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L'écriture du « mourir » dans Poésies de Claude Roy
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 Article publié le 14 novembre 2008.

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L’écriture du « mourir » dans Poésies de Claude Roy
Samir Mestiri

Introduction

A la définition de la modernité poétique comme rupture entre ce qui précède et ce qui a suivi est préférée une modernité comme pensée du devenir et de la répétition. Cette modernité n’est pas datable à une chronologie déterminée ou un fondement l’inaugurant tout bonnement. Au contraire : elle relève d’une façon particulière d’inventer du nouveau sur un substrat ancien, d’écrire sur, à partir, contre d’autres œuvres. Inventer en reprenant, c’est ce mouvement immobile qui semble définir, chez Claude Roy, le poème de la giration et de la répétition[1] par excellence, celui de la mort perçue non isolément comme un évènement tragique, mais comme faisant partie intégrante d’un ensemble bien soudé où tous les éléments de la vie semblent se répéter et coexister dans l’harmonie et la sérénité (Quatre thèmes imbriqués et indissociables sont récurrents chez Claude Roy[2] : l’amour, la mort, la vie, le temps) : 

Je dis de toi et de la rose

Mes poèmes sont évidents

Je dis toujours la même chose

La vie l’amour la mort le temps

Prenant les phrases toutes faites

Les vérités de tous les jours

Je ne suis ni ange ni bête

Mais je me répète toujours.[3]

 Répéter « toujours la même chose », au fil des poèmes dont seule la forme change, tel semble être le principe majeur qui préside à cette écriture-réécriture du même et de la différence. Tout recommencement devient un premier commencement et toute recréation une création. En reprenant les phrases toutes faites, les formules figées, l’intention du poète est moins la consécration d’une certaine forme de pensée idéologique, ce qu’ Anne Herschberg Pierrot appelle la dictature anonyme de la voix sociale[4] que de prendre ironiquement le contre-pied du lyrisme prometteur. Ici, on ne promet rien, on n’enseigne rien, encore moins une vérité dogmatique, mais il y est rappelé avec insistance que la poésie est essentiellement liée à une tâche d’élucidation du réel hanté par le mourir et le devenir et que le sujet de C. Roy est, selon l’expression de P. Bayard, un être –pour- la- mort et non pour l’avenir…ce qui le détermine en profondeur n’est pas la survivance d’évènements disparus, mais l’approche de la catastrophe finale et la conscience exacerbée, marquée dans sa chair, de son rapprochement.[5]  En dépit de sa simplicité apparente, cette écriture du pareil au même reste pourtant réfractaire, insoluble dans le magma des langues médiatiques ; une certaine illisibilité, imprononçabilité- à l’image, peut-être de la mort- la caractérise. Il s’agit donc d’abraser la langue, de la parler contre elle-même, contre ce qu’elle véhicule comme stéréotypes et ce jusqu’à ce qu’on soit capable de « déchirer le voile de la laideur et d’insignifiance qui nous laisse incurieux devant l’univers »[6], selon l’expression de Proust. Autrement dit, loin d’être linéaire et plate, la poésie de la redondance et de la giration constitue le fondement même de l’esthétique de ce poète :

« Le but est partout le même : proposer une parole aussi aisément répétable, retrouvable, ineffaçable ou difficile à effacer qu’il est possible. »[7]

 D’ailleurs, C. Roy se définit comme le poète mineur par excellence, il est celui qui, à coup de pioche, ne cesse de creuser et de chercher :

« Le mineur c’était le mode qui s’opposait au majeur. Mais le mineur c’état aussi celui qui descend par le fond. Le seul prix de ces poèmes, en effet mineurs, était celui de ces chansons qu’on chante dans le noir pour dominer sa peur. Il était beaucoup question dans ces poèmes de la mort, de l’absence, du noir et de la nuit. »[8] 

  Au moyen de cette itération, sa poésie viserait à retenir le seul sens non prédéterminé : l’insensé, l’informe et l’insaisissable. Lesquels ne sont plus le fait ou le produit d’une conscience, mais bien d’une circonstance, d’une coïncidence entre un corps, une culture, une histoire : un événement conçu comme le produit d’une intelligence impersonnelle et transcendantale.

  Le poème devient ainsi la trace active d’un processus par lequel le monde se conçoit, un peu à l’instar de la mort, comme un chaos diffus ainsi que le siège, non pas d’un moi/je égocentrique, mais plutôt d’un « on » en butte contre la mort. Cette écriture nous transcrit pour ne retenir que les mots dans le flux labile du langage, selon l’expression de l’auteur :

 « La poésie, c’est d’abord ce qui est conçu pour être retenu, le trésor des instants confiés à la mémoire qui les a capturés dans le réseau des mots. »[9]

 De même que la mort laisse vivre la vie avant de l’annihiler, de même, la négativité- qui reste virtuelle jusqu’au bout- et l’absurde laissent le poète écrire ses vers. Un tel sujet aussi indéterminé qu’inquiet et surtout par l’idée de la fin, n’a plus rien à dire, rien à communiquer comme vérité ou comme éthique, son existence sans cesse détruite, mais sans cesse renaissante est l’image de l’absurdité même. Sa matière, pareille à celle d’Epicure, se réduit à un pointage incohérent et arbitraire dans la finitude de l’être –à- mourir tôt ou tard. Comment vivre quand on sait la réalité entêtée de la mort, notre anéantissement total, ou ce que Jankélévitch appelle « la tragédie de la nihilation »[10] :

  Elle est là qui vous guette et vous prend à revers,

  Tricotant sans répit ses filets à vivants

  Elle est là installée en travers de mes vers, 

  Poursuivant son idée, têtue comme le vent.

 Mais je veux ignorer tant que je veille et vis

 le jour qui va venir et le jour qui s’enfuit.[11]

 L’éthique de C.R- rappelant à plus d’un titre celle d’Epicure- est à comprendre comme concernant exclusivement le présent, et rien que le présent, l’immanence et non la transcendance, ce qu’on est et non ce qu’on sera, ce qui est et non ce qui doit être :

 Ici, les verbes au présent dessinent un temps extratemporel, omnitemporel, technique visant à exprimer l’indifférence du personnage qui tente de vivre hors du monde, hors du temps de la finitude et de la mort. Marcel Cressot parle du « présent d’illusion »[12] lequel permet de vivre virtuellement un fait impossible, à savoir la suspension du temps au présent ; ce qui lui donne une intensité émotive particulière.

 Cette éthique sans obligations ni sanction peut permette à l’individu d’exister librement, en toute sérénité, débarrassé totalement du poids des contraintes religieuses et morales. D’après Epicure, en effet, « la droite philosophie » épicurienne (orthé philosophia) se résume en quatre choses qu’il faut savoir : que les dieux ne se soucient pas de nous et ne sont pas à craindre ; qu’il n’y a rien à craindre dans la mort puisque, mort, l’on n’est plus là ; l’on n’est plus rien, ou peut-être un rien dilué dans la poussière de l’univers, que les désirs naturels (la faim, la soif, le désir de protection du corps) sont aisés à satisfaire ou que leur non-satisfaction (celle du désir sexuel inassouvi faute de partenaire consentant) n’est pas douloureuse ; que les douleurs présentes peuvent être compensées par les souvenirs heureux. Savoir sa précarité dans un univers dont la providence est exclue, un monde livré au hasard où les êtres humains sont en charge d’eux et où le seul fait d’exister est un miracle, une chance qu’il faut, chaque jour, savoir saisir. Juste nous et la pensée de l’infini et du peu de chose que représente une vie d’homme dans le temps immense de la nature. Une telle pensée devrait délivrer l’âme des misérables passions humaines, ces idolâtries séculières ou religieuses qui ne cessent d’infecter l’homme[13], selon l’expression de l’auteur. Ni Dieu, ni dieux donc, juste nous et le destin contre lequel nous ne pouvons rien, c’est ce qui explique la récurrence de ce futur de l’indicatif, celui de « l’incertaine certitude », comme l’appelle Jankélévitch. Dans la plupart de ces poèmes, ce futur de l’inévitabilité sert à montrer l’attente angoissée de la mort vécue comme un fait déjà accompli :

