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Des coups tordus
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 Article publié le 14 septembre 2008.

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Des coups tordus
Robert VITTON

T’es patraque ? Patraque ? Tu sors de la pharmacie. Et toi, t’es mort ? Mort ? Hier, je t’ai vu sortir du cimetière. Un torticolis. Tortum collum ! C’est ton côté Macaroni qui ressort. Un courant d’air ? Une mauvaise position pendant la sieste. La salope ! Le cul encore tourné à la friandise ? Les persiennes croisées, le rayon de soleil sur la tapisserie, le robinet qui goutte dans le jardinet… Tu dors ? Non, je décède. Le vilain cadavre. Requinque ton casse-cou, coucourde1 ! La méridienne crapuleuse ! Les longues siestes de Gide… Newton digère sous un pommier, Archimède dans sa baignoire, Mistral… T’inquiète, te tracasse pour eux. Non, mais ça va ? Je fais aller. Et autrement, _ça va ? Si tu peux, sois pas si pénible2 pour si peu. Alors, ça va ? Ça va. Tout va bien mais rien ne vient. A part ça ? On a de quoi démêler, nous deux… Nous trois… Nous tous. Tu tires toujours les mêmes charrues ? Faute de grives… Faï tira dans ton sillon, tronche d’api3 ! Au bout du compte, tu jeûnes entre une jeunesse et une vieux remède. Entre le con de Manon et le tafanàri4 de Fanny ! La Porte d’Italie et la rue du Canon ! Tant qu’on m’appelle pour la mangeaille, qu’on me laisse pas en rade, qu’on me… L’entre-deux pour les hommes, la queue pour les femmes. Et la terre tourne tant bien que mal. Et tout le tremblement… C’est le lot commun. Que veux-tu ? Les entourloupes… Assois ton jugement, ça le reposera. Les reproches… Pourtant je suis toujours sur le point de faire coucaren5. Quelque chose, c’est mieux que rien, damote6 ! Fais-le comprendre. C’est vrai, putanasses, j’ai mon train-train et mes pauvres plaisirs de vieux garçon, de vieux beau, de pistachier7 ! C’est ma nature. Des toiles d’aragne entre les doigts ! J’entends ça à longueur de sainte-journanche. Les doigts… J’en ai vingt, c’est tout. Ni plus, ni moins. Encore heureux ! Vingt, jusqu’au jugement dernier. Tu la fermes, cagole8… Tu la fermes, cette fenêtre ! Je sais, la bonne air du large, les gabians9, les sirènes du port…. Et l’autre trompette. Mon brave, mon Bicou10, prenez de ma raie, elle est plus fraîche que celle de ma voisine ! Sa moule quand elle bâille pas, elle fait la bèbe11 ! La poisse, la poissonnière ! Combien faites-vous votre merlusse12  ? Harponné dans ses filets… J’ai déchargé des cageots… Me voilà sur un lit d’algues, gavé de soupe d’esques13, à éplucher une girelle, à tirer les épines14 d’un lieu noir… L’une me reproche de dormir la grasse matinée en chien de fusil, de faire mon lard, et l’autre de décoiffer lestement les demoiselles de verre à la ronde, d’être toujours au tétin. Elles s’entendent pas ronfler comme des bordufles15 et pisser dru comme des vaches. J’en déparle16. La fleuriste me reproche les roses de la bagatelle, la poissarde me reproche les cigales de mon jaunet17. Tant que tu étaleras du salé… Des figures d’anchois, des bars gros comme le bras, des saint-pierre de Rome, des maquereaux, des harengs, des favouilles18… La bouquetière à la fleur de l’âge… Une fleur passie19  ? Pas si passie que ça ! C’est le bouquet ! Le bouquet d’orties, le bouquet de crevettes… Un feu d’artifices ! Quand ça déborde, on a le tram 51. Le terminus, minus ! C’est la tournée du contrôleur ! Un dé d’esprit, c’est encore trop pour elles. Un de ces quatre, les garces, elles m’enfermeront dehors. Même pas la reconnaissance du bas-ventre. Aucun respect pou le bricolage, pour le fignolage, pour le… Qui les a mises en perce, les gazilles ? A cette heure, sans le babi20, elles auraient peut-être le berlingue21 moisi, qui sait, et la figue pénèque22, c’est sûr. Par derrière, c’est tentation… Et par devant ? C’est repentance, disait je ne sais pas qui, qui avait toute sa raison. Des trognons à faire fortune… Des trognes à tout perdre ! L’oignon fait la force. Et la fraise ? Elle en fait les frais. On croît trouver savate à notre pied gauche, et… On dirait qu’elles sortent toutes d’une boîte ou d’un carnet de bastringle23. Pour te mettre la tringle, elles y vont pas de main morte. On a beau la ramener, on ferme les mirettes et le bec à tout. Barjaque24 toujours, frottadou25, je te tiens par les cornes ! Quand elles réfléchissent deux broquilles chez le figaro pour dames ou qu’elles lisent dans le marc de café… Les idées qu’elles ont en haut, elles les ont pas en bas. Des testardes26… Des toupins27 ! Tu me lâches, fan de Marie28  ? Quel crampon ! Sensuelles sangsues ! Je t’agrippe, je te griffe, je te grimpe… Des fois, quand elle se déshabillent, on dirait qu’elles arrachent des pansements. Ça pègue29 à la plaie. Des châssis, des carrosseries, des essieux… Même à la belote, tu t’en rends compte, j’ai plus le mistral en poupe. C’est possible que des santibelli30 de merde me refilent des brèmes pareilles ? A force de brouter le croupion bordé de fenouil de la vieille, j’ai les badigoinces qui se coincent. Chienne de vie ! Vie de chienne bordilles31 ! Je crève de rire. Même en parlant de besogne faite, je coule l’eau32. Celle qu’on boit c’est la pire. Je pense… Je pense. Je suis dans mon élément. Coume vai33  ? Balalin-balalan34 , les bras ballants, je bâtis dans mon ciboulot. Ce n’est pas la place qui manque. Un jour je dirais : J’ai l’âme en lambeaux, la carne en charpie, je me déplume, je plâtre mon mourre35 d’appelant, je songe creux, je deviens dur d’ouïe, j’ai l’œil torve et le nez gâté, je perds le goût de l’olive et de l’anis, ma paluche est gourde, je me défrise pour une pécadille, mon habit est malade, j’enfile des tirades… T’as plus qu’à bader36 et t’éteindre, mon pauvre ! Ta lampe file et ton cornet n’a plus d’encre. J’ai pas encore radoté mes derniers mots, collègue37 Pierrot. Pierrot ? Pierrot, Marius, Tartarin… Qu’importe. Zé ! Zize38  ! Reste assise ! Mes chevaux Citroën piaffent d’impatience côté cour. Mes deux pattes ! Ma Dodoche Citron citron ! Pas pressée pour deux sous avec ses cinq ronds de chapeau de roue. Mon paille et mes rébannes39. Cassis… T’entends son tambour et sa fanfare ?. Un quart de piécette pour les mettre en branle, un tombereau de pièces pour les mettre en veilleuse, en pièces… On le dit dans les parages. T’as vu Cassis ? T’as vu Paris ? T’as tout vu. La route des Crêtes, le Cap Canaille, les falaises rouges, la grotte de Terrevaine… La Ciotat… L’éden, le plus vieux cinéma… La gare… Un train… Les frères Lumière et les frères Pitiot posent pour les premières photos en couleur. Tu t’arranges avec le calendrier. T’occupe ! Les Lumière et les Pitiot. Le cinématographe et la pétanque. Ça s’arrose, arroseur ! T’envoies le bouchon un peu loin. Il est dans la rigole. Pour ça, t’es pas mouligas40  ! Tu t’en souviens du Piaffou41 Il en manquait pas une. Un fameux canonnier. Tire ! Les pieds dans le rond, les genoux légèrement fléchis, le boulet devant le viseur, le balancement du bras… Pan ! Tu sais, minot42 pendant la guerre… A la fin de la guerre, je suis tombé d’un arbre… Et depuis… Des jours, je suis plus goï43que d’autres. J’ai une raideur dans le cou… Mon œil droit voit trois images. Je vois trois boules. Pour peu que… On a toujours un chagrin à noyer sur ce putain de plancher ! Deux Pastagas44 ! Un pour chaque gambille, Là, mon coco, j’en vois six. Six boules ? Six ! Sur six boules, ça serait bien le diable si j’en estanquais45 pas une. T’es de la Martiale46 ? Non, je suis Moco47 Es como co. Es-co-mo-co, mo-co, moco... C’est comme ça, Telo, Tholon, Tolon, Toulon,… Touloum ! De Besagne ? J’y avais une branche de ma famille. Besagne, le quartier des besogneux, des mangeurs de pâtes, des pousseurs de bourrrette48,, des acteurs de gamatte49, des joueurs de mandoline, des lippus, des pétomanes….

