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Choix de poèmes (Patrick Cintas)
Discours sur la poésie

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 Article publié le 10 janvier 2021.

oOo

« On ne chante que si ça chante.

Dans ce pays de sycophantes

il est de bon ton de chanter.

Autant savoir comment rimer.

Le spectacle est dans les nuages

et la critique après l’orage.

J’en ai connu, cher Engeli,

de quoi mouiller les draps du lit

sans que moine n’efface traces.

On dit même qu’on s’y prélasse,

qu’on soit seul ou partant plusieurs

à en apprécier la chaleur,

et que si l’anus de l’idée

ouvre la porte à l’empyrée,

on est sûr au moins d’y gagner,

sinon la croix du résigné,

une pension que vite on flambe.

C’est au cou qu’on porte ses jambes

et entre la langue ressort

chaque fois qu’on lui fait un sort.

La poésie soigne malades

et si malgré maintes cagades

il en est encor qu’on dément,

la faute en est au firmament

qui d’un côté comme de l’autre

produit la science et ses apôtres,

lesquels il faut bien consommer

car acheter c’est travailler.

Les sous qu’on gagne se dépensent

car ils sont bonne récompense

de celui qui les donne à tous.

Sinon ce ne sont plus des sous.

Les voir ne suffit à personne.

Et qui d’ailleurs les abandonne

à celui qui ne sait pas voir ?

Tout le monde veut les avoir.

Et plus on en a plus on gagne.

On en fait même des montagnes

qu’on met en bourse au ceinturon

que d’autres serrent sans les ronds.

C’est le voisin qui collabore

tandis qu’ici on élabore

le futur des enfants conçus

non point dessous mais par-dessus.

Le civil a ses préférences

et le pénal ici compense

les défauts qu’à nos clercs on doit,

car ce sont eux qui font les choix

alors que l’ignorant hésite,

ne sachant point où il habite,

la Poésie n’ayant de lieu

que ce qu’on peut faire de mieux

pour avoir l’air d’être poète.

Et dans la rue on fait la fête.

On remplace les colonels

aux blancs chevaux de sol charnel

dont Bardamu paie la facture

par un singe de préfecture

qui fait des vers à temps perdu

sans cotiser au chômedu.

Car le poète s’il n’enseigne

science et morale de ce règne

n’est pas plus poète que pet

qu’à ce jeu on veut attraper

comme le pompon au manège.

Et musicaux sont tous ces sièges

car il faut songer au budget,

en même temps avantager

ce que la raison recommande

sous peine de fortes amendes

dont le moindre prix se vend cher.

Ainsi la vie s’est faite chair

à l’image de son église.

Le discernement est de mise.

Les poètes portent des croix

pour situer ce que leur voix

ne veut rien dire qu’on écoute.

C’est compliqué d’autant qu’on doute.

On achète de fins livrets

dont le libraire délivré

nous fait savoir qu’on a la chance

de le trouver en résidence.

On feuillette et le ton y est.

On est content d’avoir bien fait.

Et on rencontre des poètes

qui savent comment l’âme est faite

et pourquoi l’esprit s’y soumet.

Et peut-être que l’on s’y met

soi-même aussi à cette tâche

dont l’accent est de trop, qu’on sache !

Et que je te griffonne un vers,

et que de deux je me ressers,

et de trois j’en fais même quatre,

ce qui fait de moi un théâtre

et de ce théâtre un en-soi.

Encore un peu, on est des rois !

Et bien sot celui qui l’y laisse,

car les chiens que l’on tient en laisse

font caca à l’endroit qu’on veut,

ce qui se ramasse bien mieux

que d’autres qui n’ont point d’aisance.

Ah ! Vive la polyvalence

de nos salles de réunions !

On y prend quelquefois des gnons,

mais qui un jour ne les mérite ?

On tend la main dans les guérites

et sur les comptoirs des bureaux.

Les principes électoraux

donnent de la voix au poète.