  Viendra peut-être un jour pour d’autres plus habiles

  La ruse qui saura détourner son chemin,

 Mais pour nous c’est trop tard, il faut être dociles ;

  Poliment dire adieu aux plaisirs de demain[14]

 S’accepter pour ce qu’on est, être responsable de soi, se soumettre aux valeurs qu’on s’est librement choisies, comme l’amour l’amitié et l’humanité voilà un aspect fondamental de l’enseignement de C. Roy lequel constitue l’ordre de l’in-sensé, de l’informe, de « l’ironie d’échafaud », bref de l’absurde :

 Le mort que je serai s’étonne d’être en vie,

 Du chat sur ses genoux qui ronronne pour rien

 Du grand ciel sans raison, du gros vent malappris

 Qui bouscule l’ormeau et se calme pour rien[15]

 

II - « L’ironie d’échafaud »[16]

 Si la modernité se définit comme un devenir perpétuel mêlant l’ancien et le nouveau, une diffraction de l’incohérence et « du chaos qui chaotise » selon l’expression de Gilles Deleuze, l’ironie moderne elle aussi est « suspensive » : elle accepte le monde dans toute sa contingence, voire dans son immanence et son absurdité. L’ironie qui nous intéresse ici, loin d’être corrosive et polémique- comme c’est le cas de l’ironie antiphrastique et batailleuse- est conçue comme l’antidote conte le non-sens de la mort. Elle est inclassable, insituable et médiatrice. Elle se situerait donc dans l’interstice du dit et du non dit, balançant entre l’être et le non-être. Elle est « amphibologique »[17] puisqu’elle se lit de deux manières : au sens littéral non intentionnel et au sens non littéral intentionnel.

  Ironiser sur la découverte du « non sens de la vie »[18], selon l’expression de Jankélévitch ou « l’imposture de la mort » comme l’appelle Georges Bataille suppose une feinte plutôt qu’une fin en soi. Face à ce comble de l’inintelligible - la terminaison terminale de la vie-, l’individu prend conscience de l’inévitabilité de la catastrophe non plus à la troisième personne, mais plutôt à la première personne. En somme, l’ironie en ce qu’elle est une réponse apportée à l’absurde de la répétition, permet au poète de vaincre la peur de la mort, autrement dit, de survivre. D’après Etienne Souriau « l’ironie n’est pas seulement union et opposition des contraires sur le plan des interprétations, elle est aussi dialectique du ludique et du sérieux ».[19] Dans son poème La Belle mort[20] C. Roy se joue de la logique du temps de la mort : il fait parler les morts : ceux qui se trouvent dans un espace indéterminé, à la fois morts et vivants, des morts vivants qui ne sont pas tout-à-fait morts puisqu’ils rendent compte de leur expérience de la mort. Ce qu’ils ont vécu est ce que nous vivrons certainement à notre tour, comme solitude, pourriture, silence, effacement, oubli, gel, confusion, incompréhension, etc. Bref, c’est le non-être total, un rien absurde, un « ça été »[21], d’autant plus tragique qu’il s’oppose nettement à ce que fut leur vie farcie de gloire, de valeurs morales, de puissance et d’honneurs :

  Nous serons ceux qui ne sont plus

  Les trébuchants les trépassés

  Les effacés les confondus

 Les morts dont on ne parle plus[22]

 Cette mort attendue n’est autre qu’un rien. Un rien qui n’est pas du tout dans le sens d’un violent déni de la mort- c’est le cas du sacrifice meurtrier des volontaires de la mort, les hommes-bombes qui sont convaincus que de leur sacrifice sortira une situation meilleure. La pensée de C. Roy ne consiste jamais dans ce nihilisme là : oser dire que les morts ne seront rien revient à y penser sans cesse, sans essayer de provoquer celle des autres. C’est « la mort comme fluxion de petites morts »[23], selon l’expression de Jankélévitch, dans La Mort. Toute sa poésie est pratiquement centrée sur ce thème, ce qui est également une façon de nier l’existence de l’au-delà, encore moins du paradis et de l’enfer (la mort au sens religieux est due à l’intervention d’un agent suprême : Dieu qui veille sur tout). Car la vie n’est qu’une autre répétition de la mort « une vie retournée, la réplique et le symétrique inversé de la vie »[24] :

Feignons de croire à l’être de ce qui n’est pas

Et de croire au néant du trop vrai ici.[25]

 Comment feindre de croire à ce qui n’existe pas et comment croire au néant de ce qui existe : le vrai ? Le paradoxe semble insoluble, en fait, il s’agit d’admettre que ce qu’on croit et ce qu’on feint de croire se valent devant le non-sens de la mort. Grâce à la mort donc, tout peut revêtir un sens ou alors rien n’a plus aucun sens. Tout dépend de ce qu’on fera de cette notion.

  La mort n’est, du point de vue du poète, qu’une sorte de long sommeil dont la fin doit coïncider à une réincarnation minérale, végétale ou animale, comme le montre le poème Le Chiffre de la nuit où la non-vie des « princes de basalte » ou celle des « chevaliers très morts » du moyen-âge, semble constituer la mémoire-phare du poète et de sa bien-aimée. On eût dit que le passé lointain de l’amour s’est transposé dans le présent du « nous » qui est lui-même déjà mort. Une polyphonie de voix d’outre- tombe semble ainsi se tisser au-delà des barrières temporelles et spatiales pour aboutir à une sorte d’harmonie amoureuse entre les morts lointains du passé et ceux qui seront morts au futur : les condamnés au « mourir », c’est le cas de ce « nous » mortel impliquant les deux amoureux ou peut-être tous les amoureux dont la voie a été déjà bien tracée, bien délimitée par leurs prédécesseurs. L’amour-halte dans le temps apparaît donc comme une prédestination ou plutôt comme une fatalité heureuse :

  Très loin, très loin, plus embrouillée de noir et de

  Méprise

  Que de sable et de temps les princes de basalte

  Endormis au profond du sable, en Asie grise,

  Une étoile obstinée nous contraint à la halte.[26]

 La mort n’est pas un refus ou une fuite vers l’avant : au contraire, c’est à partir de là que le plaisir de la vie, en tant qu’il est un élément de la pensée elle-même peut trouver son juste accord. Ce plaisir est d’autant plus vivace qu’il se confond avec la précarité de l’existence. C’est pour cela que la vie étant ce qu’elle est, courte, éphémère et dérisoire ceux qui portent en eux leur propre mort : les morts en sursis[27] devraient agir contre « l’être-là »[28] de la mort, pour reprendre l’expression de Barthes et profiter de l’instant présent.

