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Autres romans, nouvelles, extraits (Patrick Cintas)
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[E-mail] Article publié le 8 octobre 2011. oOo Au début... Il fallait sans cesse lui expliquer, comme si elle ne saisissait pas le sens profond de ce qu’il souhaitait lui donner à penser. Les soirs où ils ne recevaient pas (ils recevaient trois fois par semaine, le dimanche étant réservé à sa famille, elle avait un nombre incalculable de "membres"), ils ne s’attardaient pas longtemps dans le salon attenant à la salle à manger ; ils venaient de partager un repas équilibré pour la nuit ; ils étaient épuisés par le silence que le télépoint ne réussissait pas à troubler ; ils avaient un peu parlé des jours à venir ; elle tenait à un projet dont il ne comprenait pas la finalité. Comme il ne dormait pas s’il avait absorbé trop de protéines, elle avait longuement calculé les valeurs énergétiques sur un abaque découpé dans un magazine. Il regardait sans s’approcher. Il ne tenait pas à entrer dans les raisons suffisantes de ces algorithmes. Les quatre soirées où ils ne recevaient pas ne se suivaient pas et il lui faisait remarquer qu’elles se ressemblaient étrangement. — Étrangement ? se contentait-elle de susurrer comme si elle ne souhaitait pas protester. À la fin... Le parc était désert, blanc et noir à cause de la neige et de l’absence de soleil. On ne s’y promenait pas l’hiver. Elle n’avait aucune idée de la nature de ces promeneurs inquiets, il les lui avait toujours décrits ainsi, rapides, presque fugaces. Ils attendraient le printemps. Il lui montra comment régler la température de chaque pièce. Elle toucha les tuyaux brûlants et colla son oreille contre le mur pour écouter les bruits de la chaudière. Elle n’entrait pas dans le bonheur. Il y avait ce confort démesuré, cette tranquillité, le temps plus accessible qu’en n’importe quelle autre circonstance. Elle n’avait jamais été amoureuse. Il lui parlait de l’été à Rock-Drill tandis qu’elle s’enfonçait dans cet hiver tenace. Il avait réuni une documentation impressionnante sur les comportements humains. Il s’exprima un peu sur le sujet. Elle était lointaine. Il n’eut peut-être pas apprécié cette beauté absolue si elle s’était donnée à lui. Au fond, elle préférait ces petits viols, même l’obscénité était préférable. On leur apporta du café et des biscuits. Il demanda un alcool et lui proposa d’autres cigarettes. Elle fuma en pensant à lui. Il ne serait pas heureux lui non plus. Il n’y a pas de bonheur sans l’autre, mais qui est l’autre s’il vous ressemble un peu ? Le café était le meilleur des cafés. Elle demanda un chat et aussi un oiseau dans une cage. Elle changerait peut-être les rideaux. Une lampe provoqua sa critique. Il lui promit de la faire enlever. Elle s’extasia devant un petit tableau représentant une crique déserte. Lui aussi aimait ce tableau. Il se souvenait parfaitement des circonstances de son achat. |
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