Santiago Montobbio - Le théologien dissident
Traduit de l’espagnol par Jean-Luc Breton
Ed. Atelier La Feugraie
Non seulement les choses ne sont pas comme elles sont ni même comme elles semblent être ; les choses, en général, sont comme elles nous font mal.
Santiago Montobbio ne se sent pas seulement étranger au monde qui l’entoure, il se perçoit aussi comme étranger à lui-même dans ce monde qui l’entoure. ( Et probablement lui-même ne saurait décider à quoi, de soi ou du monde, il est le plus étranger.)
Mais plus encore qu’à lui-même, Montobbio se voit ( se regarde ) étranger à cette part de lui-même qui est d’écriture ou, plus précisément qui est de poésie, et qui ne saurait plus se contenter d’être écriture.
Mais j’écris pour croire que je fais mon salut,
pour croire que je peux
encore faire mon salut. Et ce n’est
que poudre aux yeux.
Et si les mots ne sauvent plus, à quoi bon les écrire ?
Comme les noms sont morts, notre destin a atteint son terme
Alors, mourir, mais comment mourir si l’on n’était pas vraiment vivant ? Comment reprocher au poème de ne pas sauver s’il n’existait pas vraiment ? Comment Etre si ce qui nomme l’Etre n’est plus qu’apparence ?
Santiqgo Montobbio nomme, et même à profusion, mais il ne nomme que des fantômes.
La ville que personne ne voit, et c’est la plus grande,
est celle où travaillent, condamnés à être
toujours pareils,
tous les personne que je suis.
Œuvre aride et foisonnante, Le théologien dissident est comme un vaste désert surpeuplé de vents secs et de fantômes d’eau.
Jean Loubry
Le Journal des Poètes, Nº 4/2009, Maison internationale de la poésie, Bruxelles, décembre 2009