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Autour de J.A. VALENTE
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 Article publié le 28 septembre 2010.

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J.A.Valente, penseur poétique, est aussi un homme parmi les autres, le semblable qui nous tend sa vie, passage pour monter vers lui. Sa poésie jaillit de son expérience, comme chacun de nous traverse la sienne propre. Dans les épreuves naissent les interrogations essentielles qui fournissent la clé de la force écrite, leurs réponses la font tourner dans la serrure poétique. Quand l’homme éprouvé, fatigué de tenir sa garde la baisse, l’esprit s’insinue en lui par tous les orifices des sens, et du noir obscur, par un tour de magie, l’esprit renverse l’absence en une présence qui brûle, arrive et, en ce court instant de relâche, flambe le poète d’une baptismale lumière, flamme de la présence alimentée par le néant. Pour créer la présence l’homme anticipe sur l’abîme, devine en lui une illumination incandescente d’avant la lettre, laquelle éclaire ce renversement qui deviendra une présence. Tout est donné mais il faut le regarder, se tourner vers pour le voir. Dans la ligne écrite, sous nos yeux, les mots serrent leur monture de feu. Le poète a tant connu la nuit qu’il a appris gravé en elle le filament de cuivre de l’écriture. Ainsi le poète dans l’ombre exerce-t-il sur le vivant un pouvoir d’étincellement rétrospectif pour le futur. Si de l’or brille dans la boue, pour le reconnaître la boue est aussi vécue. Le lieu de naissance de sa fièvre poétique J.A. Valente ne l’atteint pas. Jeté à l’eau il se déplace en avant de lui-même, s’engendre en permanence entre l’informe et la forme pour rester vivant. Entre l’anéantissement et la présentation telle est l’épreuve à surmonter par le poète ? : traversera-t-il ou fera-t-il naufrage ?? Quel intercesseur arrivera juste à temps pour remettre d’aplomb sa planche à voile ?? Entre l’ici et l’au-delà le poète chamanique peut aller venir de l’un à l’autre sinon dans sa vie propre du moins dans le flux migratoire des traces humaines C’est au poète dans la solitude de l’expérience, limite de l’ici et de l’ailleurs, de refaire chemin vers l’homme, chemin toujours recommencé. Tout peut brûler, au dessus restera la passerelle tendue de l’écriture. Il l’empruntera en funambule pour ces aller-retour. Le poète suit le verbe partout, il est son jalon dans le jour et dans la nuit, signal d’une autre lumière. Il est le pont entre le monde et l’envers du monde, entre le passé et le présent d’une mémoire qui dit le futur. Par la porte du verbe J.A. Valente va et vient d’une rive à l’autre de la vie et de la mort. Revenu de l’au-delà il se présente sur le seuil, porteur de sa matière verbale, pierre sculptée de la représentation qu’il offre. Sur un courant d’air arrivent les mots ? : oiseaux ils passent entre les mains. Si elles ne les saisissent pas en les écrivant le vent les remporte. Les mots sont lâchés par le poète, colombes de magicien hors du chapeau d’un prestidigitateur, oiseaux-mots toujours en mouvement, ce mouvement de l’amour qui porte aussi le poète vers la femme pour y trouver la lumière. Oiseau qui doit toujours voler s’il veut rester sensible, sentir en lui les tumultes de l’amour bouleverser l’écriture. Il sauve par son chant la mémoire d’un « ?sombre abîme ? » de l’origine, et plus tard quand s’éloigne peu à peu le corps derrière le voile de la parole, l’oiseau se confond avec l’œil du poète où naît désormais l’essentiel de son mouvement poétique amoureux, plus tard encore il devient en son cœur cet ultime qui palpite entre l’œil et la main avant que le corps ne se donne à l’âme pour devenir cet oiseau qui s’envole au dernier souffle et se réincarne sous la forme des mots, né à nouveau de ses cendres. Ainsi l’oiseau réussit ce que la raison ne peut réaliser, par une adhésion biologique au vivant, échappant à l’immobilité grâce à une mouvance faite de myriades d’infimes déplacements. Avant que le vent ne reprenne les mots le poète en les exprimant accomplit son devoir de mémoire humaine qui se confond avec un devoir envers le soi-même devenu énigmatique au fond du miroir. La putréfaction du mort est la contrepartie de la présence de celui qui, l’anticipant, se représente vivant par les mots. Au delà du cadavre, par un évitement de ce dernier, une transparence se manifeste loin de la pourriture, poussière d’étoile, esprit que l’écriture fait resurgir du temps où il était incarné. Sur la balance en face de l’absence il pose un contrepoids d’air dans le noyau lourd du mot. Sublimation où le non sublime aussi demeure présent dans le sublime, le verbe se fait chair et de la chair une décomposition est pressentie. J.A. Valente saisit les choses avant qu’elles ne pourrissent, juste avant. L’enfance passe dans le « ?concave ? » que l’homme va remplir de sa vie d’adulte. La coupe est pleine il faut la boire. C’est l’état « ?solaire ? » où le soleil ne se couchera pas tant que l’homme ne l’aura pas bue. L’envers est le vide pour que la vie le remplisse. Si nous refusons d’occuper le moule nous nous anéantissons nous-mêmes. Pour connaître les abysses le poète en apnée emprunte un état de mort apparente. Plongeur des hauts fonds il descend aussi dans le corps de la femme. L’amour humain, expérience poétique naturelle, que devient-elle quand de surcroît un poète la vit ?? Une puissance puissance plus. L’oiseau-poète brûle ses ailes à l’amour. Il rencontre le corps féminin, par la caresse lui donne la forme certifiée, éprouvée charnellement et spirituellement, « ?aspiration du plein par le vide ? ». L’amour est la matière première comme l’abîme est l’origine. Il ouvre une porte sur les deux en même temps, oscille irrégulièrement entre les deux. L’amour ramène l’homme à l’état brut du réel, sa violence, son hypernaturalisme, un excès de la forme jusqu’à un écœurement lumineux de matière ingérée et photographiée par la chambre du regard « ?solaire ? », « ?torride ? » qui brûle, « ?corrode ? » la chair. En tombant dans l’amour le poète remonte au fond des choses. Là il reste debout sur le fond de soi, il sombre. L’éveil né de cet échange entre les corps donne au mot son « ?impossible éclat ? » par une traversée charnelle qui laisse sur le mot la trace de son battement artériel. Quand les intuitions du poète se confrontent à la mort, alors l’expérience vécue fléchit devant le poétique. Puis, par une grâce, la parole se greffe sur le corps, et vient en tant que manifestation d’une expérience spirituelle. Le lecteur assiste à la progression temporelle de ce cheminement qui passe d’abord par un travail de deuil du corps malade. Comme par un miracle, une fois le deuil accompli, le verbe se met devant le corps et le transcende, réalisant une véritable révolution spirituelle. Le retournement n’est pas seulement mental mais bien vécu comme les mystères sont vécus par certains mystiques qui nous en donnent les signes. La parole s’offre à l’homme, élixir de la transmutation de son corps qui peut alors disparaître dans la quiétude. Il a atteint à une autre forme de vie. Il se réduit petit à petit à ce qui en reste, porteur de l’amour et des mots ? : la main, l’œil, le cœur. La parole est éprouvée par ce corps qui se défait comme l’extrême trace d’un corps évanescent.

