des croyants de gauche Et des anarchistes de droite.
Et il a fallu ô Papa Que j’en épouse un de planqué ! On va en vacances l’été. On fait l’amour en société. On dit oui ou non quand on vote. Et on accepte de crever Parce qu’hélas on n’en sait rien !
Voilà comment ma propre fille Prends exemple sur son grand-père !
Hier on était à l’école, Entre un prof bien déboussolé Et un parent du même côté. « On ne peut pas montrer ses cuisses Quand on a du poil au pubisse ! Vous devriez la corriger Avant qu’on en touche deux mots Aux gardiens de la Société ! »
Bon d’accord elle a déjà fait A quatorze ans un ou deux gosses Sans demander la permission A Maman qui n’en voulait pas.
J’ai pas les sous pour lui payer Un rasoir à poils de pubis. Les peignes c’est beaucoup moins cher. Alors je peigne et je repeigne ! Je fais ce que je peux lui faire. Ou alors j’ai pas tout compris.
* Le type qui boit au volant risque gros. Bien fait pour sa gueule S’il se fait pincer ! Mais le type qui boit en classe Est un malade qui se soigne. Monter dans une bagnole En état de la conduire de travers, C’est pécher. Mais monter sur un gosse En état de lui faire mal au cul, Ça mérite pas une médaille, Mais ça se soigne ! On en avait un comme ça qui se calmait au Ricard. Il a fini à la retraite ! Tu parles d’une poubelle ! Avec villa, vacances et tout. Mais à soixante dix ans passés, Il a écrasé un gosse sur le trottoir, En reculant, c’est évident. Maintenant c’est le plus riche Des malchanceux de la prison. Il sort demain grâce à Kouchner. Ça donne envie de se suicider. Mais avant je vais me saouler. On sait jamais des fois l’alcool Ça tranquillise le suicidaire…
* Sans Histoire on est des riens. On n’arrive même pas à se ressembler. Prenez Zakaka le QQ, le mec d’à côté. Prenez-le en exemple à pas suivre. Il est fier d’avoir un galon à sa manche. Et il la fait depuis longtemps. Retraite à cinquante-cinq berges. Si ça vous parle pas, C’est que vous avez jamais été arrêté En état de sobriété Sur la route du terrorisme. Zakaka le QQ a tout raté, Sauf le métro pour y aller. Et en plus il a de la chance. On n’est pas occupé.
* Le plus dur après un attentat, C’est de recoller les morceaux, Surtout si on mélange les Juifs Avec les autres.
Ah ça c’est difficile à avaler. On sait plus s’il faut en parler Ou la fermer et laisser pisser Même si ça doit se mélanger encore Pour donner raison au racisme.
Ya rien à faire on est raciste. On n’arrive pas à raisonner. C’est plus facile quand ya pas d’Juifs.
* C’est pas pareil de tirer Dans la tête d’un enfant Comma ça froidement Ou de jeter une bombe dessus En espérant l’avoir raté.
C’est pas pareil mais c’est pareil.
* Je savais même pas qu’on était en république Et qu’en plus on avait la démocratie. J’aurais pas dû lire Rousseau. C’est sa faute. Pan !
Je savais pas non plus que j’étais raciste Et que si l’occasion m’était donnée Je ferais tout ce qu’on me dirait. J’aurais pas dû lire Voltaire. C’est sa faute. Pan !
Je savais pas qui j’étais. Et en plus j’avais rien. Qu’est-ce que les autres pensent de moi ? Ah ! J’aurais pas dû lire Schopenhauer. C’est ma faute. Pan !
* Je sais pas vous, mais moi ça me fait un peu chier De profiter que les capitalistes sont en guerre Contre tout ce qui ne va pas dans leur sens. Je me demande même si c’est pas mon sens.
Bon d’accord j’ai pas droit au lolo qui nourrit Les houellebecq les beigbeder et les nothomb. Mais j’ai ma tétine sécurisée à la rustine vigipirate Et ma foi Internet me donne la parole que j’abuse.
Je me demande ce que je ferais sans papier Q, Sans brosse à dents et sans essence dans le tube. Pas grand-chose si j’en juge par l’état de ma culotte.
Allez tenez je vous offre ce sonnet sans rimes Des fois que ça vous dirait d’en trouver cinq Et de renouer avec l’ordre des temps anciens.
* Les vieux ne veulent plus mourir. Drogués et enchantés, ils envahissent Les jardins d’enfant avec leurs leçons De comment avoir une bonne retraite.
Moi qui m’échine entre mon potager Et mes obligations dont certaines Sont même professionnelles (que oui) Je les vois de moins en moins chauves. Un des ces jours ils y prendront plaisir A être vieux et debout par miracle Pharmaceutique et spirituel.
Il faudra alors mettre son cul à l’abri. Les vieux ne savent plus où est le plaisir Mais ils n’ont pas oublié que ça existe.
* Le p’tit Crispin qui jouait à côté Et ben dis donc il est mort au Mali.
Que je savais même que ça existait, le Mali.
Le p’tit salopiaud qui piquait mes cerises, il en a pris une en plein dans la tronche.
C’est les parents qui sont fiers de leur fils. Il est moromali.
Les anciens combattants aussi sont très fiers. Ils sont pas moromalis.
J’espère que moi non plus je serai pas moromali parce que je suis juive et que ça plaît pas à tout le monde…
* C’est plus facile de remplir le cœur que l’esprit. Alors ne nous gênons pas. Tous en chœur ! Et qu’ça saute !
Mieux vaut être con et honnête que bien foutu du citron et méchant comme dans les films.
Peut-être mais je suis pas conne. Et j’avoue que mon intelligence me rend méchante dans les moments où on m’empêche d’être moi-même.
Je serais jamais vraiment amoureuse.
* Il y a ceux qui disent non tout de suite Et ceux qui finissent par ne plus vouloir Et qui s’en foutent maintenant de mal finir. Je ne connais personne d’autre, les amis.
Et pourtant je me connais comme si je m’étais faite. J’ai pas vraiment dit oui à la première claque. Ce n’était qu’une claque sans rien dedans. Et puis j’ai senti que ça faisait plus mal que mal.
Vous auriez fait quoi à ma place, les amis ? J’avais jamais dit oui ni non ni merde ! J’étais juste un peu seule et pas finie.
Ah merde ! Encore un sonnet sans rimes. Je vais m’en prendre une si je continue A pas répondre aux questions de genre.
* Ah si faut être un salaud fini Pour aller habiter au Panthéon, Comprenez que j’hésite…
Si faut trahir les plus naïfs Et faire plaisir à ceux qui savent, Comprenez que j’hésite…
Les trucs en toc genre national Avec des plumes et des rubans, Je dis pas non, Mais permettez que j’hésite encore…
J’ai lu la liste des grands Français, Sans hésiter à m’renseigner, Et j’me suis dit qu’pour hésiter J’suis pas la dernièr’ des futées.
* Non mais t’imagines la république qu’on est ? On te demande de choisir Entre Charles Pasqua et Ben Laden ! Moi qui aime tant qu’on me respecte !
Et l’autre pingouin qui parle de valeurs ! Il est allé les chercher dans un manuel… scolaire Exprès fabriqué pour amuser les enfants Et qu’y se fassent pas chier à en savoir plus.
Moi qui aim’ tant qu’on me respecte Je regard’ bien avant d’ voter Des fois qu’ dessous se cache un boche Ou un pap’ que Dieu a choisi Pour rendre aux rich’ c’que j’ai volé !
* « Si j’étais président de tous les Français, Je s’rais catho, un point c’est tout !
L’idée de Dieu a beau sentir la merde, Quand on est président des Français, On collabore avec l’Allemagne.
Et gare aux Espagnols qui se sentent Arabes Et aux Anglais qui rêvent d’Amérique !
Les médailles françaises sont des croix ! Il faut les porter sur le chemin de l’Histoire. »
Je me demande ce qu’on serait Si Jésus avait existé Ou s’il n’avait pas été juif…
* Ah c’qu’on était bien loin de tout ! Et de tout le monde par-dessus le marché ! Pas un gosse pour nous chier dans les bottes Ni un vieux pour nous épouvanter !