Robert VITTON, 2008

Notes

1 - Coucourde : Citrouille. Personne un peu empotée. 2 – Pénible : inquiet. 3 - Faï tira dans ton sillon, tronche d’api : avance, laisse choir, suis ton bonhomme de chemin, tête de cèleri. 4 - Tafanàri : derrière. 5 - Coucaren : Quelque chose. 6 – Damote : dame qui prend des airs. 7 - Pistachier : coureur de jupons opiniâtre. 8 - Cagole : Fille outrancièrement fardée et vulgairement vêtue. 9 – Gabian : goéland. 10 – Bicou : surnom affectueux. Personnage de carnaval. 11 – Bèbe : moue. 12 – Merlusse : morue. 13 - Esque : ver utilisé pour la pêche. 14 – Epine : arête de poisson. 15 – Bordufle : toupie. 16 – Déparler : déraisonner verbalement. 17 - Jaunet. : Pastis. 18 - Favouille : Petit crabe. 19 – Passi : passé, fané. 20 - Babi : immigré italien (babouin, grosses lèvres, babillard…). 21 – Berlingue : pucelage. 22 - Pénèque : flétri, ramolli. 23 – Bastringle : déformation du mot bastringue (bal populaire). 24 – Barjaquer : bavarder. 25 – Frottadou : coureur ‘frotteur)de belles. 26 - Testard : têtu. 27 – Toupine : seau hygiénique. 28 – Fan de Marie : fan, enfant. Jeune femme sage ou, péjorativement, voyoute . 29 – Péguer : coller. 30 – Santibelli  : beaux saints, santons… 31 – Chien bordille : chien se nourrissant dans les poubelles. 32 – Couler l’eau : transpirer. 33 - Coume vai : comment va. 34 – Balalin-balalan : de fil en aiguille. 35 – Mourre : visage. 36 – Bader : regarder béatement. 37 – Collègue  : ami. 38 - Zé ! Zize : apostrophes. 39 – Rébannes : lunettes de soleil Ray Ban. 40 –Mouligas : mou. 41 -Piaffou : immigré du Piémont. 42 –Minot : petit. 43 – Goï  : boiteux. 44 – Pastaga : Pastis. 45 – Estanquer : frapper avec force une boule. 46 – T’es de la Martiale : tu es de Marseille ? 47 – Moco : Toulonnais. 48 - Bourrette : brouette. 49 – Gamatte : récipient pour gâcher le mortier, le plâtre…

 

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