Le poète apparaît dévêtu de son savoir, nu face à l’origine d’une illumination encore sans mot à l’issue de sa première rencontre avec ce qui est. Le poète qui interroge son corps n’en interroge que plus sa parole. Toujours un peu de la chair rouge, éclatée par le « ?torride solaire ? » subsiste en toile de fond dans le cuivre du verbe, les ors du regard, la grenade du cœur. Alors les mots du poète communient avec l’esprit qui leur donne un sens. L’esprit patient attend que l’homme soit éveillé pour lui parler. Il ne peut descendre vers lui que quand son corps est préparé comme une terre qui est prête à recevoir la semence. Par cette grâce la parole sublime embaume le corps concave du poète, grâce que confirme une splendeur mordorée de son verbe qui escorte cette communion.

Conclusion

La pierre du poète est le poème sans cesse repris pour accomplir l’ascension, la « ?montée vers le fond ? » qui change le plomb en or. Chaque poème, pierre à nouveau hissée dans l’effort du bas vers la cime, engendre, par un incessant retour au pied de la montagne, la transformation de la chair en une transparence transcendante. Si le monde alentour clame que dieu est mort, le poète affirme dieu dans la cellule du mot, car sans lui la poésie meurt. Après la lecture de J.A. Valente le lecteur, privé soudain de la « ?surnaturalité ? » et de l’étincellement jetés par lui sur l’ordinaire du cours de la vie et sur la poésie elle-même, subit une dépression réactionnelle. Mais quand pointe la flaque sombre de la mélancolie il la recouvre avec le souvenir des orfèvreries poétiques de J.A. Valente, qui font de sa pensée une nuit étoilée.

 

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