Jabin et moi on est comm’ des oiseaux Dès qu’on s’échappe avec la mer pas loin Et rien dessus pour avoir l’air plus jeune, Surtout d’esprit à cause du soleil.
On s’est payé un séjour en Enfer, Avec du sable et des petits poissons Que si Jabin il avait mis un slip On en aurait ram’né un à Paris.
* Qui c’est qu’a demandé à vivre ? On s’rait moins seul si on avait voulu, Tu parles !
Seulement voilà, on était pas venu Pour assister à la va comme j’te pousse. On verra bien si c’est l’intelligence Ou le manque à gagner du bon temps.
C’est l’un ou l’autre Et des fois c’est les deux, Tu parles !
Ah si j’avais été là pour leur dire ! Mais l’vieux trouvait qu’ça lui faisait du bien Et la vioque attendait qu’ça passe En espérant que faute d’intelligence Je finirai par me marier mieux qu’elle.
Tu parles si j’me souviens ! On était déjà trois sans compter les autres. Même que j’l’avais moi aussi dans l’sang !
Pass’moi l’sel que je m’en mette dessus Sinon Papa va me trouver bien fade… Après ce que je viens de dire…
* Moi, tu sais, jouer à la baballe… Ça secoue miches et roberts Sans parler de la muse.
Je connais aussi le truc du coquillage. Je saurais pas te l’expliquer Aussi bien que la muse.
En attendant que je comprenne Va bouffer un beignet aux abricots Et te trempe pas tout d’suite après.
Ce soir y z’ont prévu de la saucisse Avec c’qui faut pour l’arroser. C’est pas comme ça qu’on améliore l’érection.
Quand je pense à tous ces jeunes Qui crèvent d’envie Et avec les moyens !
* On est pas payé pour se noyer ! Et pourtant on se noie Avant d’avoir tout dit.
Ça m’fait chier mais j’m’y fais.
* On a bouffé des trucs avec des pattes. Ça marchait plus mais yen avait des poils ! Ensuite on a baisé sous les étoiles, Pas jusqu’au bout mais en aristocrates.
Il était beau comme un petit navire. La mer faisait des vague’ avec son eau Et le ciel des nuages tout en haut. L’ambiance je ne saurais vous traduire.
A poil dans le sable et les algues vertes, On a échangé nos milles frisous. La prochain’ fois on ira voir le zoo Parce que le poil ça nous déconcerte.
* Jeanne allait sur Pégase « Vive la République ! » À Paris c’est l’extase. En province ça bique ! C’qui manqu’ c’est l’écriture Avec des rim’ au bout. L’colon à l’aventure Ne fait plus ça debout. Couchée sur sa monture Jeanne tient son embout. C’qui sort c’est la musique Qui fait marcher les foules. À force on perd la boule Et l’amour et la trique. Les enfants d’la patrie Naissent mais sans génie. Jeanne enfante du cul Entre trône et écu. Tout ça n’est pas très gai Mais on est comme on naît. Jeanne et la raie publique Font dans l’anachronique. Ah mais qu’est-c’ qu’on y peut Pisqu’on est bienheureux D’avoir un trou de balle Où que normalement On a un encéphale Et de l’enseignement.
* Quan j’ sera gran je sera socialiste Et je vot´ra à droit’ pour ètre sur la liste. J’ora un bon boulo avec du pèze en dur Et l’banquier dira d’moi Que je suis quèkun d’sûr. Et j’vot’ra pour le Roi Et pour le p’tit Jézu ! Non mais qui c’est qui dit En démocratie ?
Et j’en f’ra des enfans Avec un cerveau d’dans. À droite à goche et au milieu Comme quil a fait Dieu Avec sa grande bite A torcher les pucelles. Moi je sais ou jabite Et j’ai le sens femelle !
Mais il me faudré un bo militère Avec du plomb si possib’dans la tête. Ça court pas les rues de la capitale. C’est moi qui cours, ça devient infernal ! Et quan j’me voi dedans une vitrine J’me dis que tant qu’à fair’ lever les pines Faut s’lever to, même avant le cléron. On est comm’ ça ! C’est l’amour ou les ronds ! On est comm’ ça en république. Ça fait des lun’ qu’on conné la zizique !
* À l’école on fait des bulles Pour pouvoir les crever Quand on n’en fait plus.
* Je rêv’ de m’faire violer Par les forces spéciales ! Je sais faut pas rêver, Mais je veux avoir mal.
Mal à l’enfanc’ française En vadrouill’ chez les autres. L’enfant qui n’est pas nôtre, Ça me met mal à l’aise.
Comm’ Jeann’ je servirai D’exemple à la jeunesse. Mieux que de faire abbesse, Mon cul je donnerai.
Ainsi le p’tit Jésus Pourra enfin bander. La République en sus Se fera un devoir De m’fonctionnariser. Normal, j’ai le pouvoir !
* Tu t’es pris pour Voltaire Face au chevalier de Rohan Mais Jean-Claude Marin Même « en détention non provisoire » N’a pas de lustre sous la table. Autre chose, oui, sans doute, Mais pas de lustre. Ses pieds, ses genoux, Le bord de la chaise Où reposent ses couilles. Mais ces objets du délit N’en font pas un personnage. Remets-le dans son berceau, Avec son hochet, ses erreurs, Et son sens de l’orientation. Enfin, signe au bas du tableau.
* « Mon cher lecteur veut connaître cet âne, Qui vint alors offrir sa croupe à Jeanne… »
* Forcément, le piston, C’est pas dans le nez Qu’on se le met. Surtout si on a Le cul d’être bien né.
Le reste, c’est pour les autres. Et on en voit de toutes les couleurs.
Les trésors de la Nation — Médailles, prix, postes et nœuds, Ça transite par les ministres Via les sponsors de bonne famille Et les mécènes des syndicats.
Le reste, c’est pour les autres. Et on en voit de toutes les couleurs. Moi je vois rouge Avec ou sans verre.
« Faudrait être con pour pas en profiter ! » Me dit Gnagnak sans humour noir. — Mais si ya rien à profiter On est con quand même. Honnête ou crapule On change pas facilement Quand on en voit de toutes les couleurs.
Dire qu’il suffit d’être premier ministre Pour pouvoir tenir des propos racistes Et ne pas en payer le prix !
La couleur, ça n’compte plus ! On joue impair et manque. Et à la même table en plus. Vive la France et les couillons ! Le reste c’est pour les autres.
*
Je mange à tous les râteliers
A Vichy, Sétif ou Alger
* Labrel veut infantiliser mon enfant. Il déploie le drapeau et l’explique. Il invite à la guerre contre le terrorisme. « En récompense, on fera du théâtre, » Promet-il en répandant son odeur d’anis.
A la maison, mon enfant s’entraine A ne pas mourir pour des prunes. Il va faire une guerre à l’américaine Avec des moyens purement français. Ça va pas être beau à voir !
Dimanche on est allé au bord de l’eau. Elle était salée mais on a payé. Pour le même prix, on attendu Que le soleil se couche et que la nuit Nous oblige à allumer les phares.
« Le terrorisme, c’est là-bas, A dit mon enfant en montrant l’horizon. Et si on fait pas gaffe, ce sera ici ! » Voilà comment il me fout la trouille, Cet enfant qui n’est déjà plus le mien.
* Ça saignait dans les vitrines. Un flic encore à jeun voulait voyager. « Mais alors loin ! » grognait-il En secouant son indice retraite.
Nous, on était plus simple. Beaucoup moins bien payé A rien foutre, mais plus simple. On pensait au lendemain d’un attentat.
Remarquez bien qu’on faisait que passer. Les agences de voyage, c’est beau Comme les discours présidentiels, Mais n’est pas flic feignant et poivrot Qui veut voyager aussi loin que lui.
On a expliqué au gosse que le sang, Celui qu’on verse sans faire exprès, C’est le même que celui qu’on fait exprès, Sauf qu’on a pas la garantie de l’emploi.