 Ne passez pas vos jours à vous passer de vie

 Ne passez l’amour à vous passer de temps

 Ne passez le temps à attendre la nuit

 ni les neiges d’antan

 Car votre mort en vous se moque de vos pièges[29]

 Dans la mort des autres - ce qui ne me concerne nullement-, je lis avec horreur, un futur antérieur[30] dont la mort est l’enjeu et la perspective. La vie du « je étant » dit la mort au futur, proche ou lointaine, peu importe, car dans tous les cas ce futur est une certitude absolue, tout comme le passé de la mort, d’ailleurs, puisque le fait de mourir conjoint le présent, le passé et un futur indéterminé. Que le sujet soit déjà mort ou non, son « ça été »[31] (et « cela sera » sont équivalents. Ces derniers vers accomplissent en fait une confusion ambiguë de la réalité « le ça été ! » et « la vérité folle » de toute vie mortelle qu’il faut savoir quitter un jour, comme on descendrait à une station de métro :

 Nous descendrons à la prochaine

 Et nous nous perdons corps et biens

  dans des couloirs de porcelaine

  qui ne correspondent à rien[32]

 Cette mort, la fin du parcours, devient à la fois constative et exclamative en ce qu’elle est la source de toutes les inquiétudes [33] et de toutes les angoisses. C’est de cette façon qu’apparaît donc l’ironie d’échafaud ou l’ironie du « rien » de C. Roy, équivoque et indéterminée, chaque fois que « l’urgence vitale se relâche », selon l’expression de Jankélévitch.

 A mesure que le sentiment de l’absurde gagne le poète, il y aurait automatiquement recours à cette forme d’ironie au moyen d’une écriture totalement déconstruite, voire déroutante : absence totale de ponctuation, absence de liaison thématique et sémantique, emploi étendu de l’asyndète et de l’allégorie, l’inconséquence, expression litotique, réemploi de formules figées, etc. L’exemple suivant offre un exemple typique de cette écriture décontextualisée. La mort aux aguets est comparée ici à une personne qui va et vient mais qui semble ne pas remarquer la présence de ce couple enlacé car vivant un peu en marge du temps. L’amour devient une sorte de passe-muraille, un passe-temps qui permet aux amants de percer le cercle fermé du temps implacable et de vivre pleinement leur amour. Si le temps de la mort est un temps qui est en perpétuelle marche, puisqu’il ne s’arrête jamais de tourner, le temps de l’amour, lui, linéaire, ne se répète pas, il s’arrête et se fige pour braver le mourir.

   La Mort s’en va Quand est mort c’est pour

 longtemps

  Mais moi j’ai dans mes bras une fille endormie

  A qui je fais l’amour  sorte de passe-temps[34]

 D’une manière plus simple, nous dirons que cette attitude, à la fois ludique[35] et tragique de la mort, traduit dans le fond une rupture entre le « je » du poète obsédé par le « mourir »[36] - l’infinitif, contrairement à l’indicatif étant un mode impersonnel[37]-, et un monde meurtri, vide de sens, en proie à ses incertitudes et ses contradictions. Pour Marcel Cressot, le caractère sommaire de l’infinitif lui permet de traduire le cri du cœur » qui jaillit avant que la pensée ait eu le temps de se coordonner syntactiquement[38]. On eût dit que le péril de la mort prochaine –conjugué toujours au mode infinitif-, exaltant l’instinct de conservation, met en avant la menace permanente de désagrégation et de déconstruction qui ruine l’équilibre fragile de toute structure :

 A l’obscur jeu pipé du naître et du mourir

 Mieux voudrait ne pas jouer, ni naître, ni périr.[39]

  Le poète semble ainsi se débattre contre cette négativité aiguë du temps circonscrit, arrondi et stylisé par la clôture de la mort,[40] comme l’écrit Jankélévitch. Car le temps du poème est un temps limité qui s’articule en laps de temps resserré entre naissance et mort, entre commencement et fin, chaque fragment phrastique, pareil à une île, fait du temps un épisode court dans l’éternité du néant : les deux néants qui l’encadrent : un néant d’avant le commencement et un autre d’après sa fin.

 A la mort, la grande disjonction superlative négation, le superlatif de l’échec, la faillite générale qui stoppe toute futurition[41], s’oppose ainsi les petites disjonctions, le temps discontinu, un point-virgule par lequel l’être s’affirme en essayant de nier le non-être de la mort, mais en vain car ce même temps est lui-même une mort progressive. Par une contradiction ironique, la régression se trouve ainsi inscrite dans la progression. La marche au non-être double la réalisation de l’être. A chaque moment, la positivité implique une négativité fragmentaire et un rythme continu.

  C’est un rythme qui mime par sa fluidité et ses enchaînements, la respiration aisée, déliée et épanouie du poète qui, dans un sursaut d’optimisme s’accroche obstinément et patiemment à sa vie. Porteur d’espoir et de non-mort, ce rythme est révélateur du refus de l’interruption brutale, celle de la mort subite.

  Nous émergeons toujours à l’instant du sourire

 Qui nous rend l’un à l’autre et le jouir à ta joue

 De cette fausse mort de fable et de délire

 Pour retrouver la vraie, qui sait nous mettre en joue[42].

 C’est l’émergence du poète au temps de la plénitude et du sourire : la vraie mort dans et par l’amour, par opposition à la fausse mort, celle du délire et du mensonge, comme si la véritable passion amoureuse était indissociable de la mort. Les nombreux rejets auxquels il a recourt sont fortement suggestifs de cette harmonie intérieure et de cette domestication de la mort :

Mais moi Que voulez-vous que je dise de moi

Je ne vis qu’une seule fois mais c’est toujours ailleurs

 Je vis de mille vies Je meurs de mille mort

 Dénoue ce que j’ai noué déjoue ce qui me lie

 Sorte d’absent-présent que vous nommez un homme[43]

 Ce fragment de souffle ou plutôt ce soupir fragmenté, correspond à une phrase non ponctuée, inachevée, sans bornes temporelles, jetant des ponts entre deux rives : le silence de la mort et le faux chuchotement de la vie, entre la présence et la non-présence, entre la réalité et l’illusion :

 Puis le silence fait silence

  semblable au faux chuchotement

 qui ferait croire à la présence

 que le silence enfin dément[44]

 Car ponctuer c’est, c’est d’une certaine façon, marquer le temps écoulé entre les différents segments de la phrase en butte à la mort. Ce qui aurait donné des phrases anecdotiques, plus circonscrites dans l’espace du poème. De par son aspect inchoatif[45]et inachevé, le système verbal de l’écriture de la mort chez C. Roy semble ainsi échapper à l’emprise de la temporalité pour atteindre la sphère d’une expression aspatiale, atemporelle, étrange, ambiguë, reflétant un rythme d’évènements non ponctués, non limités dans leur déroulement.

« Ce qui m’obsédait, écrit C. Roy, dans Paroles d’Aube, c’était la réalité de ces suspens du temps, où il semble que le fleuve irrésistible s’arrête un instant »[46]

 Ce fossé que creuse la poésie de C. Roy entre le poème et le monde, entre la vie et la mort, entre l’être et le non-être est profond. La double détente des mots fait que la réception de cette écriture blanche- faite essentiellement de silence-, ou la poétique du fragment[47] comme l’appelle André Guyaux est d’une déconcertante opacité sémantique qui serait faite, peut-être, à l’image du voilement de la mort ou du « rien dans du gris »[48], selon l’expression de l’auteur. Sans cette dose d’opacité et de non-sens, le poème- comme la vie d’ailleurs,- ne serait pas le poème :

  Je me souviens de toi

 Et je ne suis plus seul

  La mort est une erreur

  Une fausse nouvelle

  Pour qui donne la vie[49]

  L’emploi de l’asyndète et de l’inconséquence[50] (suppression de liaison sémantique) dans ces vers, plutôt étranges, aboutit à créer un rythme discontinu, une vision fragmentée et parcellaire de la vie habitée, hantée, voire minée par la mort et la peur de l’inconnu. Cet inconnu n’est autre dans le fond, pense C. Roy que celui qui nous écrit, nous habite et que seule l’écriture fait affleurer à la surface :

  Un des plaisirs que donne la littérature, et plus particulièrement la poésie, c’est qu’on ne sait pas ce qu’on va écrire, ce qui va s’écrire en nous, ce qui va émerger et venir au jour du fond de notre inconscient. Le bonheur d’écrire, c’est aussi, c’est peut-être surtout, l’inattendu, la visite, parfois, de cet inconnu en nous que nous ne connaissons pas.

