MON VISITEUR
Face à ce miroir, j’observe la personne qui s’offre à mon regard.
Un aspect de son visage me semble familier, mais décidément, je ne peux déterminer qui se trouve en face de moi.
Tout son être est différent, comme venu d’un monde qui n’a jamais existé, venu d’ailleurs.
L’étrangeté de ce visage m’encourage à identifier mon visiteur : j’ai beau regarder, rien de ce que je peux voir me rappelle une personne déjà connue. Peut-être quelqu’un rencontré il y a longtemps, dans une autre existence.
L’inquiétude me gagne : puis-je communiquer avec cet intrus, l’apprivoiser, le connaître, comme une image de soi où rien n’est encore brisé.
Mon visiteur détourne le regard comme pour m’inviter à le laisser en paix. J’insiste pourtant : je désire savoir.
Nous nous observons un moment, une éternité…
Dédoublée, je décide d’entamer une relation, plus qu’incertaine, mais une relation tout de même : je me mets à bavarder comme pour me donner du courage. A mes paroles, à mes sourires, je n’obtiens aucuns résultats favorables à une quelconque entente.
Dans un silence morbide, son visage, jusqu’alors éteint, s’anime d’un nouvel éclat.
Une discussion s’entame alors comme si nous ne nous étions jamais rencontrés : nous sommes étrangers à nous-mêmes.
Je me perds dans ce tourbillon d’images où seule la dissociation est une vérité.
Dépitée, j’abandonne mon visiteur pour moins de souffrances : comment briser le mur qui m’éloigne de moi-même ?