Il a passé la soirée à nous demander Pourquoi qu’on avait pas fait fonctionnaire Alors qu’ils embauchent que des cons Et des faux culs et même des étrangers.
* On demande pas mieux de travailler Et de baiser comme des bêtes Pour multiplier et même croître. Mais la patrie, c’est trop abstrait.
Bon, le drapeau est pas compliqué. Avec deux feutres tu t’en sors. Et on commence par le rouge Ce qui se finit dans le bleu.
Nous on est pas pour l’abstraction. Une fois qu’on a bien dessiné Et respecté l’ordre historique, On a un drapeau avec du blanc au milieu.
C’est peut-être ça qui fait abstrait. On a envie de s’y torcher le cul. Oh ! juste pour déconner en attendant dimanche. Pour le sang, n’en parlez pas trop aux enfants. Ils finiront par avoir des idées concrètes Et nous on passera pour des cons.
La patrie, c’est vraiment trop abstrait. On la sent pas, on reste froid. Du coup on a envie de travailler plus Et baiser moins car les enfants, A force de les multiplier par plaisir, Ça revient cher en explications.
* Je me demande si je vais pas me voiler. J’arriverai sur la scène complètement à poil. Et je recollerai tous les poils à leur place Avant de me couvrir des pieds à la tête.
Ensuite je sortirai dans la rue des flics Et de tous les faux culs qui servent à quelque chose. Je veux savoir ce que ça fait d’être insultée par la Loi.
* Bizarre que nos politicards Finissent tous fonctionnaires Comme au temps des rois.
Je me demande qui est le roi, Qui est la reine, Et si j’ai une chance moi aussi.
Entre chiens, salauds et fils de pute, Mon bulletin d’élection Ne me parle plus.
Je me demande qui est sur le trône, Avec qui il baise Et quel est cet enfant Qui nous fera chier Comme ses parents Quand on sera grand.
* Et si j’allais danser Avec les papillons Et les fraises des bois Au lieu d’aller voter ?
Moi je trouve qu’on est bien En France. Je ne veux plus sortir de chez moi Pour aller voter.
Et pour ne pas être seul Je deviendrai schizo, A Frênes ou en Enfer Si c’est ça qui fait deux.
Et si j’allais chanter Avec les grillons dans l’herbe Qui va si bien à mon teint Et à mes petites ordures ?
On est bien dans ce pays ! Suffit de pas en parler Si des fois on est mal luné Les jours de contentieux.
J’irai danser et chanter Autant qu’il me plaira Et je ne verrai plus personne Dans les arbres de mon jardin.
* Avec une médaille dans le cul Et le renfort de la sécu, Ils ont pas l’air de s’ennuyer, Nos putains de retraités.
J’en ai un dans mon jardin. Avant, il était en céramique blanche. Maintenant, grâce à l’État, Il a pris les couleurs de la vie.
C’est comme au cinéma français. Ça tranche de vie à deux ou trois. Il est pas seul, mon retraité. Il m’a moi et mes miens.
Je le peinturlur’ bien moi aussi Avec les sous du gouvernement. Je veux bien êt’ républicain, Mais faut pas m’prendr’ pour un crétin.
J’en veux bien deux si c’est possible. C’est qu’il faut pas que ça s’ennuie. Sinon ça redevient malade Et ça s’absente rien qu’pour des riens.
Vous m’en mettrez deux ou trois autres. Ça f’ra la paire et même deux. Pendant ce temps ma femme et moi On ira au bord de la mer…
On ira au bord de la mer Pour voir les poissons et les moules. Ça nous chang’ra des retraités Et même aussi de not’ jardin.
* La terre est à tout le monde. Laissez-les voyager. Quelques-uns ne s’arrêteront pas Et ce seront les plus inoubliables.
* Que ceux qui sont partis la fleur au fusil Crèvent ! Et qu’ils foutent la paix aux autres Si jamais ils reviennent !
Est-il juste de saluer un drapeau ? Est-il normal de se dresser fier Devant un monument aux morts ? Est-il humain de souhaiter la mort de son ennemi ?
Et je ne crache pas que sur vos tombes. Je crache d’abord sur vos œuvres. Que ma salive vous pourrisse l’existence !
Je n’irai pas à l’école de la république. Je ne défendrai pas la veuve et l’orphelin. Je ne me coucherai pas Aux pieds de vos statues.
La vraie vie est ailleurs, dit-il. Mais je me demande bien où ! Je crache aussi sur les poètes Qui me racontent des salades.
* C’est facile d’être anarchiste Quand on est payé par l’État. Facile d’écrire des chansons Et de prétendre qu’il s’agit De poèmes…
Les milliardaires et les petits bourgeois Sont faits pour vivre ensemble. Qu’est-ce que je fous Si je ne fous rien, Papa… ?
J’en connais un Qui a fait le tour du monde Rien qu’avec son salaire Et celui de sa femme, Salaire…
Voici les plages d’or fin Où jamais je n’irai me dorer La pilule…
J’irai plutôt tremper l’acier De ma triste volonté Dans les idées les plus folles, Folie…
Notre père qui êtes aussi, Soyez-y Et n’oubliez pas vos petits bourgeois, Vos profs, vos flics, vos boutiquiers, La France…
N’oubliez pas mes petits souliers De terroriste heureux de l’être Faute d’avoir le pied marrant En société…
* C’est que je ne comprends pas Ma haine… Je ne comprends pas pourquoi Il est nécessaire de vous haïr.
Le monde appartient à tout le monde Sauf à moi… Je ne sais pas posséder Et pourtant je travaille Et j’aime tellement Que je me reproduis.
Cet enfant est le mien. Vous finirez par le haïr Comme je vous hais.
* Martenot n’a rien à voir avec les ondes Du même nom. D’ailleurs il ne joue pas Et refuse d’être joué.
C’est mon voisin le plus futé. Il se suicide tous les jours Et Dieu ne fait rien Pour que ça change.
Et ça se passe sous ma fenêtre Comme si c’était moi, Sa voisine de palier, Qu’il hait à la place des autres.
Vierge Marie, grosse pute, Prête-moi le fruit de tes entrailles Pour que j’en mette dans le ragoût De ce salaud qui me pourrit la vie.
Si Dieu le veut — mais il ne voudra pas — On aura toi et moi La même peine à accomplir Au nom de la Loi et des hommes.
* Putain de Jésus en sucre ! Le voilà qui revient A la mode. J’en ai trouvé un Dans ma chaussette. Ça m’apprendra à aimer Dieu Comme le père Noël.
* Bougez vous ! au lieu de pleurer Dans les plis de votre drapeau Qui est aussi le mien Mais j’ai pas fait exprès De tomber du nid.
Vous ne m’entendrez pas Chanter la Marseillaise. Je ferai LA LA LA Sans filer à l’anglaise.
Les assassins tirent sur les habitants Des quartiers chics de Paris. Les flics tirent dans les rues Pourries de Saint-Denis. Chacun sa peau de balle.
Après tout la musique De Berlioz et sa clique C’est pas si mal que ça Surtout si LA LA LA !
On vit bien mais les autres ? La liberté est cannibale. On sait ça depuis toujours. On ne mange pas de l’homme Sans s’empoisonner l’existence.
LA LA LA ! et du sang Pour sauver ce qui reste Des racin’s et des ans. Pour ça on a la veste !
Le monde s’améliore. Le fascisme est l’idéal des pauvres. Faut être riche Pour rêver de démocratie Sous la houlett’ des parlements.
Allons enfants c’est pas fini ! Encore un effort et la Terre Ressemblera à vos Paris Avec des flics et des poètes.
La prochain’ fois je salue pas ! Et si c’était pas le bon drapeau ? Essayez de chier dedans Avant de vous faire une idée De ce qui nous attend.
Tuons et abreuvons ! Vive l’oxymoron, La charrue et les cons ! Bravons, décervelons !
Mais il faut se résigner. Les pauvres sont les soldats des riches. Et les riches ne vont pas à la guerre. Ils la font.
