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 Article publié le 22 janvier 2023.

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Enfin, les auteurs ont souvent raison dans leur impertinence contre le temps présent. Le monde nous demande de belles peintures ? où en seraient les types ? Vos habits mesquins, vos révolutions manquées, votre religion morte, vos pouvoirs éteints, vos rois en demi-solde, sont-ils donc si poétiques qu’il faille vous les transfigurer ?...

Balzac, Préface à La peau de chagrin, 1831

 

L’innovation rompt avec l’existant. 

Tout grand écrivain est un philosophe. En érigeant une œuvre qui ouvre de nouvelles perspectives en matière d’émotion, de réflexion, de sensation.

Stéphane Pucheu, De l’innovation, 2023

 

Les arts ne prêtent jamais aux entreprises de la domination ou de l’émancipation que ce qu’ils peuvent leur prêter, soit, tout simplement, ce qu’ils ont de commun avec elles : des positions et des mouvements des corps, des fonctions de la parole, des répartitions du visible et de l’invisible. 

Jacques Rancière, Le partage du sensible, 2000

*

Bourdieu traitant Finkielkraut de demi-savant me paraît être le parfait prototype de l’universitaire imbu de sa personne et ivre de sa fonction, sûr de son savoir et se sentant appelé à juger médiocrement de la qualité des travaux d’untel ou d’unetelle.

Brouillons les pistes et ne faisons jamais acte de candidature !

Barthes, Bachelard, ces grands stylistes, et tant d’autres avant et après eux, sont-ils des écrivains en dépit du fait qu’ils n’ont écrit que des ouvrages purement théoriques ? Le plaisir que j’éprouve à les lire, par-delà les thèses qu’ils défendent, suffit à me donner à penser que ce sont de grands écrivains.

Peut-être n’y a-t-il philosophie que lorsqu’il y a esprit de système, ce qui implique à minima création de concepts, comme le réclamait Deleuze. Tous les concepts sont mortels, mais ils ont la vie dure, lorsqu’ils ont été forgés dans une langue magnifique !

Il y a pléthore d’écrivants qui philosophent sans être considérés comme des philosophes ni comme de purs écrivains, et pour cause ! en littérature, la pureté n’existe pas !

Bon nombre d’œuvres méconnues jugées dépassées ont gardé toute la fraîcheur de leurs premiers jours parce qu’elles sont pour ainsi dire restées vierges de lectures !

Je ne crois pas au progrès en matière de littérature.

Balzac écrivant sa préface à La peau de chagrin nous dépeint une littérature française apparemment en pleine déconfiture au moment même où de grands noms s’imposent à leur temps. A le lire, on se prend à penser à notre époque tout aussi mal configurée, confuse, incertaine de ses buts et de ses moyens, Babel ayant de longtemps supplanté la Bible qui en narre le conte.

Les sous-textes et les mise en abymes abondent (merci Gide pour ce bon mot qui a fait florès !). L’indigence ne réside pas dans l’extrême richesse des références culturelles déployés mais dans la pauvreté de leurs mises en forme.

Et s’il me plaît à moi de ne pas donner de nouvelles de mon temps ? Ringard, has been, dépassé ? mais par qui donc, je vous le demande.

Une assertion pleine et entière, un style assertorique qui se hisse à la hauteur et à la puissance d’une affirmation souveraine, voilà la clef ! et que pleuvent les critiques dont nous n’avons que faire !

L’ethos de toute littérature, un lieu introuvable, à la fois partout et nulle part.

La passion de conter, la Lust am Fabulieren, comme on dit en allemand, est le fer de lance d’un refus du monde tel qu’il est ; on peut le plonger dans toutes les plaies du monde, celles qu’il nous inflige comme d’autres, très anciennes ou imaginaires, peu importe.

Cette passion de conter jubilatoire, je la trouve chez des auteurs aussi différents que Gilbert Bourson, Stéphane Pucheu et Patrick Cintas qui, tous, dérangent la langue, la mettent en branle, pour ainsi dire en désordre de bataille en usant de tous les niveaux de langue possibles et imaginables.

La richesse lexicale d’un Bourson est, de ce point de vue, d’autant plus confondante qu’elle sert un propos d’une extraordinaire fluidité toute en heurts et secousses, une expérience musicale fort rare dont je ne vois d’équivalent que chez Pierre Boulez et Jimi Hendrix, mes deux musiciens favoris.

L’insolence souveraine et pugnace de Patrick Cintas, ses apparents paradoxes et ses saillies argotiques sont un vrai délice. Chez cet auteur, la méchanceté est un art. Pucheu, quant à lui, m’étonne par l’extrême concentration de son Dire qui me donne à penser qu’il a encore beaucoup à écrire.

Dans un monde qui innove technologiquement tout en reproduisant toujours les mêmes schémas de domination à travers mille variantes affublées d’oripeaux démocratiques, il est sain que certains auteurs tentent de briser « le cercle de craie caucasien » dans lequel le monde techno-industriel nous enferme : plus de mère, l’une vraie, l’autre fausse, qui nous tirent à hue et à dia jusqu’à nous écarteler, toutes deux participant du même monde trompeur qui materne pour mieux asservir et nous faire servir au grand dessein « commun » piloté par les dominants de ce monde mais une matrice renouvelée d’où jaillissent des armes symboliques nouvelles, tout commençant en ce monde par le pouvoir de bien nommer les êtres et les choses, les émotions et les phénomènes qui s’y rattachent ou s’en détachent.

En somme une propédeutique à l’émancipation de tous par tous, autant dire une tâche qui confine à l’infini.

Je rêve d’une plume de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de tous les « grands de ce monde ».

La littérature n’est pas un enfantillage ; beaucoup y ont laissé leur santé mentale, et même leur peau.

 

Jean-Michel Guyot

19 janvier 2022

 

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