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La calbombe céladone de Patrick CINTAS
Voici la voix de Gaston Massat

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 Article publié le 14 mai 2010.

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Voici la voix
de Gaston Massat

Il fut un temps où les poètes ayant pignon sur rue recevaient sans autre forme de procès le poète en gestation ou celui qui avait simplement démontré qu’il valait la peine d’être reçu.

Il y avait même de ces poètes installés qui bougeaient leur cul pour rendre visite à ceux de leur race qui avaient moins de chance qu’eux question reconnaissance.

Ainsi, Paul Éluard se déplaça dans le Couserans pour visiter le poète Gaston Massat en 1948.

Gaston Massat ?

Il est né en 1909 à Saint-Girons dans le département de l’Ariège.

Si son œuvre contient dans quatre livres assez minces, c’est parce qu’il est mort à 57 ans et que la Guerre lui a supprimé six années de belle existence.

Cette œuvre dénuée de mensonges est publiée par Le pas d’oiseau à Toulouse sous le titre Voici ma voix. Un beau volume de 130 pages en comptant la préface et quelques notes biographiques et annexes.

Comme Orizet ou Mazo que je suis en train de relire, et même mieux, Gaston Massat m’inspire une attitude de Grace Palay citée par Salman Rushdie : « Elle a dit que sa méthode de travail consistait à se relire continuellement pour enlever les mensonges. »

Le premier recueil date de 1935, parallèlement à la rencontre de Joe Bousquet.

L’année suivante, c’est la Guerre d’Espagne et Massat connaît la colère de l’engagement politique — du côté de la République bien entendu.

Puis la Guerre, la Résistance — qui lui inspira un roman intitulé Capitaine superbe aujourd’hui publié par Verdier, qu’Éluard présenta aux académiciens Goncourt — et le premier livre de poésie publié par un éditeur, La source des jours, chez Bordas, illustré par Dufy, qui s’ouvre sur le premier livre de 1935, Pièges à loup et se referme aussitôt sur la série intitulée Au beau souci des lendemains qui contient un chef-d’œuvre : Maria Cara.

Nous sommes en 1948. Elsa Triolet écrit à Massat : « Il est bien beau, votre livre, par tous les bouts ! Merci, chanteur de charme. C’est à l’Espagne que va ma préférence, aïe ! J’aimerais vous l’entendre dire, que vous donniez vous-même le la de votre poésie. Quand venez-vous à Paris ? Ne nous oubliez pas. »

Le pied est mis à l’étrier. Aragon s’en mêle.

Encore deux recueils, un dernier poème — très beau Poème de la maison — et Gaston Massat meurt des suites du cancer qui le mine depuis des années, en 1963.

 

Bientôt la nuit viendra avec ses mains de verre

le sable de l’amour perdra la trace de nos noms

la rose de ton sang a grandi dans mes veines

et tu confonds la peur avec les mots de cendre.

Je te fais de mes mains je te fais merveilleuse

ma femme ma maison comme l’eau et le feu

je pense à cet oiseau de passage blessé

qui s’est un soir d’hiver abrité dans tes yeux.

 

Entre temps, que croyez-vous que soit devenu ce poète ariégeois qui aimait « les voyages. Passé Montauban j’ai peur. » Gaston Massat n’était pas plus ariégeois que Tristan Corbière n’était breton. Il était, tout simplement, et il rêvait mieux dans sa terre que dans celle des autres.

Mais surtout, c’était un homme d’action. Je ne dis pas cela à cause de la Résistance qui est arrivée à d’autres comme le malheur forme l’espoir et le courage. Gaston Massat n’a pas choisi, comme trop de poètes hélas, de vivre d’une sinécure. Il a vécu à la fois de son travail et de son obstination. Il fut libraire à Saint-Girons, éditeur aux Lettres françaises — sa collection Au colporteur publia Tzara, Guillevic — et exégète chez Seghers, de Joe Bousquet… Une douzaine d’années de crispation tranquille au bord du travail littéraire et familial. Il publie chez Seghers Adam et Ève.

 

— Où c’est-y que vous habitez ?

— Là-bas sous les arbres d’automne

— Tiens moi aussi, là où les pommes

se balancent comme des pommes

c’était pas compliqué c’était pas compliqué

on commençait à peine le monde.

 

En 1960, la maladie se déclare, impérative. Pendant les trois ans qui restent, Gaston Massat écrit son dernier livre, le Bestiaire d’amour, dédié à Madame Massat, et le dernier poème qui dit encore :

 

L’herbe aux quatre voleurs

s’infuse dans ta bouche

c’est ma source j’y noie

tes désirs et les miens.

À la fontaine des baisers

toutes les soifs s’oublient.

 

Une vie dense. Alors qu’on ne vienne pas dire que Gaston Massat est petit parce qu’il est ariégeois et qu’il a peu écrit. Il a vécu en poésie, en publiant et même en éditant. Il a été reconnu par des amis de qualité incontestable : Éluard, Aragon, Bousquet, Seghers, etc. Il s’est fait des amis sur sa terre et a même été un des initiateurs du Chaos [1] à Toulouse.

La belle préface de Simon Brest a toutes les qualités d’une préface : chaque phrase est le fruit d’une condensation de la pensée et de la connaissance que ce fils en poésie peut avoir de son père. On se contentera d’en approfondir soi-même les cristaux en regard des livres de Gaston Massat.

Pour la biographie, et quelquefois les analyses, on lira avec intérêt, dans le numéro 23 de L’oreillette, la notice copieuse d’Armand Olivennes ainsi que son article paru dans Action poétique : Gaston Massat à la reconnaissance du fortuit.

 

Patrick Cintas.

 

[Site du Pas d’oiseau.- lepasdoiseau.com/data/domaine%20pyrene.html

 

[1À ce propos, je souligne que lors du salon du livre de Toulouse en 2008, Pascal Leray et moi-même avions exposé nos intentions sur le stand du Chasseur abstrait : Organisez le Chaos. Curieusement, personne, parmi les visiteurs ni les exposants et organisateurs, n’a relevé le clin d’oeil. On nous a quelquefois traité d’anarchistes, ce qui prend un sens particulier à deux doigts de l’Espagne...

 

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