 Ainsi, le style très dépouillé de cette poésie où prédomine les propositions courtes et où l’hypotaxe est réduite à l’extrême ainsi que l’absence de coordination syntagmatique produit une vision insulaire et éclatée qui favorise le sentiment de l’absurde, de l’incohérence, voire de l’erreur. L’inconséquence réside ici dans le fait que ce poème ne comporte pas d’enchaînements logiques entre les images évoquées. A peine pourrions –nous établir un lien sémantique entre la « mort », « l’erreur » ; « la fausse nouvelle » et le syntagme « pour qui donne la vie ».

 Dans cet espace poétique libératoire - fait pour le déploiement des puissances suggestives et la suspension du temps ou le hacer tempo, comme l’appelle l’auteur- la rupture du message ou ce que Jean Michel Adam appelle le sens référentiel[51] est totale, car entre le réel et l’irréel toute correspondance semble impossible. Comment en effet concevoir la mort comme erreur, alors quelle est la seule et unique vérité de la vie ? Néanmoins, le sens issu d’un système non pas  homogène[52] mais plutôt  hétérogène, selon l’expression de G. Deleuze (ne s’éclaire que grâce aux liaisons discrètes qu’il entretient subtilement avec les autres éléments du discours. L’écriture poétique devient ainsi un moyen de libération de la vie emprisonnée entre les mots, un exutoire de la tension, bref, une catharsis qui permet au poète de survivre et de rêver au-delà du temps et de la mort.

« On écrit toujours pour donner la vie, pour libérer la vie là où elle est emprisonnée, pour tracer des lignes de fuite. Pour cela, il faut que le langage ne soit pas un système homogène, mais un déséquilibre, toujours hétérogène : le style y creuse les différences de potentielles entre lesquelles quelque chose peut passer, se passer, un éclair surgir qui va sortir du langage même. »[53]

 Ainsi, si la mort du poète est perçue comme une « erreur », une injustice, c’est parce que le créateur à l’instar de Dieu ne meurt pas. Donc, l’erreur ne peut avoir de sens que par rapport à une autre vérité, cette fois-ci très relative, celle de l’artiste, et surtout celle de l’amoureux pour qui l’amour de la bien aimée constitue le véritable contre-temps ou l’antidote de l’ironie du temps.

 Pour conclure sur cette première partie, nous dirons que l’ironie d’échafaud, en ce qu’elle est feinte et jeu avec le temps, devient chez Claude Roy un tremplin de vie et d’amour lui permettant d’échapper au tragique du « mourir ».

 

III - L’amour ou le piège à temps

 Si le temps est cynique et « bête comme un moteur, bête comme un alexandrin »[54], car ne s’arrêtant jamais de tourner, de courir, de piétiner, et de se « moquer des belles choses » de la vie, le « contre-temps »[55] lui, ascensionnel et ouvert est « comme une échelle à monter aux grand’places d’aurore »[56]. Il est ce qui permet au poète d’échapper au temps, de passer au travers du rideau, d’oublier les gros sabots du temps et d’atteindre les « grand’places d’aurore », c’est-à-dire, cette ouverture sur un jour nouveau plein d’espoir et de promesses. Cette possibilité extraordinaire et quasi magique, seul l’amour, entre autres celui de la femme, peut nous l’offrir. L’épitrochasme (l’accumulation) relatif à sa désignation atteste de l’importance considérable que le poète surréaliste accorde à cette femme-échelle et à l’amour comme principe de vie. Sans elle, le poète est comme paralysé, pire encore, il est condamné à subir, les gros sabots du temps :

 Mon échelle à monter aux grand’ places d’aurore

 ma douce, ma songeuse, et mon seul passe-temps,

 dans le chaud mélangé de notre double corps

 nous n’entendons plus les gros sabots du temps[57].

 Aimer pour C. Roy, c’est être à la fois un et deux : c’est aussi se mélanger avec l’autre, c’est s’abîmer dans l’autre pour ne plus former qu’un corps double, une fusion indéfectible. Aimer l’absent, voire lui parler comme s’il était présent est une aventure sur le versant des songes[58], où seule la prudence égare[59], selon l’expression de R. Gary et où « la mise en scène langagière »[60] comme l’appelle Barthes vise à éloigner la mort de l’autre qui aurait tendance à être insaisissable, un peu à l’image du temps que rien ne saurait arrêter :

 Je te poursuis sur le versant des songes

 Mais tu glisses de moi comme le sable en la main

 Et comme un coquillage invente son mensonge

 La courbe de ton corps esquive ton dessein[61]

 Ainsi, l’amour idéal est avant tout aventure, au péril de sa propre vie : un pur produit de l’imagination, un amour virtuel, « une énigme insoluble »[62], pour reprendre Barthes, un mensonge qu’on invente pour échapper à l’emprise de la mort et par là atteindre d’autres horizons.

 Mourir ou bien dormir le flux et le reflux

 Me ramènent toujours aux lieux où j’ai souffert

 Mais que le chant du coq à l’aube revenue

 Mais qu’un rai de soleil qu’un pigeon qu’un appel

 Que le matin léger me rendent l’enfant nue

 Me voici de nouveau le complice du ciel[63]

 Aimer, c’est ne jamais connaître l’autre puisqu’il se présente comme un objet impénétrable n’ayant pas d’existence déterminée. C’est, d’une certaine façon, le chercher partout : dans chaque aube, chaque rai de soleil, chaque chant du coq, chaque matin renouvelés. La quête devient alors mystique puisque l’autre est consacré comme un Dieu qu’on aime à fond, mais qu’on n’a jamais connu. Telle semble être sa conception du bonheur qui est fortement imprégnée de philosophie boudhiste[64]. Ce bonheur est à chercher en nous et non en dehors nous, il est donc à construire et à façonner sans cesse. Il est, à l’image de l’ironie de la vie, une tension infinie vers un sens à réaliser, mais jamais accompli et achevé. Ainsi, débarrassé de son objet, à savoir le désir de possession source de toutes les souffrances (pour le boudhisme), l’amour devient total, absolu, voire exclusif. Peu importe donc que cette figure féminine soit absente ou présente. Seule compte, pour le poète, sa féminité, incarnée par une voix, un regard, un sourire, etc. Car cette féminité est posée comme l’unique valeur qui soit capable de nous préserver de la violence, la bêtise idéologique, et surtout l’oubli occasionné par le temps. Elle est « l’avenir de l’homme », selon la célèbre expression de L. Aragon :

 Mais plus personne plus personne

 Ne se servira de mon cœur à moi

 Ni de ta voix à toi qui résonne

  Dans mon oreille et mon corps à moi[65]

 Dès lors, aimer devient un acte exclusif fort complexe, c’est imaginer, inventer et ressusciter l’autre au-delà de la mort et de l’oubli, c’est aussi lui donner une seconde vie qui se situe entre la vie et la mort et qui est la synthèse de deux êtres confondus par le cœur, par la voix et par le corps. Cette synthèse, contrairement au déroulement cyclique du temps qui répète tout, est unique et inimitable : plus personne ne pourrait la reproduire. C’est l’amour- à-mort : une alliance oxymoresque de présence et d’absence, de plaisir sensuel et de crainte de la mort à venir, bref, c’est la conjonction d’Eros et de Thanathos qui semble attiser la flamme amoureuse :

 Je t’attends je t’attends je guette ton retour

 et le premier regard où je vois où je vois émerger

 Eurydice aux pieds nus à la clarté du jour

 Dans cette enfant qui dort sur la plage allongée.[66]

