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Quatrième partie - Perspectives
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Article publié le 7 septembre 2005. oOo De même que l’amélioration de l’homme et de son genre de vie constitue la seule question philosophique d’importance, c’est la dimension de l’univers, et donc son origine et sa fin (probable), qui pousse l’homme à chercher avec la meilleure exigence possible, ce qui exclut les rituels magiques et religieux, semble-t-il définitivement. On imagine assez les conflits que la magie inspira aux hommes en proie au désir de pouvoir et de possession, on en sait assez sur les hostilités sanglantes inspirées depuis par les religions et nous sommes au seuil de savoir ce que les sciences sont capables de détruire dans le cœur de l’homme (nous n’avons encore rien vu). La philosophie, elle, quand elle s’égare en politique, n’est que la triste égérie des hommes de pouvoir, du sergent à l’empereur. Elle ne peut guère prétendre être comprise de tout le monde ni résister à toute tentative d’en détourner les conclusions toujours provisoires cependant dans l’esprit du philosophe mais bien pratique quand il s’agit de donner une cohérence à ce qui n’est que domination et abus. Finalement pauvre en langage, elle inspire aussi les fous et les charlatans qui se livrent à leurs échanges de bons procédés dans des cercles de moins en moins hermétiques et de plus en plus clairement commerciaux. La science elle-même n’y trouve pas sa langue, elle la perd quelquefois faute de rigueur, la retrouvant au moment des recherches de financement où, comme par miracle, des promesses purement eugéniques se mettent à envahir notre quotidien déjà fort à l’ouvrage des publicités, propagandes, prédications, cathéchismes, démonstrations de force, et autres missions apostoliques. On n’en demande pas tant au poème(roman). Divertissement quand le temps se prête aux attentes d’une nostalgie bien compréhensible si l’on se place d’un point de vue simplement humain, il ne cherche en principe qu’à se sortir de là, à en sortir le poète et son lecteur, et ce simple exercice de la parole, force paralalies et pupinations (ne pas trouver ses mots malgré les injections parallèles), avec des moyens purement scripturaux et aussi peu de pouvoir temporel que sa résistance au monde est exemplaire. S’il n’est pas vraiment populaire, le roman(poème) est cybérien, franchement cybérien. Le poète(romancier) est un cybérien. Mieux, il appartient aux siens ou à son peuple. C’est sur ce labour perpétuel qu’il pratique son art de l’anacoluthe ; peut-être vaudrait-il mieux dire discontinuité pour ne pas jeter un trouble réthorique sur ce qui est tropologique. Quantité contre qualité, réduisant ainsi le style à peu de chose comparé à la diversité des propositions spatiales. Le corps prime, non seulement parce que nous le possédons contre toute intention de nous en déposséder, mais parce que l’esprit n’en est pas le miroir de ce que nous sommes malgré nous. Cette complexité chorégraphique ne trouve pas sa résolution, ni dans la philosophie ni dans les sciences, aussi exactes soient-elles ou justement parce qu’elles sont exactes et qu’en elles tout phénomène rhéologique est formulable ou n’est pas (convultion). La religion relate la peur ou la soumission, les pratiques magiques éloignent du foyer où la pensée anéantit toute vélléité de solution. Seule, la poésie trouve, par hasard, sur le fil de l’Histoire mais sans refaire l’Histoire, les enrichissements de la langue sur le point de devenir le langage universel à la place des égalités qui ne résolvent que l’égalité. L’inconnue n’est pas la même, ici et là :
Évidemment, ce qui ressort de ces activités, c’est la recherche du bonheur ou de ses succédanés. Le contraire eût été trop étonnant. Qui que nous soyons, à nos propres yeux comme par le regard des autres, nous sommes en quête de la meilleure vie possible, nous sommes en lutte contre la douleur et particulièrement actifs et minutieux quelquefois, quand nous cherchons un peu moins aveuglément que les autres, dans nos aspirations à la tranquillité, via la convoitise, l’ambition, la jalousie, la tentation etc. Que cela consiste le plus souvent à faire le malheur de l’autre ne nous étonnera pas au point d’y renoncer sans compensation. Nous pouvons concevoir n’importe quelle école du comportement pour justifier malgré tout, malgré