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Alain Robbe-grillet Glissements de recherche
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 Article publié le 14 février 2009.

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Alain Robbe-grillet
Glissements de recherche
Stéphane Pucheu

La singularité d’Alain Robbe-Grillet a transformé la littérature française.

A l’heure où les spécialistes voire exégètes du Nouveau Roman y vont de leur plume pour disséquer, une fois de plus, le système robbegrilletien ou ses inventions formelles, un panorama s’impose pour que ce nom soit connu du grand public, un an après sa disparition.

Ingénieur de formation et quittant le métier pour se consacrer exclusivement à l’écriture et à l’invention d’une littérature novatrice qui n’aura peut-être jamais de succès, Alain Robbe-Grillet affirme déjà - nous sommes en 1950 - une détermination particulière d’autant plus remarquable qu’il ne vient pas du monde des lettres. Non, Alain Robbe-Grillet n’est pas un littéraire comme la plupart des écrivains européens. Il est avant tout chercheur. Et c’est précisément son esprit de recherche qui préside à un changement radical de trajectoire. Après avoir étudié les maladies du bananier, il choisit son propre moi comme objet d’investigation. Le moi comme laboratoire, avec les mots et leurs agencements en guise d’instruments ...

Son oeuvre continuellement en mouvement signifie l’évolution de l’homme occidental, ses nouveaux rapports avec le monde.

 Le lecteur le sent dès ses premiers ouvrages, " Les Gommes " en 1953, " Le Voyeur " en 1955, il n’a pas besoin d’attendre son essai " Pour un Nouveau Roman ", en 1963, où cette thèse est développée et répétée, comme si les contemporains ( auteurs, lecteurs et surtout critiques ) étaient étrangement sourds ou aveugles. Absorption de l’espace et du temps par un narrateur en quête d’identité, approche la plus subjective possible de la création ... et nous voilà embarqués dans un univers mouvant fait de fantasmes, d’obsessions, de souvenirs qui se heurtent, s’entrechoquent. En 1978, paraît " Souvenirs du Triangle d’Or ", sans doute le sommet de sa prose : de jolies jeunes filles, des policiers douteux, des médecins peu fréquentables, des adolescents sauvages ... et un narrateur à la recherche de son identité, se demandant s’il s’agit d’un rêve ou de la réalité ...

L’individu n’est pas un animal chronologique mais une matière vivante dominée par des retours sur soi, des reprises de soi.

Tout au long de sa vie, l’écrivain Alain Robbe-Grillet a su sagement - habilement ? - éviter le piège de la littérature politique, contrairement à l’un de ses prédécesseurs Jean-Paul Sartre, prouvant par là même qu’il savait reprendre le meilleur du passé pour le régénérer et le dépasser.

 " La chair des femmes a toujours occupé, sans doute, une grande place dans mes rêves. Même à l’état de veille, ses images ne cessent de m’assaillir " ( " La Maison de Rendez-Vous ", 1965 ) ; " La chair des phrases a toujours occupé, sans doute, une grande place dans mon travail. Même si je ne suis pas à ma table, leurs figures mouvantes ne cessent de me hanter " ( " Les Derniers Jours de Corinthe ", 1994 ) : ces deux incipits dévoilent une subtilité, un humour, une obsession de la langue et de la gent féminine, un art de la répétition et de l’écho. Ces incipits sont forcément signés Alain Robbe-Grillet.

Ecrite dans un style fluide, précis et poétique, sa littérature est presque immédiatement adoubée par l’Education nationale, une aubaine pour les élèves et les étudiants qui découvrent un français clair et raffiné, et une littérature nouvelle.

Au-delà, Alain Robbe-Grillet incarnait l’esprit de l’Occident, mû par cette fameuse idée de progrès. Le doute, la recherche, l’avancée ... et la reprise des recherches.

Seule ombre au tableau d’une longue carrière, son dernier livre publié en 2007 : " Un Roman Sentimental ". Sorte d’apologie de la sado-barbarie, cette fiction ponctue de manière malsaine et énigmatique une oeuvre placée sous le sceau de l’esthétique et de l’invention. Alain Robbe-Grillet était-il arrivé à saturation ? A-t-il été lui-même récupéré par une époque en recherche - à tout prix - de sensations ?

Ecrivain, chercheur, professeur de soi-même, théoricien ... il aura embrassé tous ces rôles à la fois, avec passion et succès.

Ses livres s’apprêtent, désormais, à traverser le temps ...

 

 

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