 De même, aimer c’est accéder au domaine onirique, à « la vraie vie », au sens entendu par les surréalistes, pour qui le rêve, le hasard et l’amour constituent le fondement de la nouvelle Poésie. C’est un acte d’arrachement non référentiel, sans prédicat, détaché de toute pesanteur et de toute rémanence du passé. L’imagination et la réalité s’entremêlent dans une sorte de mélange insondable et étrange. Pour le poète hanté par la mort et l’effacement, l’amour relève de cette présence absentée puisque l’être aimé- objet de toute quête-, même absent continue à habiter notre imagination. Il est donc à la fois réel et irréel, insaisissable et protéiforme, cet être multiple pareil à l’ironiste est, selon l’expression de Jankélévitch « toujours intermédiaire entre la tragédie et la légèreté »[67] :

 Je t’attendrai en haut de la plus haute tour

 Où pleurent nuit et jour les absents dans le vent

 Quand les oiseaux fuiront, je saurai que le jour

 Est là marqué des pas de celle que j’attends[68]

 Dans cet amour fantasmagorique, la femme aimée se confond avec la lumière du jour, avec la nature, mais aussi avec les pleurs incessants des « absents ». Dans cette nature où tout est langage évocateur de la femme et où interagissent l’amour et la mort, le « je » parlant et le « tu » virtuel et où chaque élément est témoin de cette présence-absence, tout semble se confondre et s’embrasser dans une sorte de fusion parfaite entre le poète et la nature qui s’est substituée à sa bien aimée. L’amour de la nature et l’amour de l’autre sont et seront toujours indissociables.

 Cette femme adulée et célébrée comme une déesse prend ainsi des dimensions cosmiques, on peut même parler de « pantégynie »- Elle constitue même tout l’univers de lumière et de beauté auquel aspire sans cesse le poète, d’où la récurrence de ce futur de la voyance (massivement présent dans tout le recueil), un peu à l’instar de la voyance rimbaldienne, sauf que l’illumination et la clarté vers lesquelles veut nous conduire le poète n’ont rien de divin ( il n’ y a ni paradis ni enfer chez lui, mais que l’absence occasionnée par la mort et réparée par l’amour). Contrairement à Rimbaud, condamné à porter la malédiction du poids de l’enfance « cette sale éducation de l’enfance », comme il l’appelle dans L’Eclair, C. Roy est entièrement tourné vers l’Avenir ou plutôt vers la quête des signes précurseurs de l’amour. Car le moindre détail qui pourrait passer inaperçu pour d’autres, est là pour lui rappeler cette beauté extra-féminine à la fois corporelle et incorporelle : les algues, le sel, les herbes, etc.

  Je te reconnaîtrai aux algues de la mer

 Au sel de tes cheveux aux herbes de tes mains[69]

  Cette femme réinventée sans cesse est la passerelle entre la vie et le rêve, c’est-à-dire ce qui lui permet de vivre poétiquement, voire « religieusement » dans un monde où la foi en Dieu, de plus en plus exacerbée et meurtrière, a tendance à évacuer l’essentiel et à tout pervertir. Cette approche de l’amour total, conçu comme un élan vers un absolu de beauté, n’est pas sans rappeler celle d’Alain qui voit que l’amour est- contrairement à ce que pense la religion chrétienne-, par lui-même religion : celui qui est aimé est crée de toutes pièces, incorporel. Douter de cela, c’est aimer moins, c’est trahir[70].

 Néanmoins cet amour qu’on s’invente, qu’on construit et qu’on dresse comme un paravent pour parer à la fuite du temps est toujours menacé par l’usure de la mort et de la perte, il est perçu comme un amour condamné et déjà accompli, déjà fini, et déjà détruit par le temps. C’est un futur équivoque de fatalité à la fois tragique et amoureuse : l’amour comme la mort est une prédestination. Contre la fatalité de la mort, le « je » qui est déjà mort pose le souvenir et le retour au même point de départ : l’amour éternellement recommencé au-delà de toute limite temporelle (« je reviendrai, je reviendrai »), comme en témoigne la structure hypozeuxique du vers liminaire de « La Petite fille qui pleure encore », ainsi que le paradoxisme du second vers du même poème. La parataxe du vers deuxième laisse voir un rapport antithétique entre ses deux versants, ce qui peut être traduit comme suit : je serai mort et pourtant tu continueras à m’aimer au de là du temps. Le ton de défi lancé à la mort confère à cette prosopopée une sorte d’optimisme forcené et inégalable. C’est l’optimisme des morts-vivants que rien ne peut désormais consoler, à part le fait de se savoir aimé par l’autre ainsi que de se savoir capable d’aimer outre-tombe.

Je reviendrai je reviendrai

Je serai mort Tu m’aimeras

A la lisière des forêts

Un jeudi soir tu me verras

Je serai mort Je te dirai

Ne pleure plus prends mon mouchoir

Ah que de larmes sont salées

Surtout n’aie pas peur dans le noir

Puisque je suis là pour t’aimer

Jusqu’à la fin de la nuit noire

Et de la vie et du passé

Jusqu’à la fin de cette histoire

Si banale et si effacée[71]

 Cette fusion de l’amour et de la mort est telle que l’un et l’autre, imbriqués et confondus, ne forment plus qu’une seule entité. Un entremêlement que le poème tente de traduire par des vers parfaitement soudés et enchaînés et où la ponctuation y fait totalement défaut, car cela risquerait de gêner la fluidité du poème qui se veut ruissellement, jactance et labilité amoureuse.

 Il s’agit donc non seulement de partager son amour avec l’autre, « la lointaine , « la dormeuse », « la songeuse » ou autre, mais aussi avec la « gisante », la morte, celle qui n’est plus qu’un souvenir, celle qu’on ne cessera jamais de chercher partout dans l’univers, car introuvable, insaisissable et quasi chimérique, d’autant qu’elle est l’inspiratrice d’un autre amour plus large, celui de la mer, du vent, du matin, des étoiles, de la pluie, du jour, de la nuit... bref de tout l’univers, avec toute sa magie et ses miracles de vie :

  Toi ma dormeuse mon ombreuse ma rêveuse

 Ma gisante aux pieds nus sur le sable mouillé

 Toi ma songeuse mon heureuse ma nageuse

 Ma lointaine aux yeux clos mon sommeillant oeillet[72]

 Paradoxalement, cette précarité est elle-même source de bonheur et de plénitude. Se savoir mortel n’est pas une tare, au contraire, toute son énergie de vivre, le poète la tire de ce sentiment de faiblesse qui doit normalement nous inciter à voir autrement la vie et à défier le temps de la mort. La femme célébrée n’est plus appréhendée comme un être-dans- le- temps (un présent circonscrit), bien reconnaissable et bien décelable. Mais comme un être-pour-le-temps du bonheur, entre la vie et la mort, entre la présence et l’absence. Le bonheur réside en somme dans ce croisement merveilleux de regards éternels transcendant l’espace, le temps et le corps lui-même. Une telle rencontre ne peut avoir lieu que dans le noir de la nuit bienfaisante :

 Ma vive où que tu sois si loin que presque morte

 Si loin de mon sommeil de ma main de mes yeux

 Nous croisons nos regards au-delà des distances

 Au delà de l’oubli du temps et de la mort

 Qui nous retrouvera dans le même silence[73]

 Cependant, le bonheur visé n’est pas exempt de tragique, puisque le plus dur est de pouvoir le conserver et l’entretenir. Comme le dit Camus, il n’y a rien de plus tragique que la vie d’un homme heureux. Le bonheur, c’est d’avoir quelqu’un à perdre,[74] selon l’expression de Philipe Delerm. D’ailleurs, le bonheur résultant de la fusion amoureuse désignée par le syntagme « un seul corps » est indissociable de la mort.