les croyances surtout, la justesse de nos violences et le destin de leurs objets. Pétris d’une rhétorique de la conviction et des voies de fait, le temps ne nous est guère utile qu’en matière de bonheur et ce que nous trouvons n’est que la limite de notre espace. Nous reproduisons l’univers à l’échelle de nos frontières ou de notre maison, de nos biens. Cet encerclement s’organise sans cesse et si nous prenons les vessies pour des lanternes, c’est que nous le voulons bien, c’est que c’est bien là notre seul projet. En bon conquérant de ce fragment de temps qu’est la vie, nous allons même jusqu’à tracer les limites intérieures pour créer le cloisonnage nécessaire à nos recherches. La vie devient Histoire par le petit bout de la lorgnette. Toute tentative de mettre en place un objectif est une menace pour le bonheur de tous. On a beau obtenir des résultats tangibles, évidence de l’idée philosophique, promesse de la découverte scientifique, bel amour qui d’abord ne semble pas vieillir, poème au ras des chansons, le bonheur ne se manisfeste guère que par des annonciations précaires ou éphémères. Cette cruauté, mise en spectacle, n’est acceptable que comme fiction préventive sinon elle est l’œuvre d’un fou en proie à des descriptions intérieures qui peuvent alors apparaître comme la négation du bonheur alors que c’en est le procès-verbal toujours renouvelé par les changements d’apparences. En pratique, nous ne reconnaissons notre présence que dans la simulation, ce que nous appelons art. Et il en est de toutes sortes pour nous convaincre, nous charmer ou simplement nous instruire ou nous reposer de tant d’opportunités. L’art est la monnaie d’échange. Encore faudrait-il, sans Platon, y distinguer la part de technique de celle qui marque la présence de la poésie. Quel esprit s’y retrouve ? Qui ne s’y trompe pas ? Qui s’en sert à bon escient ? De quelle science s’agit-il alors ? On revient immanquablement à des cosmogonies. Autrement dit, penser sans Dieu, qu’on y croit ou pas, est improbable. La construction trinitaire est un système relationnel impossible à mettre à plat : Dieu, le Néant, l’Homme. Une fable, au mieux. Si nous conservons l’Homme, pour soustraire cette part d’imagination fantasmagorique à son exercice de la pensée, reste le Temps et l’Espace. C’est mieux, comme trinité, plus catégorique, moins soumis aux contingences de la douleur et en même temps plus proche de la douleur. Plus proche aussi de la vie quotidienne qui s’épuise en fonctions linéaires et bissectrices. Il paraît difficle de concevoir autre chose que la douleur à cet endroit précis du cercle trinitaire. La douleur est le terme générique de toutes les manifestations du malheur. Génération de tout ce qui s’oppose y compris à l’idée de bonheur. Dualité capable de tirer l’esprit vers des considérations morales qui le désorientent rapidement, par exemple en plein cœur de l’enfance, quand les charlatans de la religion inséminent nos cuculs. Penser avec l’Homme c’est expérimenter la douleur, dont la plus belle est l’angoisse qui accompagne toutes les douleurs, l’angoisse comme douleur révélatrice de l’impossibilité de calmer la douleur sans le recours à l’illusion ou à la disparition du corps, ce que le corps comporte de tissus nerveux, de connexions précises jusqu’à la douleur justement. L’angoisse est la démonstration même que le bonheur est un fantasme. Ainsi la vie devient est une lutte permanente des angoisses avec ce que cela suppose de ruse et de capacité de satisfaction. La vie s’échelonne à partir des coups du sort et des victoires momentanées. Ce qui donne de l’importance au Hasard (destin) et à l’Histoire (instant) relativement au Temps et à l’Espace :
Je veux par là figurer ce que le récit doit au voyage et ce que le voyage doit céder au récit simplement pour être lisible. Si l’espace est bien l’origine du roman, le temps est tributaire de l’Histoire avec ce que cela suppose de crises du sens à donner et d’étrangetés relatives aux différences de culture. Le nœud Voyage/Récit, sans être ce que le roman peut être avec un minimum de temps et donc d’Histoire, est la première prise de bec connue au moment où la langue, de démotique, devient littérature parce qu’elle est écrite. Le hasard et l’Histoire conditionnent le texte au point d’en faire un reflet étroit de la réalité qui ne dit rien ni du hasard ni de l’Histoire mais qui signale le lieu exact où