Je ne tuerai pas le taureau ! Je ne tuerai rien de vivant ! Je veux bien sacrifier les morts Sur l’hôtel de nos monuments !
Mais ne m’en demandez pas plus. J’ai pas la force, pas le pognon. Démerdez-vous si ça vous plaît Et si ça vous plaît pas Changez d’trottoir. Je suis l’éboueur.
* Moi j’aime bien la musique de la Marseillaise. Surtout pour beurrer mes tartines le matin. Mais heureusement que je connais pas les paroles ! Sinon qu’est-ce que je me ferais dénoncer Pour incitation à la violence !
Le drapeau tricolore, que voulez-vous, C’est pour moi le drapeau du Front national. Et puis c’est trop voyant pour ma façade, Un vieux mur qui a besoin de fraternité. Tout ça à cause de l’inégalité Provoquée par la pratique du copinage.
Bon, le deuil, la douleur, je dis pas non, Mais à condition que ce soit pas un « hommage » ! Je m’associe à la douleur des familles, des amis. Mais pour ce qui est d’apprécier les décorations, J’ai mon idée qui n’est pas celle du Président. Qui qu’a dit que j’ai pas droit ?
Ya aussi la guerre que je veux pas faire. Je m’en fous que c’est pas moi qui pilote ! Avec le prix d’un missile ou même d’une pétarade, Je monte une asso et je deviens présidente ! Faudrait voir à pas se foutre de ma gueule, Mesdames, messieurs les parlementeurs !
Et puis j’croirais à la parole d’un flic Quand elle sera soumise à l’intelligence d’un juge. Et encore… ya juge et juge dans ce pays Où la liberté est soumise aux intérêts de l’État Et de ses actionnaires, sacré bordel de Dieu ! Et que tu sois Jésus, Mahomet ou Yahvé !
Sur ce, les amis, je vous salue bien bas. J’ai des chats à fouetter et ça leur déplaît pas.
* Manquerait plus qu’ils nous assassinent aussi Dans les banlieues et en marge de la société ! Alors là que oui que la jeunesse foutrait le camp ! Parce que c’est la mienne ! Et que j’y tiens Comme d’autres tiennent à leurs concerts Et aux joujoux de la politique culturelle !
Non mais !
*
Histoire de la femme en poésie (elle se penche)
Qu’est-ce qu’ils font ? Ils améliorent la doctrine fasciste. La poésie devient chanson. La terre porte un drapeau. L’ordre assure le pouvoir. Voilà ce qu’ils font. Et moi, qu’est-ce que je fais ? Qu’est-ce que je peux faire ? Voter comme aboient les chiens ? Travailler, repeupler, combattre ? La seule chose que je sais faire, C’est travailler — et encore Je travaille à ma manière. Je sais baiser aussi, mais l’enfant Je ne l’ai pas fait exprès. La prochaine fois, je ferai gaffe. Et si vous pensez m’utiliser Dans un combat contre l’ennemi De la patrie, épargnez-moi Le meurtre de mon prochain. Sinon, je ne fais rien de mal. Je vis pour exister encore un peu. J’aime la nature, les hommes Et tout ce qui respire ici-bas. Je ne sais pas pour vous mais moi Ça m’occupe toute la journée. Et la nuit je cauchemarde A cause de votre télévision Et de vos ministres fils de pute. Ces viols de ma chair Et de ma conscience nuisent A mon sommeil de bonne femme. Je réveille mon enfant Et il crie lui aussi. Il crie parce que je lui fais peur. Mais comment lui expliquer Que c’est votre peur Qui nous empêche de dormir ?
(on entend la mer)
Je ne me sens pas seule pourtant. Oh ce n’est pas l’enfant. C’est tout le monde et la mer Que nous avons atteinte Pour en jouir avant de mourir. Nous n’y reviendrons pas. Une dernière fois la mer.
(elle pleure longtemps)
Le premier barreau était trop haut. J’ai simplement levé la tête Pour mesurer la différence. On n’a pas tous la même chance. Il faut hériter ou gagner. Qu’est-ce qu’on devient Quand on n’est pas héritier Ni conquérant, ni veinard ? Ni… fâcheux si je puis dire.
(elle sent la brise sur son visage)
Après le voyage à la montagne, On nous a proposé la mer Et des vagues à la place de la neige. L’eau, toujours l’eau pour commencer Et finir en beauté. Maman me le disait en chantant. Papa le disait aussi en fumant. Je n’ai pas compris à quel point On ne fait jamais ce qu’on veut.
(elle ramasse un coquillage)
Voici la première nuit de l’été. La première au bord de la mer. L’enfant dort à poings fermés. Je n’ai pas encore crié. Il faudra que je dorme. Mais je me tiens éveillée Pour ne pas céder au rêve. On ne sait jamais ce qu’il réserve Au lendemain et aux autres. Je serai là en maillot de bain, La peau dorée par le soleil, Humant l’écume comme une bête Qui ne voit pas plus loin Que le bout de son nez. C’est là toute mon attente. Je n’ai jamais su attendre autrement. Mais cette nuit je ne rêverai pas. J’atteindrai cette roche Au milieu de la mer, battue Par les vagues noires et blanches, Sans oiseaux pour crier, Sans l’enfant pour jouer. J’irai nager dans cette obscurité.
(elle réprime un frisson)
Je tente l’impossible. C’est dans ma nouvelle nature. Je l’ai compris à la montagne. Le vent s’en prenait à mon visage. Mon regard se troublait. Je ne savais plus si c’était la nuit Ou si le jour venait de commencer, Mais j’étais seule au bord du vide Et j’ai compris que l’existence Consiste à ne pas exister avec vous. Existe-t-il un autre monde ?
(elle jette le coquillage dans la mer)
Coquille vide de la poésie. S’il s’agit de faire la guerre A ceux qui ne comprennent pas Que je ne suis rien dans ce monde, Alors que mon enfant meure Sur le champ, et vite, sans souffrance, Cette nuit, et tant pis pour le rêve !
(elle laisse s’envoler son écharpe)
Nous n’avons jamais été que deux. On nous a offert de tristes vacances Dans le cadre d’un programme destiné A nous rendre heureux malgré nous. Voilà ce qui peut passer par la tête D’un ministre qui fait de vieux os A l’abri des besoins les plus simples. Cette nuit j’irai toute nue vers cette roche. J’ai toujours été fascinée par la pierre. Celle-ci traverse l’eau verticalement. J’irai gravir ses flancs moussus. Mais l’eau ne me laissera pas tranquille.
(elle s’agenouille, sa robe se mouille. on entend mieux le bruit des vagues qui finissent dans ses pieds)
Mais pourquoi tuer l’enfant ? Me direz-vous, ô mes juges. Pourquoi ne pas le laisser vivre Et croître avec les autres De son espèce, pourquoi, Luce ? Vous pensez que je ne saurai pas Répondre à cette question idiote. Mais j’ai toujours su qu’il était l’enfant De mon désespoir et de ma hâte. Je crois d’ailleurs qu’il est mort Le jour où j’ai commencé à l’aimer. Il n’y a pas de poésie plus sincère Que ce cri demandant à rêver Pour ne plus se sentir seul Parmi les cadavres futurs.
(elle ôte sa robe, la voilà nue)
Maintenant que vous savez tout, Je plonge pour ne plus revenir. Je m’arrêterai sur cette roche Pour prendre la mesure de ma folie. Me voilà vidée de toute honte Et de toute haine, de tout amour. Je n’ai jamais conçu l’amour Autrement — haine et honte D’avoir franchi le cap de la jeunesse Dans l’espoir de retrouver la trace Laissée par les idéaux — folie !