 Partagerons-nous notre mort

 Ainsi du lit et des draps blancs

 Où l’autre et l’un glisse un seul corps[75]

  Notons ici l’absence d’accord entre le verbe glisser et le sujet pluriel « l’autre et l’un », perçu comme une même personne ou plutôt comme une interversion de la personne. Car l’un n’est que le substitut de l’autre. Le poète et sa bien aimée sont confondus ainsi dans un seul corps qui glisse amoureusement dans les draps blancs de l’amour et de la mort. On eût dit que l’amour en ce qu’il est fusion et disparition dans le corps de l’autre est lui-même une forme de mort. Dans Coplas, la fusion de l’amour et de la mort prend un aspect sépulcral puisque le poète, affirmatif (« je veux ») n’aspire plus qu’à se substituer au sépulcre- métonymie synecdochique de la mort-, qui embrassera le corps de sa bien aimée et le sien, pour toute l’éternité. Ainsi, le poète devenu sépulcre, embrassera pour l’éternité le corps de sa bien aimée, morte. Notons à ce niveau, le possessif particularisant : « notre » devant « éternité », pour insister sur le sens non pas religieux de ce terme, mais plutôt sur sa valeur affective et amoureuse. Alors que l’éternité religieuse est vécue en solitaire, car on meurt toujours seul, l’éternité rêvée par le poète est conjugale. Mourir à deux est moins tragique que de mourir en solitaire. C’est donc cet amour éternel qui est capable de donner un sens non seulement à la vie, mais aussi à la mort. Aimer et mourir, c’est en quelque sorte ne pas mourir bêtement.

 Je veux être le sépulcre

  Où tu seras enterrée

 Pour te tenir embrasée

 Toute notre éternité[76]

  Dans le poème suivant Matinale[77], nous allons nous attarder sur l’aspect féerique et quasi surréel de cette fusion amoureuse et son interaction avec l’idée de finitude. C’est toute la nature extérieure (la lumière matinale, l’ange du matin et l’oiseau) qui est mobilisée ici pour permettre aux deux amoureux hésitant entre la veille et le sommeil, en somme deux morts en sursis, de connaître un réveil matinal en douceur. Faire de ce moment quelque chose de fantastique, tel semble être le souci premier du poète :

Le jour cherche son chemin

Hésitant au fond du noir

Plus timide que la main

Caresseuse au creux du soir

Il entre par la fenêtre

Glissant entre les amants

Délie les corps que pénètre

Sa tiédeur nonchalamment

L’ange sage du mensonge

A la dormeuse à demi

Livre le début d’un songe

Encore embrouillé de nuit

C’est pour qu’un oiseau perdu

S’il entre par la croisée

Garde très longuement tu

Le secret qui reposait

Dans les bras le sein la joue

le doux ventre clair-nacré

de l’enfant sur qui se jouait

un rayon aventuré.

 Dans ce poème extrait de la sixième et dernière partie du recueil Poésies de C. Roy, ce qui attire notre attention, outre la fluidité du rythme favorisant les nombreux enjambements, ce sont les trois composantes syntaxique, rhétorique et sonore qui fonctionnent de concert pour créer une atmosphère digne des contes merveilleux. Tout le poème qui se présente comme un élan lyrique mâtiné de déréalisation fantastique est fondé en effet sur une personnification intensive de tous les agents du bonheur vécu par les deux amants, à moitié endormis, dans une chambre ayant une fenêtre ouverte sur l’extérieur.

-Le titre : « Matinale »

 D’emblée, le titre sans détermination aucune, commence par installer une certaine hésitation interprétative dans le poème. Toute la poésie de ce texte réside justement dans cette indétermination renforcée par l’absence de localisation spatio-temporelle. Dans ce cadre déréalisé, les personnages eux-mêmes dépouillés de leurs caractères spécifiques, prennent une valeur de types à la fois familiers et étranges. L’adjectif qualificatif, au féminin singulier, laisse penser déjà que c’est la lumière du jour entrant par la fenêtre qui est matinale. Ou peut-être, c’est la douce incursion de la lumière dans la chambre des deux amoureux qui serait- au sens liminaire du terme-, matinale. Mieux encore, c’est la femme à moitié réveillée qui serait confondue avec le matin. La femme, on serait tenté de dire, est matinale, elle est le matin de l’humanité qui se réveille.

 Ce thème de l’amour associé à la lumière matinale et à l’ouverture sur un monde nouveau est d’ailleurs ce qui constitue chez Claude Roy un thème récurrent. Dans un autre poème du même recueil (Petit matin), la lumière du matin correspond à la quête infatigable de la bien aimée, elle même confondue avec une nature quasi féerique. Cette omniprésence féminine, est ce qui imprègne également notre poème placé sous le signe de l’amour éternel et absolu. Sauf que l’amour ici n’est pas l’objet d’une quelconque quête humaine. C’est la lumière à la recherche des deux corps enlacés qui devient elle –même complice de ce bonheur ou plutôt de ce moment sublime où s’entremêlent la vie et la non vie, la présence et l’absence. Le bonheur, semble dire le poète dépend aussi de notre relation avec le monde extérieur qui est généreusement présent ici, alors que les deux amants absents au monde se laissent gagner par cette lumière venue de très loin, peut-être même du monde des morts. Pour être heureux, il suffit de se laisser imprégner par la beauté de cette vie où tout est finitude et recommencement. Rien de plus simple en effet. Ce matin magique et bienveillant entreprend ainsi de réveiller en douceur les deux amants endormis. Il ne serait pas inintéressant donc d’examiner cette lente progression de la lumière matinale qui semble ainsi mimer le doux réveil de la femme-enfant.

Le mouvement du poème

 Il s’agit d’un poème composé de six strophes en heptasyllabes. Les trois premiers quatrains sont formés chacun par une phrase. Les trois autres quatrains forment la quatrième phrase du poème. Cette structure décroissante, (3+1) traduit une sorte d’évanescence de la lumière qui, une fois au contact des deux corps accolés se trouve comme adoucie, apaisée et transformée, donc moins violente qu’à l’entrée. Ainsi, d’un rythme saccadé et bref, dans les trois premiers quatrains, on est passé imperceptiblement à un rythme fluide et quasi liquéfié dans la seconde partie où les mots semblent s’embrasser et s’emmêler dans une sorte de fusion et d’harmonie totale entre :

 -La lumière matinale et le corps clair-nacré de la femme.

 -Entre les deux corps formant un chiffre d’amour (chiffre est çà entendre au sens de mystère)

 -Entre les deux corps et les deux adjuvants : l’oiseau et l’oiseau.

 -En syntaxe, nous relevons surtout le recours aux procédés qui soutiennent la tonalité surréelle et merveilleuse de ce poème :

 -Le recours à la phrase courte (l’heptasyllabe) pour produire un effet de détachement du réel tangible, mais aussi de légèreté éthérée évoquant cette lumière venue exprès du ciel. Chaque action dans ce poème correspond à une vision fragmentée et pointilliste, on eût dit qu’il s’agit d’une peinture onirique digne d’un tableau de Chagall ou de Miro.

 -Une ponctuation plutôt faible et peu marquée, ce qui contribue bien sûr à la fluidité foncière de ce poème où tout semble flotter un peu à l’image de cet ange et de cet oiseau entrant par la fenêtre.

 -L’emploi du présent atemporel, ce qui corrobore le caractère merveilleux de cette scène angélique.

 -Le recours à la parataxe asyndétique, au niveau du sixième quatrain, surtout, pour servir une syntaxe d’attente sur la quelle se fonde toute la seconde partie du poème. On a l’impression que le poète veut entretenir le suspense jusqu’à la fin du parcours accompli par le rayon folâtre du matin du bonheur. L’apothéose finale correspond à un moment de plénitude dans l’absence : la douce rencontre entre la lumière du jour et le ventre de la femme-enfant.

