Classique. Vous jetez un œil autour de vous et vous tombez sur quelqu’un d’étrange. Cela n’arrive pas tous les jours, mais ça arrive. Ou plutôt : ça vous prend. Et vous le suivez. Vous suivez sa trace, celle qu’il laisse en vous parce qu’il vous échappe. Il n’y a pas de précipitation dans sa démarche. Il a le temps, le temps de vous détruire par épuisement du sujet. Il a de la chance et vous ne le savez pas : pendant que vous cherchez une conclusion à la hauteur de l’épigramme qui germe en vous, il entre dans son voyage. Entre lui et vous, s’interpose la distance des vagues. Il est le large et vous construisez des châteaux de sable menacés par l’écume. Et l’été se finit. Cette fin est toujours une fin. Et l’automne ne recommence rien. Le même personnage, vu en hiver, marche sur l’autre trottoir. Comme vous, il regarde avant de traverser et vous vous croisez dans une indifférence que personne ne remarque. Vous habitez pourtant en face l’un de l’autre. Ces habitats se ressemblent. La même fenêtre donne sur le même spectacle de la rue. Vous ne vous voyez plus. Vous ne savez même plus qui est qui. Classique. Une histoire qui se retourne comme un gant dont on ne sait pas s’il était déjà retourné. Classique de l’angoisse. Avec la trace de l’été en creux. Poinçon des solitudes. Je vous voyais. Moi qui habite au milieu. Moi qui n’ai rien à faire. J’aurais pu être n’importe quoi dans ce monde, j’y aurais trouvé ma place et je l’aurais perdue avant que vous ayez pris un sens. Classique. J’arrache la tapisserie de ma chambre et le mur appelle d’autres couleurs. Il ne se passe jamais rien sans cette profusion. Un fleuve coule à la place de ma rue, celle que vous traversez sans vous reconnaître. Je joue à jouer. Je m’inonde. Je me claquemure. Je deviens classique. Et vous ne me voyez toujours pas. Pourtant, nous sommes trois, et non pas deux comme dans les comédies classiques. Vous n’êtes pas ma scission, je suis la copie. Et la bêtise est mon fort.