(elle entre dans l’eau jusqu’à la taille)
Quelle peur fait de moi une femme ? Ai-je bien tué mon enfant Ou l’ai-je seulement rêvé ? Il ne faut pas se retourner ! La roche est mon seul spectacle Maintenant, là bas, environnée De blanches vagues à l’écume noire. J’ai encore rêvé de reculer, Car il m’a semblé que je me trompais. Mais l’eau me communique sa magie. Dans quelle matière entrons-nous Si elle n’est pas liquide à l’instar De l’eau qui nous encercle ? Si j’ai tué mon enfant je l’ai noyé. Pourtant j’ai rêvé de l’étouffer là, Contre mon sein, tout près du cœur. Il n’y a rien comme le cœur Pour adoucir la douleur. Rien comme ce battement Qui marque le temps mieux Que l’horloge de nos savants.
(maintenant l’eau arrive sous son menton. elle ne nage pas encore)
Une fois j’ai traversé la rivière De mon enfance, à gué la rivière De l’enfant que je n’ai pas su rester. De l’autre côté, on riait et le pommier Etait secoué par de solides garçons. J’en avais la chatte tout excitée. Je m’en souviens comme si c’était hier. Personne ne m’avait tuée ni songé A le faire — pourtant la guerre Sillonnait nos champs, tuait nos bêtes. Ma chatte réclamait sa part de bonheur Et pourtant, je n’étais qu’une enfant. Je m’en souviens comme si je mentais A propos de ce que je vis en ce moment. Ma chatte mouillée et toutes ces queues Qui frémissaient à la pensée d’une victoire Sur le destin — pauvres que nous étions !
(elle commence à nager. elle se plaint)
L’eau est froide tout à coup ! On ne sait jamais avec ces courants. Les uns vous réchauffent comme l’amour, Les autres vous glacent comme la mort. La voilà bien la mer dont je rêvais ! Et je n’étais déjà plus une enfant. La chatte moins attentive à l’effort Nécessaire de la part du baiseur. Voilà à quoi je pense tout en nageant ! Je ne sens plus ma chatte ni mes seins. L’eau est noire, muette comme le mensonge, Enorme, douce à la fois, menaçante. Elle est tout ce que je tente de fuir Dans l’attente de rencontrer la roche. Du coup le ciel a disparu, la nuit Ne l’éclaire plus, le clapotis me prive De toute perspective, signe avant-coureur De la noyade ou je me trompe. Je ne sais même plus où je suis, Où est la roche, si je m’éloigne, Si je suis emportée, si c’est le vent Ou la seule force de l’eau, de la mer. Gardons-nous de ne pas mourir Avant d’avoir joui des effets de la roche Sur notre esprit en proie à l’angoisse. Le coquillage y est vivant, le crustacé Y dort, êtres de l’ombre et des surfaces Qui affleurent le ciel et ses signaux. Je sens que je vais devenir obscure. Telle est l’excuse de la poésie Aux paresseux qui cherchent des accords Pour accompagner leur ignorance Du phénomène — voyez comme je nage Sans effort maintenant que je suis morte !
(elle flotte sur le dos)
Il n’y a rien comme la solitude Et la nuit pour vous emporter A l’horizon le plus proche de vous-même. Mes seins hors de l’eau ont froid. L’eau clapote entre mes cuisses Et je me souviens que je suis chatte Aussi bien qu’esprit en phase Avec le monde et ses habitants — poésie De la tentation, mon amie, et non pas De l’intention comme tu le croyais Tout à l’heure en te jetant à l’eau. J’ai besoin d’une bite pour en rire. Mais le ciel s’obscurcit, il va pleuvoir. La brise se rafraîchit, l’eau s’agite, Monte, me couvre, me retourne, M’aplatit contre la roche, je glisse. Mes mains ne peuvent rien saisir.
(elle pousse un cri affreux)
Ce n’est pas moi, ça ! Poésie ! Je ne me ressemble plus, Moi ! J’ai l’air d’un chiffon dans le lavoir. L’eau forme des bulles blanches. Le sel, je ne l’avais pas senti jusque-là. Il me donnera soif, terriblement soif. Il faut que je trouve une aspérité. Mais ce ne peut être qu’une rencontre. La poésie me l’a enseigné ! Mais voyons, Je ne suis pas en train d’écrire ! J’ai décidé de mourir parce que ma vie N’entre plus dans mon existence Comme la queue dans la chatte. O que ma langue est ordinaire ! Est-ce ainsi chaque fois qu’on meurt ? La langue ne se fait plus belle. Elle revient à sa nature de lien Entre les inventeurs de sa croissance. Mais comment parler de ce désir D’être tronchée par une belle bite ? Est-ce que Racine nous en dit un mot Plus haut que l’autre ? — poésie, Je ne veux pas mourir sans le dire.
(elle se débat, arrache des algues forme l’écume)
Puis-je me laisser emporter Par je ne sais quelle force liquide, Peut-être la trace d’une baleine Ou le vent qui descend sur moi Pour m’empêcher de parler aux morts ?
(elle se calme lentement, retrouve sa respiration. une de ses mains accroche une aspérité rocheuse)
Sauvée ! Pour l’instant, car Je n’ai pas renoncé à mourir. Comme Pétrone je mesure Cette distance sans retour possible. Mais le temps ne s’arrête jamais. Alors pourquoi grimper sur ce rocher, Ce vulgaire rocher qui a toujours été là Et qui survivra à ce que j’appelle poésie ? Je hisse mon corps blessé, sanglant. Je me plie aux contraintes que la forme Du rocher impose à mes membres. Puis ma tête se repose et réfléchit. Je suis étendue, la chatte en l’air, Face à la nuit et à la pluie. Pourquoi ne pas ramener sur le rivage Cette effusion de sensations, de pensées ? Pourquoi ne pas redonner vie A l’enfant que j’ai laissé aux soins Du croquemort et de la justice ?
(elle s’assoit, instable sur la roche)
Je n’avais pas été si loin dans la montagne. Peut-être à cause du froid qui me paralysait. Ce n’est plus le même froid, celui De la mer et de la poésie qui m’emporte. Ici, pas de douleur à l’intérieur, Pas de douleur prenant racine au fond de moi. C’est une douleur de surface, un frisson De sang et de sueur, une contraction Nécessaire à l’équilibre sans quoi Je tombe à l’eau et cette fois je me noie. J’attendrai la pointe du jour, qu’elle s’enfonce Dans ce qui me reste de jugeote. On me verra peut-être depuis le rivage. A moins que je ne sois poisson. Qui s’étonne de voir le poisson dans l’eau A une heure aussi matinale ? Personne. Mais la femme nue et sanglante sur un rocher ? Qui ne vient pas à son secours pour la baiser ? Mon enfant n’est peut-être pas mort. Je n’ai pas serré son cou assez longtemps. Je ne me souviens pas d’avoir attendu Qu’il cesse de respirer, sa langue sur mon téton Et ses petits pieds sur mon ventre, battant.
(elle tente de se mettre debout)
Il faut que j’y retourne. Je dois l’achever si ce n’est déjà fait. On ne me surprendra pas à cette heure. Je vois le rivage d’ici — à moins Que ce soit l’horizon — attention A revenir ! L’horizon est trompeur Quand on ne l’a jamais atteint. Je vais trop vite en besogne. Je finirai par me le reprocher Et toute cette histoire fondra Comme le sel dans l’eau.
(elle plonge, s’embrouille au fond de l’eau ne remonte pas)
Mais je ne suis pas un cristal soluble. Je marche à l’envers ou c’est du sable Que ma tête rencontre dans le noir Et la tranquille agitation des profondeurs ? Ma bouche s’est fermée et ne veut plus s’ouvrir. Mes narines ne font pas autre chose. Je ne veux pas mourir comme ça, Par accident. Je ne veux pas mourir Si mon enfant est encore en vie. Il faut que je trouve cette force. Revenir au rivage, me raisonner, Saisir le cou de l’enfant, le serrer Cette fois avec toute la conviction Que ma propre mort m’inspire. Mais je suis sous l’eau avec les poissons. Je serai morte quand je me mettrai A flotter comme un matelas, moi ! Qui n’ai vécu que pour le dire.