 -La rhétorique de la plénitude

 A ce niveau de l’analyse, on peut signaler la récurrence remarquable de la figure centrale de la personnification qui traverse le poème de part en part. Dans un élan de lyrisme mâtiné de surréalité, le poète a tendance à tout personnifier, et à tout concrétiser : « le jour » (Q1, Q2), « l’ange » du bonheur et de l’amour(Q3), l’oiseau féerique du matin (Q5), « la clarté »(Q4), « le rayon » (Q6).

 -La métaphore filée du matin cherchant à réveiller les amoureux

 -La métaphore énigmatique du « chiffre d’amour »

 -La métaphore surréaliste de la femme-enfant

 -L’oxymore bâti sur un paradoxe fort intéressant au vers 9 : « l’ange sage du mensonge », pour dire la rencontre entre la lumière du jour (symbole de la réalité mensongère) et l’ange sage du bonheur. C’est aussi le croisement de deux isotopies antinomiques, l’extérieur et l’intérieur, le dedans et le dehors, etc.

 -Notons enfin le recours à l’allégorie, cette figure de pensée qui permet ici au poète de raconter l’amour dépouillé de toute dimension érotique au moyen de termes simples, mais ô combien suggestifs. « Matinale » peut se lire donc soit comme un conte merveilleux soit comme un poème où tout est sens : la forme comme le fond et notamment la musique et le rythme.

 Pour compléter cette modeste étude, il serait intéressant également d’examiner le niveau phonique de ce poème. En effet, tous les éléments phoniques semblent favoriser une sonorité douce et agréable à entendre. L’assonance en voyelle ouvert pour soutenir la fluidité, la labilité ; mais aussi l’ouverture, caractéristiques de cette lumière ruisselante du matin : « fenêtre », « cherche », « pénètre… ». De même, pour les nasales dans, « glissant », « chant », « amants », « songe », « mensonge », « longuement », etc., ce qui accentue la mélodie de certains vers. On eût dit que le poème se transforme en une symphonie musicale qui nous transporte dans un monde enchanteur et féerique.

 Cette ambiance à la fois festive et est assurée également par le recours aux allitérations qui participent à l’écoulement du rythme et à sa fluidité qui semble couler de source. Ainsi, les consonnes nasales : /m/ dans « chemin », « timide », « main », « amants », « amour »… et /n / dans : « noir », fenêtre », « pénètre », produisent un effet de douceur, de légèreté et de souplesse, ce qui fait penser peut-être à la délicatesse, à la mollesse et à la nonchalance de ce jour personnifié qui glisse avec la plus grande discrétion dans la chambre des deux amants. D’ailleurs, l’assonance de la spirante en /s/ dans « l’ange sage du mensonge », confirme également cette impression de glissement et de sifflement aérien, éthéré, voire surréel. Le réel et l’irréel, la vie et la mort se confondent si bien qu’on ne sait plus distinguer la frontière entre les deux.

 En guise de conclusion, on peut dire que les niveaux, rythmique, sonore, syntaxique, interagissent entre eux pour faire de cette écriture poétique, fort dépouillée au demeurant, un hymne merveilleux à l’amour et à la vie. Quoi de plus beau, semble dire Claude Roy, que ces deux corps caressés par la lumière du matin !

 On n’est pas donc loin du « je est un autre » de Rimbaud qui pousse l’abnégation jusqu’à effacer sa propre personne. Sauf qu’ici, le « je » du poète, essentiellement conscient de sa finitude, est exclusivement tourné vers l’être-aimé-pour- le mort qu’on aime d’autant plus fort qu’il est destiné à mourir et à disparaître à jamais.

 

Conclusion

 De cette modeste étude du mourir, il ressort que l’écriture de la mort ou ce qu’il appelle « l’ironie d’échafaud » est fort complexe. Toutefois, on peut, avec un minimum de rigueur, en cerner les principaux traits :

 -Syntaxiques : le recours à la répétition, sous toutes ses formes (syntaxiques, sémantiques, rythmiques, sonores, etc.), dans le seul but d’élucider le réel hanté par la mort. Répéter, devient pour cet –être-pour –la mort, ce « poète –mineur », un moyen de dominer sa peur de la mort.

 -Enonciatifs : c’est le mélange que le poète effectue souvent entre le je vivant et le je mort ou ce qu’il appelle « le mort en sursis », autre étrangeté linguistique, c’est lorsque le « je » vivant du poète parle de lui-même, à la troisième personne, comme s’il était déjà mort.

 -Rhétoriques : le recours à l’allégorie dans plusieurs poèmes, ce qui a pour effet

de conférer à cette écriture de la mort une certaine fluidité, une façon, peut- être, chez lui, de domestiquer la mort et de la rendre plus vivable au quotidien.

 -Philosophiques : la mort n’est pas une tragédie, mais, plutôt un « rien » dans un monde livré au hasard et à l’ironie destinale, comme le pensent les épicuriens, car une fois morts on n’est plus rien. Seuls les contre-temps de l’amour et de l’art sont capables de nous préserver de cette absurdité.

Samir Mestiri

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sousse

Département de Français

Les œuvres utilisées pour cette étude

C. Roy, Poésies, Gallimard, 1970.
C. Roy, La Conversation des poètes, Gallimard, 1993.
C. Roy, Paroles d’Aube (Entretien avec Charles Juliet), Vénissieux, 1994.

Corpus des poèmes cités :

-Les autres étés

- Complainte du réseau métropolitain

- Le chiffre de la nuit

- Le temps

- Contre-temps

- Encore un jour

- La dormante

- Je dis toujours la même chose

- Coplas

- La petite fille

- Bestiaire du rouge-gorge qui s’est perdu au ciel

- Mémoire nocturne

- Amour

- Le poseur de questions

- Hommage à Omar el Kayam

- Absence

- La belle mort

- Le chiffre de la nuit

- Mille morts

- La poursuivie

- Le silence et dors

- Ça m’est égal

- Tombeau de Paul Eluard

- Les autres étés

- L’attendue

- Petit matin

- Matinale

Bibliographie sélective :

- Adam J-M., Langue et littérature, Hachette, 1991

-Barthes R., Fragments d’un discours amoureux, Seuil, 1977.

-Barthes R., La Chambre claire, Gallimard, 1980.

-Barthes R., in Préface de Les Romans de Robbe-Grillet de Bruce Morissette, éd de Minuit, 1963.

-Bayard P., Maupassant juste avant Freud, éd. de Minuit, 1994.

-Cressot M., Le Style et ses techniques, Puf, 1974.

- Delerm Ph., Le Magazine littéraire, n°425, nov. 2003.

-Deleuze J. Pourparlers, éd. de Minuit, 2003.

-Grevisse M., Le Bon usage, 13eme éd. Duculot, 1993.

-Herschberg Pierrot A., « Clichés, stéréotypie et stratégie dscursive dans le discours de Lieuvain (Madame Bovary, II, 8) », Poétique n° 36, déc., 1980.

-Jankélévitch V., La Mort, Ch. Flammarion, 1977.

-Maulpoix, J., « Pour un lyrisme critique », in Le Magazine littéraire, n° 399, 2001.

-Molinié G. et Mazaleyrat J., Vocabulaire de la stylistique, Puf, 1989.

-Roubaud J. et Gardais J., in Préface de Poésies de Claude Roy.

-Souriau E., Vocabulaire d’Esthétique, Puf, 3ème éd., 2004.

 


[1] D’après G. Molinié et J. Mazaleyrat, Vocabulaire de la stylistique, PUF, 1989, p.302 : « l’itération qui constitue la répétition, en fait, a pour matière le phonème, la lexie, le segment ou la phrase entière, voire le texte. »

[2]C. Roy, Poésies, Gallimard, 1970.

