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Sublime et fragile architecture des fantasmes
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 Article publié le 14 octobre 2009.

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Sublime et fragile architecture des fantasmes
Stéphane Pucheu

Arrêtons-nous un instant sur l’organisation du monde qui ne peut, c’est un euphémisme, que nous interpeller : le fonctionnement de la nature, les règles du règne animal, les mécanismes du corps humain, plus précisément de son métabolisme ... tout semble régi, ordonné par des lois qui nous dépassent et qui font pénétrer dans notre esprit l’une des questions centrales de l’existence, à savoir la question métaphysique.

Maintenant, si l’on se penche quelque peu sur notre psychisme, notamment notre faculté de raisonnement et notre capacité à ressentir des émotions, cet ordre précédemment évoqué est largement contesté. C’est à l’homme, à l’individu de mettre sans cesse en ordre ses pensées, à leur donner une direction, si possible une cohérence. Le psychisme est criblé d’incertitudes, de contradictions, de doutes. Il est sans cesse en mouvement. C’est pour cela qu’il nécessite une action, une élaboration de tous les instants pour atteindre un ordre minimal.

Il existe une sphère particulière dans notre psychisme qui est sans doute la plus mouvante, je veux parler du champ des fantasmes.

A peine ce mot est-il prononcé que déjà il provoque des réactions, aussi diverses les unes que les autres, ce qui est la démonstration de la complexité de sa nature : étonnement, ricanement, ostracisme mais aussi émerveillement.

L’essence du fantasme est toujours liée au désir, un désir partiellement éclairé par l’imagination qui ne tarde pas à mettre en forme un scénario, une scène, une séquence inspirée de la réalité. Leur fertilité est elle aussi en corrélation avec la puissance de l’imagination, qui diffère d’un individu à l’autre.

Le rôle des fantasmes est multiple : il permet d’une part de transformer un trop plein de réalité à travers un mouvement cathartique, d’autre part à l’imagination de s’exprimer en toute liberté, sans la moindre contrainte, sinon censure. Les fantasmes sont, par ailleurs, l’émanation du côté excessif de notre personnalité, dévoilant par là même sa plus importante caractéristique : la démesure.

C’est précisément cette démesure qui fait contrepoids aux frustrations que l’on peut vivre, une démesure qui est donc une réaction. Celle-ci se complète avec le réel, une sorte d’équilibre s’instaure entre eux, un équilibre qui devient troublant dans la mesure où il nous ramène à cet ordre précédemment évoqué. Ainsi donc, la conscience de nos propres fantasmes, loin de nous décontenancer, nous convainc de la complémentarité entre ce qu’il convient d’appeler prosaïquement la réalité, c’est-à-dire ce qui est en dehors de nous, et sa transformation en histoire fantasmée.

Cette transformation peut rester à l’état de vague spéculation ou de rêve, un rêve diurne ou nocturne dont la durée de vie est limitée. Pourquoi ? Parce que le propre du fantasme, c’est d’être aussitôt chassé par un autre, même si parfois le même fantasme apparaît de manière récurrente.

Aussitôt apparu, aussitôt chassé, donc, reflet de la mobilité du désir qui peut atteindre un degré vertigineux.

Là où le fantasme prend une dimension particulière, c’est à travers la création artistique. Si l’on considère le champ de la littérature, alors on peut très bien mettre en forme ses propres fantasmes, en d’autres termes donner corps à cette démesure qui est en nous, par le biais d’une histoire dont les bases, dont l’architecture est entièrement autonome, conjointement précise, aboutie et fragile. Fragile parce que ce moment d’excès qui se confond avec la perfection - contrairement au versant prosaïque de la réalité - ne dure généralement pas, il est naturellement bref et voué à disparaître, au profit d’un autre fantasme provoqué par un désir nouveau.

Le fantasme s’apparente bien à un château de cartes dont l’issue est un effondrement rapide, jusqu’à l’érection d’un nouveau scénario, d’une nouvelle mise en scène...

A condition de ne pas les nier, de ne pas les refouler, les fantasmes peuvent nous faire comprendre qu’ils font partie, à leur manière, de cette grande régulation de l’univers.

La grande particularité du fantasme, c’est donc de sublimer la réalité, comme si cette dernière avait un poids anormal. Ce scénario, inventé de toutes pièces, c’est l’envers du prosaïque tout en étant son complément.

Pour un homme, il est évident que la femme est le plus beau des fantasmes. Et si l’on se prête à quelque confession en la matière, on peut parvenir à illustrer la phrase suivante : "Parlez-moi de vos fantasmes et je vous dirai qui vous êtes."

Si donc le travail de l’imagination nous permet de mieux nous connaître, alors nous ne pouvons plus en éprouver la moindre appréhension. Et nous comporter, logiquement, de manière civique en société...

 

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