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Seriatim 2 - [in "Seriatim"]
Seriatim 2 - Tu songeais à laisser le monde avant de le quitter (Patrick Cintas)
[E-mail] Article publié le 9 février 2020. oOo Tu songeais à laisser le monde avant de le quitter… « Il faut bien habiter quelque part » / toitures des Pavillons voisins : reflet sur le fer d’un outil / l’homme Descend ses escaliers avec sa femme : moteur tousse. « Mais bon sang qu’est-ce que c’est que cette poésie ? » L’autre : « J’arrive pas à la chanter donc c’en est pas ! » Et l’autre : « Comme tu veux (si ça te chante) mon vieux » Crépuscule des travailleurs qui ne sont pas morts de faim. Plis des pantalons / godasses genre basket / un béret Sur un genou : « Toi au moins tu sais ce que tu veux » La mer clapotait. La mouette en silence. Émanations Des quais de l’autre côté de la baie : des filles jouant De chaque côté d’un filet que la balle franchit / « Moi : si j’étais toi : j’irai me faire voir ailleurs : des fois : la Chance : « mais pas toujours » ou alors c’est si loin Qu’on en perd la langue maternelle » / Voisins descendant Les escaliers de leurs maisons : outils au fer luisant : terre Des bottes : la femme secoue des racines : renifle un bulbe / « À quelle heure il vient le fils (ou la fille) ? » descendant L’escalier avec le chat : ce voleur d’étincelles : « Je sais plus Comment on dit » / Tirant sur la chaussette pour craqueler La terre : « J’ai pas assez vu, nom de Dieu ! Mais le travail, Ce foutu boulot que j’ai hérité de la pauvreté du père… / Des fois je m’en veux d’être reparti : mais la désertion N’est pas mon genre » Descendant avec le chat couleur De cendre : elle porte un panier déjà plein : « J’ai eu Envie d’elle : pas toi… ? » Le béret quitte le genou / Vole jusqu’aux pieds des mûriers où s’agite un merle : « Caquète comme la poule ! Je ne t’entends plus ! » Qui est qui si la nuit tombe ou si le jour se lève ? Midi À toute heure : « Nous étions jeunes nous aussi » L’air Chaud de la brise : ses sels : « C’est fini ou quoi ? » Mais le jardin est clos / Le chat saute sur la murette Et te regarde comme s’il ne te connaissait pas : passant Des petits matins tranquillement installés pour profiter Du Temps : « J’aurais pas dû revenir » Il grattait une Pustule sur le nez : la narine excitée par les embruns. L’autre estimait la patine d’un manche : se revoyait À l’œuvre : ses pieds trépignaient dans les mûres Tombées du bec : plis des pantalons sur les espadrilles : « Ce monde ne nous appartient pas » L’autre : « Pourtant, il appartient à quelques-uns… Les salauds ! » Voyez comme les mythes reprennent leur souffle !
Qui menace le patron a les moyens de l’été Et de la neige des montagnes : petite auto Cirée comme un soulier : « Papa revient De voyage : j’aime sa poupée et le peigne De ses cheveux : » Écrasement des joues L’une contre l’autre : on dirait qu’on fait Bien Un : toi et moi : l’œil dans l’alignement De la jante nue : clignotement des rayons Un jour d’éclaircies et de ruissellements. « Quel âge as-tu déjà ? » Personne ne vieillit Aussi vite que moi : cet enfant sans avenir : Mais qui pouvait se douter… ? / Cheminées Et murs d’enceinte : le gardien claudiquait.
Qu’est-ce qui est poétique si on se tait ?
Qu’est-ce qui ne meurt pas avant… ?
Qui est cette femme qui n’appartient à personne ?
Dans quelle profondeur se revoir sans s’aimer
Graphomane à l’érudition acquise Dans la table des matières, il gisait Dans cette espèce de plancher des Vaches : perdu pour la prochaine Escale au pays des faux témoins.
L’hypocrite jaloux se marre Faute d’avoir trouvé de quoi Alimenter l’esprit autrement.
Quand il ne sort pas dans sa ville Il entre dans son sommeil de travailleur. Qui n’espère pas y trouver la mort Au cours d’une révélation enfin Aussi claire que l’eau de roche ?
Baratin des malades de l’apparence. Mots trouvés chez les autres et ailleurs Mais jamais dans le lit où on couche. Ivresse acquise en parallèle avec La bouteille que la femme débouche Comme son évier après la vaisselle.
Quand il ne dort pas il écrit et vante Les mérites du libraire et du marché Global dont il espère tirer la bourriche. Au sommet de son panier un jambon Et l’écran numérique des réseaux. Il écrit pour ne pas tuer le temps.
Dehors le béret revient sur le genou. On a vu mieux en matière d’attente. Dire plutôt : pas d’attente sans merveilleux. Sinon on tue : marre de tuer la bestiole Qui nous suce le sang et revient comme si L’écrasement n’était qu’une façon de parler.
« Où trouves-tu la poésie sans te baisser ? Je t’ai observé parmi les ravaudeuses, zyeutant Les peaux de cuisse et les ongles sales, notant Les répétitions, les refrains, les idées reçues. Mais il n’y a pas de poésie là-dedans, ô poète ! Ni dans les écailles des murs. Pas de poésie pure Ni parfaite au fil de l’eau bleuie autant par Les écailles que par les flaques de gras. Plongeon dans cette eau des quais : j’en ressors Comme si j’y étais tombé par accident mais C’était une tentative d’assassinat : heureusement Je sais nager et respirer sous l’eau comme Un poisson : ce que tu ne sais pas faire, toi ! »
Sortant dans la rue qui lui donne son nom, Il croit aller où il veut et prend le bus.
Je ne connais rien de plus sensé Que ce qui n’a pas de sens à donner.
« Suffit pas d’ poser son cul sur les bancs. Faut aussi avoir l’œil et je l’ai pas. L’ai jamais eu comme vous l’avez Si j’en juge à la beauté de l’expression. Surtout que c’est pas beau que vous Vouliez faire avec moi avant qu’on Se rencontre et qu’on se trouve beaux Au point de désirer en savoir plus L’un sur l’autre ou l’inverse, je sais plus Tellement j’y ai pris du plaisir, ami ! »
« Nous ne reviendrons plus si c’est ce que vous voulez. N’insistez pas / je sais ce que je dis / les temps sont Durs et ya plus d’ place pour personne ici-bas. Faut monter ou descendre, on a pas l’ choix / Prenez la main de votre femme et descendez Au jardin ou montez dans la cuisine / je suis Le chat si vous voulez : je l’ai été si souvent Que je me prends pour un automate d’avant Les électrons du temps où on pouvait compter Sur la seule gravité et sur les impulsions nées De la précipitation elle-même consécutive Au même genre de guerre qui nous occupe Encore : descendre et monter autant que c’est Possible quand on possède sa maison et son chat. »
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