(elle ouvre enfin la bouche)
Aucune douleur… je ne rêve pas. L’enfant est vivant ou il est mort. Je ne le saurai jamais, je n’en parlerai A personne et je l’oublierai Par la force des choses — les choses Qui ont peuplé mon existence de guignarde. Pas de souffrance… on dirait Que mon corps s’apprête à flotter. J’aurais bientôt la tête hors de l’eau, Mais pour ce qui est de respirer, tintin ! On m’oubliera, même l’enfant S’il n’est pas mort, mais il mourra. Ce sera ma seule idée de la Justice : Tout le monde meurt, personne ne survit Assez longtemps pour épater la science. Après la connaissance, le néant. Et rien après le néant parce que le néant C’est l’après — et non pas le futur.
(un dernier spasme la secoue)
Cette fois je crois bien que c’est fini. Le soleil revient sous la pluie. Comme ces gouttes me rassemblent ! Je ne suis plus moi, je n’ai jamais eu d’enfant, Ma chatte n’a jamais existé, ni l’homme, Ni même la poésie. Je suis ce que je ne suis pas.
……………………………………………………………………. A l’hôtel, on sort discrètement le corps de l’enfant et on l’enfourne dans une ambulance. Et sur le rivage, on utilise des jumelles pour examiner la surface de l’eau. Il ne se passe jamais rien d’autre. Et pourtant, tout recommence. Il n’y a pas d’origine et pas de fin. Il n’y a qu’un théâtre et des comédiens. Et personne dans la salle.
LUCE Un jour avant de se jeter à l’eau… de ce poème.
*
Que se passe-t-il ? On n’entend plus les poètes. Est-ce qu’ils sont morts ? N’ont-ils plus de voix ? Les fils sont-ils coupés ? La poésie est-elle condamnée Au chant de guerre ?
Je demande à la philosophie De m’expliquer le phénomène Et non pas de se taire Pour éviter les balles Et les jugements En correctionnelle.
Poètes qui chantiez la paix ! La guerre déclarée Vous a-t-elle privés de langue ? Il est vrai que la conviction Est l’apanage des superstitieux. Que dis-je ? Des profiteurs Quand le temps est au beau Et des précautionneux Quand la subvention Et la reconnaissance Tiennent à un bombardier En mission assassine.
Poètes vous chanterez la mort. Vous la couvrirez d’un drapeau Aussi moche qu’immature. Et vous paraîtrez à la fenêtre De vos tombeaux en forme de hochet.
Le prophète a raison. Vous êtes des menteurs. Des décorateurs, des adulateurs, Des délateurs, lâches, vendus. Vos rimes sont des rimes Comme un sou est un sou.
*
Ne volez pas ma bicyclette ! Sans elle plus de tour de France. Et sans la Franc’, plus de poète Pour abreuver sillons et panses.
Ce deux roues c’est toute ma vie. Je pédale pour fair’ des rimes. Sans rimes ya plus d’ poésie ! Sans elle je suis anonyme.
Le cul sur la selle en vadrouille, J’ai l’ambition municipale. Je suis le roi de la pédale. Voilà comment je me débrouille.
Je veux des livres en papier ! Et un guidon avec des freins. Faut se lever tôt le matin Pour rimer même avec les pieds.
Ne touchez pas à mon vélo ! Me piquez pas la dynamo ! Je vous éclairerai d’en haut Avec des quatrains comme il faut.
J’ai hérité de cett’ bécane ! Je l’ai pas volée en votant Pour les dieux du gouvernement. Je veux mon vélo pas votre âne !
La poésie des intellos C’est du crottin sur le pavé. Moi je sais faire du vélo. On peut êt’ con mais pas rêver.
Ne crevez pas mes pneumatiques ! Jamais je fais de politique. Je me soumets à la critique Sans sombrer dans l’anecdotique.
Me reprochez pas mes patins. Quand ça glisse je collabore. Je suis le roi du coup de frein Et l’ami des feux tricolores.
Encore un petit tour de France Sur mon vélo municipal ! Et d’atelier en renaissance Je vous apprends le principal.
Ne l’niez pas, je suis utile ! Je me médaille avant qu’il soit Trop tard pour devenir le roi D’une glorieuse automobile.
Vous verrez comme quatre pneus, Autrement dit deux bicyclettes, Ça rend les gens un peu moins bêtes Et les voleurs plus malheureux.
Allons zenfants de la patrie Le jour est enfin arrivé ! On va par deux pouvoir s’aimer Sans tomber dans la psychiatrie !
Et j’dis pas ça pour les cyclistes Qui n’ont qu’un’ roue dessous les fesses. Je parle au peuple et à ses messes. Voter c’est con mais on résiste.
Sur ce je vous quitte en chanson Sinon je redeviens obscur. Si le poème est trop abscons Ben ma foi adieu les chaussures !
* Api beursedé Manu ! Api beursedé tou you. Api beursedé mon ami. Api beursedé et des poussières.
Je suis venu te dire Que je suis patriote. Comm’ j’ai pas les chocottes J’te propose mon martyre.
Je me mettrai un’ bombe A la place des méninges. Tu repass’ras mon linge Avant d’m’ mett’ dans la tombe.
Api beursedé Manu ! Api beursedé tou you. Api beursedé mon ami. Api beursedé et des poussières.
Pour la creuser tu pioches Dans l’programme’ des promesses. Sinon gare à tes fesses ! Dieu est un mauvais mioche.
Un’ fois que j’s’rai dedans N’oublie pas pour ta gloire Mon devoir de mémoire Et mes pot’s claquedents.
Api beursedé Manu ! Api beursedé tou you. Api beursedé mon ami. Api beursedé et des poussières.
Si l’or de mes ratiches Peut servir la nation, Arrache sans pourliche Jusque dedans le fion.
Ah de la class’ j’ai pas La moyenne qu’il faut, Mais vu d’ici en bas Mêm’ le vrai a l’air faux.
Api beursedé Manu ! Api beursedé tou you. Api beursedé mon ami. Api beursedé et des poussières.
* Ah je me sens libre comme l’air ! Et pas peu fière de l’être. Même que je me crois croâ croâ L’égale des saints de la Nation. Mais être la sœur de Manuel Valls, De Sarkozy et de Johnny Halliday… Ah si c’est la Loi vous m’en demandez trop ! Je préfère me condamner tout de suite Au bannissement du banc social Plutôt que de partager quelque chose D’aussi précieux que ma personne Avec ces tumeurs républicaines Montées comme des girouettes Sur les clochers de nos églises Pour me donner du mal au crâne. Que je sois libre ça vous regarde pas. Et que je sois égale ou pas, C’est l’affaire de ma curiosité. Mais fricoter avec les donneurs De leçons et de spectacles, Ah ça non je suis pas charlie ! Plutôt avaler un David Bowie. Mais juste parce que je comprends pas Ce que ce pitre de la hanche et de l’œil Prétend communiquer à mes neurones. Et je parle pas du monticule Renaud Qui veut s’énerver avec la foule Encore un peu avant de s’y remettre. Vive la liberté et l’égalité ! Après tout j’en fais ce que je veux. Mais la fraternité avec des singes, Ça me fait remonter trop loin Et je sais plus comment on faisait Quand c’était juste singer qu’il fallait Pour se servir des autres et même des cons. J’ai oublié ce temps-là, turlututu ! Je suis toute neuve et ça brille pas. La liberté nous rend marteaux Et l’égalité nous enferme entre quatre murs. Ça suffit bien pour continuer De vivre en essayant de se faire aimer Par ceux qu’on a vraiment croisés Sans être obligé de loucher Sur l’identitié et le droit d’exister. Je ne suis la sœur de personne. Chacun pour soi et Dieu pour tous, M’a-t-on enseigné à l’école. J’ai retenu la leçon et ce sera la seule. Ça me rend libre de penser à autre chose. C’est comme ça que je me sens égale Et même quelquefois supérieure. Citoyenne je veux ! Mais pas sœur ! Que la liberté soit avec vous Et l’égalité avec votre esprit. Je ne suis la sœur de personne.
* Grikiki revenait de la guerre Contre des inconnus nés ailleurs. Il ramenait une blessure, De la peur et aussi de la haine.
De quoi vous plaignez-vous ? Dit le citoyen qui n’était pas allé, Qui n’était même allé nulle part Pour rester chez lui avec les siens.