cela se passe, un être humain à peine différent des autres mais si différent qu’il a tendance à passer pour le texte qu’il écrit, pour le voyageur qu’il se propose d’être et pour le récitant nécessaire à la durée du voyage. À ce moment à la fois unique et fondateur, nul personnage, nul décor. Et plus le récit s’avance dans la langue, moins il devient le récit du voyage. On pourrait en dire autant du voyage qui, au fond, n’est plus un récit quand il s’achève. Les rapports de récit à voyage comme explication exhaustive de ce premier chiasme nodal devraient rapporter la compréhension du rapport de roman à Éveil. Écrire un roman, c’est renoncer aux fantasmes de l’éveil sinon pourquoi écrire ce qui participe à la critique de l’Éveil ? Et si le choix est porté sur l’Éveil, alors comment écrire un roman qui cherche l’espace avec le moins de temps possible ? C’est que nous sommes au sein d’une circonférence décrite par le choix entre Dieu et le monde. À ce sujet, on raconte quelquefois que la Science (majuscule) est une solution provisoire consistant à tendre vers Dieu sans jamais l’atteindre, ce qu’on suppose significatif de la distance qui sépare l’homme de ce créateur imaginaire qui agit comme paramètre nécessaire à toute explication cognitive. À l’opposé des méditations aux apparences forcément primaires et soumises à des témoignages non moins sujets à caution, la science démontre son efficacité sans démontrer l’existence de Dieu mais, par le même tour illusionniste, elle ne s’en passe pas totalement : on assiste sans cesse au spectacle du scientifique remerciant son Dieu ou le priant de donner une solution à des travaux destinés à améliorer le genre humain par la modification exemplaire du genre de vie. Le simple fait de sauver l’homme de la mort est un sujet d’inquiétude et de satisfaction mais changer l’homme est si difficile à admettre comme idée majeure que la société en tremble tous les jours sans toutefois imposer à la science le carcan innommable que sa croissance donne à imaginer. Et si Dieu appartient à cet imaginaire, alors la solution est un fragment de cette réalité à laquelle il a accès sans nous consulter aussi directement que nous le souhaitons (ô désir). Le recours à Dieu est un choix imaginaire et la solution est imaginaire tandis que la question est bien réelle. Le choix qui est alors en jeu concerne la parité Dieu/temps comme première boucle du cercle qui va décrire notre voyage. Mis en marge par choix délibéré (après réflexion), ce personnage aussi imaginaire que le caractère négatif du carré d’un nombre peut servir à la rigueur de catalyseur dans la solution humaine destinée à des précipitations riches en couleur locale. Inévitable comme le caillou sur le chemin, sa présence est un produit complexe tiré de l’Histoire et de ses incroyables démonstrations. La science, aussi inévitable et moins gourmande en procédés historiques, a beau (peut-être) cultiver ses approches par un évident accroissement de son efficacité sur la vie, donnant par la même occasion beaucoup à la mort, elle ne réussit pas à contraindre l’imagination à une activité moins inquiétante que la prévision d’une catastrophe finale comme résultat de son orgueil, laissant aussi à imaginer qui finira par prendre le relais d’une civilisation trop encline à conquérir le temps par un usage excessif de l’espace qui appartient à l’humanité, condamnant ainsi les autres parties de l’humanité à défendre leur terrain gagné sur l’histoire. Des justes verraient enfin leur raison s’accroître d’un mythe, celui des civilisations scientifiques vouées au feu alors que, comme de bien entendu, les religions, en phase de guerre, imposeraient à l’espace enfin conquis les lois d’un temps qui commence et se finit par Dieu. On imagine alors le temps nécessaire à ces religions pour trouver un point commun suffisamment crédible, point de rassemblement que pour l’instant l’imagination ne conçoit pas sans quelques entorses au désir, à moins que la Science ne soit encore, par-delà le mythe qui la régénère, la solution aux conflits religieux. Dans cette boucle Dieu/temps s’engouffrent toutes les données imaginaires qui se proposent comme solutions d’attente et quelquefois d’oubli. Poésie en mode mineur, le roman n’en est que la vulgarisation, la banalité transmuée en texte, le rêve démocratique au vent comme la peau de Mani, la popularisation des attitudes reconnaissables par