Et de ces wagons qu’on affrète

avec les sous des indigents

on fait des trains avec des gens

qui secouent leurs mouchoirs de poche

comme des acteurs au cinoche.

Et bringuebale la loco

sur les rails des impôts locaux.

Ah ! Ce que j’en ai de la chance

d’être ailleurs que là où je pense !

La Poésie avec des mots

c’est plus facile que l’auto.

Et c’est permis à tout le monde.

Ça se comprend si on abonde.

Tout le monde n’a pas d’auto.

On se fait coiffer au poteau

si l’usage de la pédale

est en dessous des minimales.

Renseignez-moi si j’ai tout faux.

La Poésie a des défauts,

mais quand j’en fais je m’améliore.

Je ne dis pas, je corrobore.

J’accepterais même un procès

pour qu’on me crève cet abcès.

Peu importe que le spectacle

ait lieu dans la cour des miracles

ou dans le jardin des désirs.

Je m’en remets à vos soupirs.

J’invente le soupiromètre.

Et je sais me la faire mettre !

Vous pensez si j’ai la notion

du temps qu’il fait dans la fonction !

Des berges que je m’alimente !

Et je suis vert comme la mante

qui ne change pas de couleur

comme ça au petit bonheur.

Je fais même la marionnette,

la petite et la grosse tête.

Avec des mains et de bons fils

on a de suite le profil.

Je lève la patte en mesure,

et du petit bout je m’assure.

Servir c’est bien mais le larbin

a besoin de son jacobin,

sinon je grève sur le zèle.

Pour ça on me rogne les ailes

et je vole sur mes deux pieds.

Mais non point comme l’estropié

qui tricote après ses prothèses !

Sur la route je suis à l’aise.

J’ai l’air d’un bourgeois et je suis

plus regardant sur l’usufruit.

Ah ! On en entend de bien belles

sur le terrain des ritournelles !

— En Angleterre c’est pareil !

On a beau mettre le réveil,

on fait la grasse matinée.

Je ne dis rien sur la soirée.

Le vers n’est plus ce qu’il était.

On ne sait plus comment on fait.

On veut travailler sans rien faire

comme des bibliothécaires,

mais le vers n’est plus dans le fruit

ou il est crevé dans l’ennui.

La poésie est à la masse

ce que la peau est à la race.

On n’en voit jamais la couleur

et pourtant ils ont bien la leur !

J’écris moi aussi des poèmes,

des tranches de vie comme on aime

et des beurrés des deux côtés.

C’est ce qu’il faut pour exister

comme on a envie de la mettre.

De la métrique on est des maîtres

et le sens n’a pas de secret

qu’à la fin on ne peut percer.

On a fait de longues études,

comme grandeur et servitude,

et je ne cite que ces lois

car on ennuie vite les rois

si on dit tout ce qui nous mine.

Car au fond on a bonne mine

et le charbon que l’on extrait

n’est pas fait pour les illettrés.

On se chauffe à de meilleurs poêles,

et peut-être sous des étoiles,

mais celui-ci on l’a construit

avec la terre de la nuit,

qui est le rêve, et ses trouvailles,

autre chose que boustifaille

dont nos prolos et ronds de cuir,

pour satisfaire les désirs

de l’employeur qui s’en retape,

font le menu de leurs agapes

au détriment de la Nation.

On philosophe sans passion,

on instrumente sans épreuves

et personne qui s’en émeuve

que ce que nous sommes pour eux !

Des bons à rien, des malheureux

qui prennent pain pour existence

et existence pour pitance !

Alors que nous avons le vers !

Même qu’on y voit à travers

tellement il est fait pour lire.

Et doux comme du cachemire.

Dites-le comme je l’écris

et ne me parlez pas du prix

qu’il a coûté à ma famille !

De quoi me payer les guenilles

que vous me voyez porter là.

Mais je devrais dire au-delà… »

 

extrait de [La trilogie française]

 

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