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Article publié le 12 juillet 2007. oOo J’avais pour moi sept salles de bain. Un frigidaire qui s’appelait Frigidaire et des piles de triscottes beurrées. Pour cage et liberté, les rêves de ma grand mère. Ses peintures à chaque crochet et moi même sur sa toile, comme une tache de couleur. J’avais mon escalier d’usine, de sous-marin, de cuirassé ; mon tourbillon d’acier ou chaque marche sonnait comme cymbale et l’autre escalier, aux pierres cimentées, lisses en pile et ponce en face, montant en hélice dans sa tour tronquée. J’avais une maison, j’avais des niches de chiot dans chaque pièce, des bédés aux coins mous, des cornus sur les tapis et poudrant le pied des murs, une farine grise. Aussi, j’avais ce corridor fameux, ce gouffre à rêves. Sur une planche, les pots de yaourtière. La peinture pomme sur une seule paroi, au sol un long tapis en corde... Dans le fatras, un Union délaissé. Rien que pour moi. Aussi, j’avais un jardin. Rien que pour moi, les taupinières, les pièges de mon oncle. Pour moi, la palpitation duveteuse, la petite vie déjà morte. Pour moi encore, les cibles et leurs ronds hypnotiques, clouées dans la cave où, carabine en main, mon oncle cartonnait. Tout ça j’avais ! Comme le tuyau d’aération où roulait ma balle en mousse. La tiédeur des draps, sous les toiles d’araignée lourdes de salpêtre, la tiédeur des draps, quand la chaudière ronchonnait. Les odeurs vermoulues, j’avais. Un frigidaire, un corridor, une taupe, une yaourtière, un cuirassé ! Une maison. Une enfance. |
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