De quoi ? Mais de ne plus être Moi-même ni le fils de mon père ! S’écria Grikiki en montrant Sa blessure, la peur et aussi la haine.
Ce n’est rien, dit le citoyen, qu’un peu De chair, de feu et aussi de haine. N’en ai-je pas moi aussi à revendre De ces produits venus des Colonies ? Vous feriez bien de vous remettre Au travail comme les autres, ceux Qui ont été et ceux qui ne sont plus. C’est comme ça qu’on devient président. Vous ne voulez pas devenir vous aussi Président de la République ? Ne me dites pas le contraire ! Tout le monde rêve ensemble. On ne rêve plus tout seul dans son lit. Ça ne se fait plus, dans l’urgence. Laissez faire ceux qui savent pourquoi Les uns ont tort et les autres raison. Ne pensez plus à vos blessures, Ni à la peur qui n’existe pas ici. Même Renaud ne craint de crever D’une balle en plein dans les tripes. Faites comme lui, mentez-vous A vous-même et devant les autres. Faites comme si la haine n’en était pas. Et servez-vous-en, nom de Dieu !
Garde à vous ! Au trot ! Et en avant ! Ce n’est pas fini ! Ça commence ! Pour qui vous prenez-vous, mauvais Sujet, enfant ingrat, fils de personne ? La patrie va vous montrer comment On l’aime quand on s’est battu pour elle. Nous on sait déjà se faire enculer. On est resté ici pour ça, monsieur Le vétéran, oiseau de malheur, SDF ! Ce n’est pas vous qui allez nous apprendre ! Couchez-vous là où on vous dit. Un fonctionnaire va vous prendre En charge. Et gare à la rébellion ! On sait aussi les mater, ceux qui ont Déjà servi ! Tenez-vous-le pour dit ! Et c’est signé : Le Président, ses ministres Et le Parlement au complet. Dehors !
* Il n’y a pas de pays qui tienne. La preuve je ne marche pas Sur cette terre d’électeurs. Je choisis de rêver que je rêve.
Il n’y a pas de pays qui tienne. Tout s’écroule autour de moi, Les rêves d’enfants, les vacances, Et les promenades avec toi.
Il n’y a pas de pays qui tienne. On a trop besoin de chefs. Et à la fin il faut se battre Alors qu’on était venu pour autre chose.
Il n’y a pas de pays qui tienne. Le seul bonheur est une défaite. Une guerre sans solution de fin. Et des morts dans la maison voisine.
Il n’y a pas de pays qui tienne. Les serviteurs sont des salauds Sinon ils ne serviraient pas. Beaux salauds, faux anarchistes.
Il n’y a pas de pays qui tienne. J’étudierai la poésie, la seule. Mais sans la rime des vendus Qui chant’ au lieu d’écrire vrai.
Il n’y a pas de pays qui tienne. Je ne suis de nulle part, je migre. Je fuis, je ne rêve plus, je pars ! Je peux aussi crever d’attendre.
Il n’y a pas de pays qui tienne. Les hommes sont des animaux Qui se nourrissent d’eux-mêmes. Il n’y a rien de patriotique là-dedans.
Il n’y a pas de pays qui tienne. La femme ferait mieux d’arrêter De servir la patrie et de la nourrir. Les hommes sont des chiens aux abois.
* Vous ne connaissez pas Mystère… Pourtant Mystère est dans la rue. Vous ne pouvez pas ne pas Marcher sur sa tronche en rondelles.
Quand je pens’ que je l’ai épousé. Devant le Maire et le Curé. Quand je pens’ que je suis sa tartine. Cul beurré du soir au matin.
Heureus’ment qu’y bande plus ! Manqu’rait plus qu’on lui fasse un gosse A la Patrie qu’est en danger ! Ça en f’rait deux mais l’aut’ est mort.
Alors comm’ça Richepin, Tes gueux vont à la guerre ? C’est PC qui m’a dit. J’en reviens pas non plus.
Mais Mystère il ira pas. Il ira pas sans moi se fair’ tuer. On est les frangins de personne. On n’a pas trinqué mais on trinque.
Pourvu que je crève avant lui ! Ah je m’vois pas le brancarder Jusqu’à la morgu’, même en auto. Quand je s’rai morte, ô Français libres,
Consommateurs égalitaires, Dit’ à Mystère qu’il en est pas. J’ai toujours su ce qu’il était Et qu’il sera après ma mort.
Les bit’ que ça bande ou qu’ça casse C’est dans l’drapeau que ça s’essuie. Et comm’ j’en ai un dans le con Ben ma foi on est patriote.
Mystère et moi c’est du tout cuit. Pas la peine de bosser la nuit. Rich’pin nous envoie à la guerre Et on revient le cul vernis.
* Un jour j’irai en Palestine Pour voir des Juifs et des Arabes. Je me prendrai pour Jean Genêt Avec un chapeau sur la tête Et une plume dans le cul.
Un jour j’irai dans la savane Pour flirter avec des sauvages. J’aurais la tête de Camus, Avec dans la poche un visa De la part de tous les Français.
Un jour enfin je voyag’rai Au bout du monde avec mon cul. Je le mettrai où ça me chante, Mais sans chapeau et sans visa. Je ne serais jamais poète.
* Non je savais pas… Je suis pas née pour savoir. J’ai choisi de jouer A la baballe avec le temps.
Non je le vois pas passer… Je ferme et j’ouvre ma fenêtre. Il y a si longtemps Que je suis pas sortie…
Non je veux pas… Je veux rien si c’est bien Et je veux penser si c’est mal. J’écris pour ne pas écrire.
Non ce n’est pas dur… Les oiseaux ont des ailes Et les poules des dents. Je suis faite pour ça.
Non je ne suis pas seule… Je souffle sur les pages Pour donner à la poussière Une raison d’exister.
* Qui n’a pas rêvé De tout recommencer ? Quel abruti n’a pas pensé A laisser tomber le jour Et la nuit et tout ce qui pèse ? N’est-ce pas la meilleure Façon de tuer l’ennemi ? Alors c’est oui ou c’est non ? Demande le livre ouvert Sur le malheur et la bataille. Il faut être un sale gosse Pour accepter de commencer. Mais qui n’a pas peur de l’autre ? Qui possède le secret D’un autre monde ? Une injection vite fait. Un film bien fait. Un vote mal fait. Le lit, la machine, la bite. Et à l’âge d’être soi-même On devient soldat, pute, Fonctionnaire, curé, rabbin, Député, pauvre con d’ouvrier. Comment lui en parler Sans passer pour un cas ? J’en ai déjà trop fait. Bien, mal, vite et même sans. Qui n’a pas rêvé De tout recommencer ? Ne rien payer, voler, tuer. Ne pas aller, ne pas rester. Et tu voudrais que je t’écrive Une lettre d’amour, pour voir… Mais voir quoi, pauvre con ! Tu ne sais pas qui est l’enfant.
* Livres des bibliothèques, Labyrinthes des bonnes familles, Chronologies, mythologies, épopées… J’en ai vu de toutes les couleurs Depuis qu’Aristote m’encule.
Quelle est ma ville ? De quel pays ma langue ? Histoires, lectures, écrits. J’en ai vu de toutes les couleurs Depuis qu’Aristote m’encule.
Je ne suis pas un personnage. Je ne sais pas jouer avec la peau. Quels sont ces lieux imaginaires ? J’en ai vu de toutes les couleurs Depuis qu’Aristote m’encule.
Comme la bourgeoisie s’amuse Dans les universités, les parlements ! Et le peuple applaudit aux vitrines Sur les trottoirs de l’avancement, Du progrès, du futur en somme.
J’en ai vu de toutes les couleurs Depuis qu’Aristote m’encule. Et pourtant je ne suis pas née. Personne ne m’a encore inventée. Pas même toi, ô mon amour.