le signe distinctif et non pas par la profondeur acquise dans la pratique de la langue d’échange, etc. L’Éveil est une tromperie, mais pas une tromperie de fourbe ; le seul résultat avancé par les idéaux de l’Éveil, ce sont ces mythes réduits à une vie d’homme qui se conclut par la passion ou la connaissance, selon que Dieu est seul maître à bord ou que son existence probable est un exemple à suivre. On invoque au lieu de donner, subtil exercice sur l’angoisse. On donne à imaginer pour résoudre au lieu de résoudre pour laisser toute la place à l’imagination. On est en attente d’avoir raison, présence obsédante de ces agenouillés qui encerclent le monde des connaisseurs sous prétexte d’en prendre le meilleur pour améliorer l’homme et la vie de manière raisonnable sans raisonner. Cette pitrerie continuelle, toujours au rang des hypothèses et des conclusions qui les fondent, exerce son influence sur le voyage parce qu’elle possède les moyens du récit. En effet, comment concevoir le temps autrement que linéairement ? Et pourquoi voyager si le hasard annonce les peuplements ? Cette première étape d’un graphe ontologique commence par ces hypothèses (en termes de littérature, on dirait scénario). Ce qui suit ne peut plus être une démonstration mais, voyage oblige, une action perpétrée sur la vie et ceci uniquement parce que les conclusions sont annoncées (Dieu) ou au contraire annonciatrices (monde). Car tel est le procédéde réflexion que je propose maintenant : hypothèse, action, non-conclusion ; schéma (scénario) typique du romancier et non pas ni du philosophe ni du scientifique.
Nous entrons en terrain névrotique. Sans antalgique, pas d’action. Ici la drogue règne en maîtresse des lieux, si c’est parcourir les graphes d’une surface que de voyager en pareilles circonstances. La question n’est pas de savoir ce que le rêve et l’hallucination apportent au récit pour le construire et le compléter, sinon tenter d’endormir un peu la douleur née d’une incohérence, aussi infime soit-elle. Le plaisir demeure la meilleure façon de pallier la petite douleur, la drogue étant chargée de remplacer les antilogies les moins supportables par les coq-à-l’âne, les anacoluthes et autres figures de l’angoisse qui dérivent vers le texte quand on cherche à la localiser. La brousaille des mots ne connaît ni la démence qui tente de faire passer son double pour l’enfant ni la psychose qui veut faire croire à l’observateur qu’une dissociation de l’être est possible mais seulement dans les circonstances de la folie où il n’est plus question ni de l’enfant ni de la maturité et encore moins de la mort si propice à la réflexion quand on y réfléchit. Une résistance à la névrose est la condition première d’une action sur le roman dont on peut espérer un roman, mais résister par l’intermédiaire d’une doctrine qui admet trop et ne démontre rien ou pas assez est sans doute le meilleur moyen de sombrer dans le pathétique, autre nœud de douleurs cette fois sans rapport de force avec la réalité qui finit toujours par imposer ses conditions. Les jeux de miroirs et les mortifications ne remplaceront jamais les effets d’une drogue digne de ce nom si ce besoin est nommé clairement. Il s’agit sans doute de ménager les moments de clairvoyance dans le délire des jours qui se succèdent sans construire, sans donner à calculer et surtout en désignant obstinément (obstination à soi) l’innommable comme le seul recueillement fragmentaire. L’incohérence ne naît souvent que de cette impossibilité de donner une durée à la clarté et non pas d’exprimer en bon français ce qui apparaît clairement. C’est un état névrotique, garanti par un usage physiologique de la drogue et une consommation exigente des plaisirs, que le romancier met en scène pour ne pas le jouer. Le soulagement de la douleur installe les prémisses du texte. Voir si la présence de l’autre est nécessaire, voisin(e) aimé(e), voisin(e) violé(e) constamment ou praticien de l’acte de contrition et de l’illusion analytique, le choix n’est pas limité au cadre éthique et quelquefois esthétique que le Droit fondateur des relations humaines applique sans vergogne aux plus désespérés avec une poigne qui remplit de satisfactions crispées le citoyen immobile qui veut se croire tranquille quand on n’est jamais que tranquillisé, c’est-à-dire intranquille. On n’entre jamais dans l’action par les grandes portes qui font l’Histoire. La