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Goruriennes (Patrick Cintas)
Même ma porte est un enfer

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 Article publié le 1er janvier 2013.

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Il savait très bien qui j’étais. Il m’avait inventé du temps de sa gloire. Je craignais de finir comme lui, la gueule ouverte dans la conversation des autres.

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J’en étais encore au stade où on pense qu’il y a ceux qui vivotent et ceux qui profitent de la vie à pleines dents, tous animaux confondus. Je croyais même qu’on finirait par trouver une âme aux plantes.

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J’aime le matin. Cette fraîcheur appartient à tout le monde, je le sais, mais je m’en sens propriétaire. Il faut dire que je reviens de loin moi aussi. […] Je reviens tous les jours, le mors aux dents.

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Remarquez bien que je ne m’accroche pas à la vie. Je devrais dire à l’existence, car la vie appartient aux médecins qu’on rencontre inévitablement. L’existence, c’est les autres, et c’est un sacré enfer. J’en ai marre quelquefois, mais ça ne dure pas assez pour que je prête le flanc à l’aventure dont on ne revient pas. J’en ai tenté quelques-unes, mais pas au point d’avoir quelque chose de sérieux à en dire. J’ai un gosse qui en témoigne tous les jours et une femme qui ne veut pas en parler sans témoins. Je les cognerais tous les jours si je n’étais pas du côté de la Loi.

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Je n’ai pas peur de la nuit, mais je dors seul. Je devrais plutôt dire avec moi-même, mais ça ne se dit pas facilement. Enfin, pas comme ça.

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Je manœuvre dans les marges d’un complot avec la prudence d’une fourmi dans un bocal. Je ne m’en sors pas et on m’observe à travers une espèce de transparence sans tain.

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Je ne prends rien aux minus habens qui se font passer pour des fous pour toucher une pension.

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Pourquoi rêver au moment même où un minable vous propose de ruiner votre rêve ? Il y a des questions que je me pose sans arrêt et ça me rend nerveux. Pas seulement morose.

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Puisqu’on peut tout savoir et rien payer, dis-je, pourquoi se montrer difficile sur le choix des balances ?

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C’est ça mon problème : je réfléchis après. Avant, j’ai seulement envie de savoir, une envie qui me fait crever comme le sperme que je porte en moi.

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La nature m’a joué plusieurs tours avant de me mettre au monde. Avec une mère pareille, on ne va jamais loin.

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Il devait avoir une idée du personnage que je finirais par devenir si je continuais de m’intéresser à l’amour.

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Tout le monde est fichu, connard ! Je suis même pour l’élargissement des assassins, vu que ce n’est un crime qu’aux yeux des humains. On finit tous par crever. Si la vie est une propriété, alors j’ai tort.

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Je n’aime pas qu’on grimace dans mon dos. Je déteste qu’on me force à imaginer ce qui se passe réellement dans les miroirs qu’on agite dans mon dos.

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Comment je fais pour ne pas dormir la nuit et y penser toute la sainte journée ?

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On peut tout faire quand la vie est menacée.

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Je regarde son reflet dans l’affiche. C’est un type ordinaire. On est tous devenus ordinaires avec le mélange systématique des races. C’est peut-être pour ça qu’on ne trouve plus le sommeil. On ne trouve plus grand-chose, mais ça n’a peut-être rien à voir avec cette nouvelle vie de compromis et de petits sacrifices. Ils sont tellement petits, ces sacrifices, qu’ils feraient réfléchir ceux qui nous ont précédés sur l’importance de leurs calculs. Je n’ai jamais bien compris où ils voulaient en venir. On ne nous enseigne que des conneries. Au fond, il n’y a que ce type pour se révolter. Enfin… à ma connaissance.

*

Quelquefois, on se tape la bonne parce qu’il n’y a rien d’autre à espérer de l’attente.

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C’est le genre de détail qui échappe à mon attention toujours en éveil sur le terrain des mots. Les gens, ça ne manque pas de mots. Avec l’air et les mots, ça compose des mensonges. J’ai l’habitude de ces échafaudages. J’adore ces constructions faites pour brouiller les pistes. Ou plutôt, je m’intéresse au temps qu’ils mettent à les peaufiner en ma présence ou dans l’ombre caniculaire de leur solitude. Les gens sont seuls. Ils tuent et continuent de se sentir seuls alors que je peuple mon obscurité de cadavres têtus. Il faut bien parler à quelqu’un.

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J’ai toujours peur de ne pas mettre les majuscules au bon endroit. Je suis meilleur à l’oral.

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Je ne m’étonne plus de rien. On a beau être tous du même sang depuis le mélange des races, les différences sautent aux yeux si on consent à les ouvrir. La plupart des gens n’ouvrent plus les yeux, mais mon métier m’y contraint tous les jours. Je vois bien que rien n’a changé dans le rapport entre les êtres humains. Il y a toujours des patrons, des minables et des cons. Ça fait une catégorie de trop, mais il est trop tard pour en changer. Ou alors il n’y aurait que des cons pour me servir d’exutoire et ils me rendraient la vie impossible. L’existence, veux-je dire, mais y aurait-il encore des carabins dans ce monde où je serai le seul à ne pas être malade ?

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… toujours prisonnier de son apagogie. Mais dans ce monde qui n’est pas fait pour moi, il n’y a plus de maladies. Il n’y a plus que des raisons. On n’explique plus rien, on constate. Forcément, ça vous change un homme fait pour la contradiction en une langue étrangère que personne ne comprend.

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Moi qui ne dors pas, même couché. Et qui devrais dormir debout, en toute logique.

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En principe, je ne règle rien. Je croise les gens à problèmes et je ne m’en mêle pas. Mais dès qu’il s’agit de problèmes personnels, les principes sont bons pour la poubelle. Hélas.

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Tant qu’une journée n’est pas finie, surtout quand on sort du boulot à midi, tout peut arriver.

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Je perds toujours. Je me contente de leur manger ce qui leur reste de cerveau. Il n’en restera plus grand-chose bientôt. J’ai besoin de cette solitude.

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Jamais je ne pourrais commencer un récit sans régler mes comptes avec la femme qui me fait chier.

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On ne devrait pas travailler quand on a faim. On ne devrait pas baiser quand on a vraiment besoin d’amour. On devrait haïr une bonne fois pour toutes au lieu de se laisser envahir par le remords, les regrets et même ce besoin d’être bien considéré qui finit par faire de nous des larbins. Évidemment, je dis tout le contraire de ce que je pense et au bout du compte je ne sais même pas ce qu’on pense de moi. Je n’ai jamais tenté d’être gentil, dans le genre serviable et généreux. Je me suis contenté de raser les murs sans ouvrir les portes. Chaque fois que j’ai pris une porte, c’est qu’on m’y invitait et je ne cherche jamais à la fermer derrière moi tant je suis claustrophobe par nécessité. On me trouve toujours un peu sirupeux, sauf quand je me sens menacé.

*

Même ma porte est un enfer.

*

[La suite au prochain numéro…]

 

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