* Je me demande sérieusement Si je ne vais pas aller à la guerre. Mais comme je ne sais pas piloter un avion, Je n’y vais pas. C’est la seule raison, Sinon j’irais. La fleur au fusil Ou à autre chose Si c’est avec autre chose Qu’on fait la guerre Quand il y en a une. Je saurais la reconnaître Sans compter les cadavres. Pas besoin de télé Pour apprécier la mort A sa juste valeur. Ah j’ai vraiment envie d’y aller ! Tant pis pour l’avion. Je ne le prendrai pas à Paris. J’irai dans le désert Avec la fleur dans la tête Si c’est là que ça pousse Les fleurs des tombes, Des charniers de l’Histoire. Vous ne me laissez pas Le choix, ô mes compatriotes. Tant pis pour vous, j’y vais ! Tout seul il le faut bien. Avec un couteau dans la poche Si c’est là qu’il faut les tuer Ceux que je n’connais pas, Ceux que j’aime déjà Et qui poussent tous seuls Ou sans explication. Si jamais je reviens, Je vous raconterai. Ah c’que je suis pressé D’revenir à Paris Pour vous raconter ça !
* « On n’est pas tout le temps égaux, Malgré ce qui nous constitue. Ça m’ferait chier d’être l’égal De Gratougnac qu’est un ripou ! Je veux bien être l’égal De ceux qui m’égalent Ou que j’égale en m’efforçant. Mais pas d’Gratougnac le flicard ! Ah merde et puis je m’en veux pas De pas aimer les argousins. Y sont trop cons et tous pourris. C’est du terreau pour les tyrans ! Tsoin ! Tsoin ! »
Gratougnac juste passait là Quand il entendit ce discours. (C’est nous qu’on chantait en buvant) Mais comme il avait oublié De boire un coup avant d’y aller, Il s’en est pris à un pov’chien Qui venait just’ d’être au chômage. « Ça fait du bien de s’défouler Pour la Justice et le Travail ! » Entonna-t-il une fois mort Ou presque le clébard sans taf.
On n’est pas sorti du bistrot. On sort plus, on attend qu’ça passe. On critique, on se laisse aller. On sait bien qu’c’est toujours les mêmes Qui couch’ dehors et prenn’ les coups. Nous on est payé pour rien faire Et on fait tout pour que ça paye. Ah c’que c’est bon d’être fonctionnaire Mais pas roussin ni militaire. On est les purs de la fonction. Par ci par là un p’tit refrain Et Gratougnac qu’est un vrai con Entend chanter un SDF. C’est nous la voix et les oreilles De la Justice jacobine. Et ça marche sur des roulettes. C’est équilibré comme un pneu. C’est un vélo qu’on fait pas mieux. Flics et rond-d’cuir au traquenard ! À bas le chômag’ des chômeurs ! Sus aux poubelles de la rue ! On a le sens et le spectacle. Tout est faux mais ça a l’air vrai Viv’ l’éternité de la France ! Merci les flics ! Merci Daesh ! Tsoin ! Tsoin !
* Quand j’suis pas content d’la gauche, Je vote à droite ! Et si la droit’ m’satisfait pas, Je tourne à gauche ! C’est pas ma faute, Je suis Français !
Tenez pas plus tard qu’hier, Je fais bobo à ma mimine En tondant ce maudit gazon En me disant que pour un’fois C’est pas moi qu’on me coup’ les poils. Renaud chantait à la télé Et Manu relisait Mein Kampf Aux écoliers pour expliquer La différence et le projet. Ah je me suis mis à rêver ! Et profitant de ce sommeil La tondeuse a rasé les pompes De Bobonn’ du chien et d’l’oiseau Qui fait cuicui quand j’ai bien bu ! Ça m’a valu des tas d’reproches. Pisque c’est ça tout c’que vous dites J’m’en vais voter pour le FN Et m’faire enculer par Le Pen !
Quand j’suis pas content d’la gauche, Je vote à droite ! Et si la droite m’satisfait pas, Je tourne à gauche ! C’est pas ma faute, Je suis Français !
Avant-hier j’avais trop bouffé. J’en laiss’ jamais à m’sieur l’curé. Mais maintenant que j’suis un grand Il me questionn’ plus à propos De comment que j’fais pour y faire Et pis tout seul et avec lui. Mais y avait encor’ du dessert Et d’quoi arroser le pastis. Dedans j’ai trempé mes cerises Que ça m’a foutu l’feu au cul ! Bobonne en a pris plein la tronche, L’chien savait plus où j’habitais Et l’p’tit oiseau qui fait cuicui S’est noyé en poussant des cris. Ah tout le mond’ m’en a voulu ! J’me suis fait engueuler sur tout ! J’avais plus tort que l’vieux curé. Aussi ni une ni deux ni trois J’m’en suis allé voter à gauche Pour ceux qui pens’ à notre place. Ça m’f’ra des vacanc’ et du temps Pour penser à plein d’autres choses !
Quand j’suis pas content d’la gauche, Je vote à droite ! Et si la droite m’satisfait pas, Je tourne à gauche ! C’est pas ma faute, Je suis Français !
Demain j’ai rendez-vous à l’heure. Faut pas arriver en retard ! On va m’coller dessus les yeux Des verr’à voir mieux à travers. Et si j’suis sag’ pour ma dent creuse J’aurais de quoi y mett’ les doigts Sans risquer d’me fair’ mal au cul. Mais je sais pas si j’vais payer… J’en ai plus trop de quoi casquer… Je bosse et j’ai de quoi bosser. Je me plains pas de la bagnole Ni des avantages sociaux. Mais pour les yeux et les ratiches J’ai comm’ qui dirait la main creuse. Ça me fait mal rien qu’d’y penser. Faut choisir, me dit ma conscience : De belles dents avec de l’or Et des yeux pour ne rien rater… Ou des douleurs et rien pour voir Ce qui me fait toujours bander… Je m’demandais comm’ça en douce Si des fois on peut pas voter Sans que ça se voie trop dehors… Et qu’on ait l’air qui faut des fois Qu’on nous chang’ le gouvernement. Bobonne le chien et l’oiseau mort Vont morfler d’ici à demain Si je trouv’ pas une réponse. Sacré bordel de droite et d’gauche !
Quand j’suis pas content d’la gauche, Je vote à droite ! Et si la droite m’satisfait pas, Je tourne à gauche ! C’est pas ma faute, Ya pas d’milieu !
* Les fill’ devenez magistrates ! C’est bien payé et on rigole, D’autant qu’on peut s’absenter tous les jours ! C’est un métier qu’on a pas besoin D’étudier les mathématiques. Même’ qu’on nous trait’ de femm’ de Lettres ! Tu parl’ de lettr’ qu’on sait pas lire. Laissez-les s’ pendre par le cou ! Ça en fait un d’moins à juger.
* Moi quand je bande Ça se voit pas. Ah qu’Dieu est con De l’avoir fait Pour que ça s’voit Chez toi !
* Ah c’qu’on est bien Dans la cinquième république ! C’est pas la France ni l’Hexagone, Mais on s’y sent comme chez soi !
« Les Français, haut les veaux ! Aiment la république ? Eh ben en voilà une Et gaulliste avec ça ! Vive moi ! (Je me comprends) Comme dit mon chaouch de service, Sac à malice’, coquin de sort ! : — La république, tant que vous voulez ! Mais la démocratie, c’est pas donné. Elle s’arrête où commence L’intérêt de l’État. Or, l’État c’est moi ! »
Ah c’qu’on est bien, Mon p’tit Manu ! Jamais puni, jamais bien fait ! Des fois je crois que c’est un rêve.
« Depuis Louis XI, mon bon Franchu, C’est de là-haut que vient le temps. J’suis pas très doué en Histoire, Mais en calcul j’ai mes dix doigts. Plus de six siècles nous contemplent. Ça m’étonn’rait qu’Napoléon Soit mis au banc des accusés Avec Adolf et les curés. À mon avis, ça va durer Plus que ne vivent les roses ! Vive les chiott’ et l’Président ! »
Ah c’qu’on est bien Dans la cinquième république ! C’est pas la France ni l’Hexagone, Mais on s’y sent comme chez soi !
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