[3] C. Roy, Poésies, op.cit. p. 130 : « Je dis toujours la même chose ».

[4]A. Herschberg-Pierrot, Clichés, stéréotypie et stratégie discursive dans le discours de Lieuvain (Madame Bovary, II, 8), Poétique, n° 36, déc.1980, pp.88-89. 

[5] P. Bayard, Maupassant juste avant Freud, Les éditions de Minuit, 1994. p.162.

[6] Voir J. M. Maulpoix in « Pour un lyrisme critique », in Magazine littéraire, n° 399, 2001.

[7] C. Roy, La Conversation des poètes, Gall. 1993, p.14.

[8] C. Roy, Paroles d’Aube, Entretien avec Charles Juliet, Vénissieux, 1994. p.22.

[9] C. Roy, La Conversation des poètes, op.cit., p.1.

[10] Jankélévitch, La Mort, Champs Flammarion, 1977, p.24.

[11] C. Roy, Poésies, op.cit., p.96 : « Hommage à Omar Khayam »

[12] M. Cressot, Le Style et ses techniques, PUF, 1974, p.163.

[13] C. Roy, Paroles d’Aube, « Entretien avec Charles Juliet », op.cit.

[14] C. Roy, Poésies, op.cit., p.

[15] Ibid., p. 94 : « Le Poseur de questions ».

[16] Voir Préface de J. Roubaud et de P. Gardais, in Poésies : l’expression est de C. Roy, forgée sur celle de Freud, « l’humour d’échafaud ».

[17]V. Jankélévitch, L’Ironie, Champs Flammarion, 1964, p.133.

[18]V. Jankélévitch, La Mort, op. cit., p. 92.

[19] Etienne Souriau, Vocabulaire D’Esthétique, Puf, 2ème éd, mai 2004, p. 901.

[20] C. Roy, Poésies, Gallimard 1970, p. 85.

[21] R. Barthes, La Chambre claire, Cahiers de cinéma, Gallimard, Seuil1980, p.124.

[22] C. Roy, Poésies, op.cit., p. 85 : « La Belle mort ».

[23] Jankélévitch, op.cit, p. 261 : Pour ce dernier, la mort n’est pas un évènement unique puisqu’elle se trouve répartie le long de la durée, sur toutes les heures et sur toutes les minutes : « L’être de l’homme ne cesse de cesser, l’être de l’homme cesse incessamment »

[24] Jankélévitch, La Mort, op.cit., p.65.

[25] C. Roy, Poésies, op.cit., p. 95 : « Hommage à Omar kayam »

[26] C Roy, Poésies, op.cit, « Amour », p.105.

[27] Voir Préface de Pierre Gardais et Jacques Roubaud in Poésies de C. Roy, op.cit., p. 10.

[28] R. Barthes in Préface à Les Romans de Robbe –Grillet de Bruce Morissette, éd. de Minuit, 1963, p.10.

[29] C. Roy, Poésies, op. cit., p117 : « Contre-temps »

[30] D’après Maurice Grevisse, in Le Bon usage, le futur antérieur se définit comme suit : « le futur antérieur peut concerner un fait passé par rapport au moment de la parole, mais qu’on envisage par rapport au moment où il sera vérifié. »

[31] R. Barthes, op. cit., p.176.

[32] C. Roy, op.cit., p. 99 : « Complainte du réseau du métropolitain », p.99.

[33] V. Jankélévitch, La Mort, op. cit., p.55.

[34] C. Roy, op.cit., « Amour », p.105.

[35] Pour Jankélévitch, la mort représente le jeu par excellence. Dans La Mort, op.cit., p.34, il écrit, à propos de la mort : « elle joue à cache-cache avec la conscience : où je suis, la mort n’est pas ; et quand la mort est là, c’est moi qui n’y suis plus. Tant que je suis, la mort est à venir ; et quand la mort advient, ici et maintenant, il n’y a plus personne »

[36] C’est aussi le titre de la deuxième partie du recueil Poésies du même auteur. Le mourir désigne donc moins le résultat de la mort qu’un certain devenir : la mort à venir, inéluctablement.

[37] Voir Ch. Baylon et P. Fabre in Grammaire systématique de la langue française, éd, Fernand Nathan, 1973, p.80. Son caractère sommaire lui permet

[38] M. Cressot, Le style et ses techniques, op.cit., p.191.

[39]C. Roy, Poésies, op.cit.p.96 « Hommage à Omar Kayam »

[40] V. Jankélévitch, La Mort, op.cit. p. 94.

[41] Ibid.p.104

[42] C. Roy, Poésies, op. cit., p. 114 : « Le Chiffre de la nuit ».

[43] C. Roy, Poésies , op.cit., p.106 : « Mille morts ».

[44] C. Roy, Poésies « Le silence et dors », p. 91.

[45] M. Grevisse , Le Bon usage, 13eme éd. Duculot, 1993, p.745 : « un verbe inchoatif indique le passage dans un état. »

[46] C Roy, Paroles d’Aube, op.cit., p.34.

[47] A. Guyaux, Poétique du fragment, Essai sur les illuminations de Rimbaud « Langages », A la Baconnière, Neuchâtel, p. 55.

[48] C. Roy, Poésies, op. cit.,p. 89 : « ça m’est égal ».

[49] C. Roy, op .cit, p. 109 : « Tombeau de Paul Eluard ».

[50] M. Cressot , Le Style et ses techniques, PUF,1974, p.268.

[51] J-M Adam, Langue et littérature, Hachette, 1991, chap.3, pp. 178-183

[52] G. Deleuze, Pourparlers, 1972-1990, Les éditions de Minuit, p. 192.

[53] Ibid.

[54] Poésies, op. cit., p.116 : « Le temps »

[55] Ibid. p.117.

[56] Ibid.

[57] Ibid.

[58] Voir Poésies, op.cit., p50 : La Poursuivie.

[59] R. Gary, Clair de femme, Gall.1977, p.147.

[60] R. Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Seuil, 1977, p. 22.

[61] C. Roy, Poésies, op.cit., p.50 : La Poursuivie.

[62] R. Barthes, Fragments d’un discours amoureux, op.cit. p.162 : « se dépenser, se démener pour un objet impénétrable, c’est de la pure religion…Il n’est pas vrai que plus on aime, mieux on comprend ; ce que l’action amoureuse obtient de moi, c’est seulement cette sagesse :que l’autre n’est pas à connaître »

[63] Ibid.

[64] Voir Historia, n° 67, septembre-octobre, 2000, « Aux sources du Boudhisme », p.68 : « La grande parole fondamentale de Boudha : » Attends tout de toi –même, ne comptes pas sur quelque chose qui te serait extérieur »

[65] Poésies, op.cit, p. 87 : « Les Autres étés »

[66] Ibid., op.cit., p. 128 : « Dormante »

[67] Jankélévitch, L’Ironie, op.cit, p.185.

[68] Poésies, op. cit. p. 165 : « L’Attendue »

[69] Poésies, op.cit., p. 164 : « Petit matin »

[70] O. Reboul, in L’Homme et ses passions, d’après Alain, Tome premier, Puf, 1968, p. 319.

[71] Poésies, op. cit. p. 155 : « La petite fille Qui pleure encore »

[72] Poésies, op.cit., p. 128 : « Dormante »

[73] Poésies, op.cit. p.126 : « Absence »

[74] Magazine Littéraire, n° 425, novembre 2003, p. 50 : « Le bonheur, loin de la morale épicurienne », Propos recueillis par Juliette Cerf.

[75] Poésies, op.cit. p.120 : « Encore un jour »

[76] Poésies, op.cit, p.139 : « Coplas »

[77] Poésies, op.cit : « Matinale », p.162.

 

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