distance, compliquée de graphes, n’est pas une construction de l’esprit ni de la nature, on n’en possède pas la description fût-elle exhaustive pour commencer, et pas une seule parole n’est en mesure de distinguer ce qui se passe de ce qui n’a pas lieu aussi clairement que l’annonce la découverte. Fragilisé par ce carcan impossible à franchir avec les moyens de la peau, mais renforcer par la chimie des drogues ou celle des réactions aux plaisirs, le romancier n’est pas non plus l’aventurier de son action, il ne remplace pas le vent qui le pousse. Mesurer cet arbitraire revient à en exprimer les hasards donnés comme successifs, épisodiques, voire anecdotiques. Le passage d’une hypothèse aussi peu effarante (premier chiasme nodal) au langage (deuxième) ne se passe pas sans une forte dose d’intuition et aussi peu de formalisme que possible. La dominante est intuitive. Freud commence son essai sur le rêve en expliquant, sur un mode conversasionnel aussi sympathique qu’inattendu, en expliquant pourquoi il pense que le rêve a un sens. Et aussitôt il se démarque des idéalistes (le rêve comme « ascension de l’âme vers un état supérieur »), des réalistes (le rêve est « une excitation psychique que l’état de veille empêche de développer librement » — noter le librement) et des physiologistes, pour ne pas les appeler matérialistes (le rêve est « un processus matériel »). Cela dit, il se tourne alors vers la sagesse populaire, non sans s’étonner d’en arriver là comme par la force des choses, et en déduit que le rêve a un sens, sans le démontrer, simplement en l’admettant avec les uns pour ne pas rejoindre les autres sur des terrains qui lui paraissent stériles. C’est une règle bien connue de la rhétorique que tout axiome doit être semé en terre arable sinon on ne voit pas comment la conversation ne sombrerait pas dans le silence et par conséquent dans l’attente, ce qui arrive quelquefois, quand le rapport axiome/environnement est évidemment contestable (preuve qu’il est faux), mais ne doit pas arriver sans cesse. Personne n’a encore réussi à imposer l’idée d’un formalisme exact sans donner au ridicule ce que celui-ci attend des beaux parleurs et des ergoteurs. Aucune voie moyenne n’a été trouvée entre l’intuition et la forme. Le mieux qui se puisse espérer de ce commencement d’action, c’est de donner la priorité, à moins qu’elle de se déduise, à l’une ou l’autre posture de l’éloquence au service de la démonstration et non plus de la conviction. Freud cherche à convaincre et non pas à démontrer. « L’erreur est le portail de la découverte », écrit Joyce qui s’empresse de présicer : « pour le génie »). Ici commence la cuisine de la modernité. Rien n’est parfait, tout est intuition, et rien n’est capable de réduire l’intuition à zéro. Etc. Quand je pose une hypothèse, je me fie à mon intuition en me méfiant de mes goûts, mais sais-je à ce point empêcher ce qui fonde mes goûts (je n’en sais rien) d’exercer une influence maligne sur la fragilité rhétorique de mes intuitions ? Faute de bien mesurer l’importance de cette croissance d’apparences fortuites ou déterminées, je franchis le pas qui me sépare de l’action avec une certaine insconscience qui me fera redouter le pire dans les moments les moins topiques de mon existence de romancier. J’admets la contrainte sans pouvoir en mesurer l’importance. Je sors du raisonnement pour me livrer à l’improbable. Et je le fais sur le fil des intuitions dont je suis incapable de reconstruire l’historique. C’est donc vers les journaux que je me tourne ou plutôt : je me tourne vers les journaux non pas parce que Freud est le premier témoin de cette persistance mais parce que je ne peux pas faire autrement. De l’Histoire, parallèlement, naît le discours cognitif dont j’hérite l’axiomatique. Mon action commencera par cet essai non pas de vulgarisation, puisque je ne suis pas scientifique, ni d’épistémologie, je ne suis pas philosophe, mais de lecture coaxiale avec texte, une lecture constante qui utilise les canaux de mon texte pour me relier à la réalité poussée par les autres devant l’humanité à la recherche de l’homme comme création (Histoire) ou probabilité (hasard). À l’autre bout de sa longue carrière d’éveilleur, Freud trace son Moïse comme un roman, appel du pied à ce que le voyage peut concevoir sur le dos du récit.
[Ici, le manuscrit s’interrompt...]
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