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Goruriennes (Patrick Cintas)
Paradoxe de l’attente qui se limite à un tour qui est le tien

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 Article publié le 27 avril 2013.

oOo

Ça m’coûtait rien de donner raison à des robots qu’ « on » avait humanisés juste assez pour tromper cette raison qui manquait toujours à mes crises.

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Les moteurs s’éteignaient lentement. Ah ! L’attente du concret ! La fatigue accumulée ! Le sentiment patriotique ! L’amour des siens ! J’exultais ! Mais BOB insistait : d’après lui, on était à la surface d’un miroir, une théorie tellement compliquée que j’avais rien compris quand il me l’avait expliquée. Quand me l’avait-il expliquée ? Comment tant d’explications entraient-elles dans l’interstice du peu de temps que nous venions de passer à voyager ? Il y a une corrélation entre le temps et la distance. Mais entre la parole et la compréhension ?

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J’y croyais pas, moi, à cette histoire de miroirs. Ça dépassait même l’imagination. Je sais qu’en matière romanesque, il faut des concepts, mais j’ai jamais apprécié ni Bazin ni Dick au point de croire à leurs histoires. J’t’en foutrais, moi, des concepts !

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On avait même pas une clope pour se distraire. « Ils » avaient prévu le p’tit ventilo pour l’aération. Il tournait lui aussi, mais autour de quelque chose, alors que j’en étais à m’demander si j’étais pas en train de parler de ce qu’ils voulaient savoir. Quand je parle, je parle. Et quand j’me tais, ça parle. J’y peux rien.

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Je voyais pas passer le temps. Impossible de se fixer sur un changement capable de donner une idée même approximative du temps. Je voyais le Métal de la chaise, son oxydation lente, les articulations crasseuses. Vaut mieux pas mourir dans ces moments, des fois que la mort soit la répétition à l’infini du dernier moment qu’il faut expliquer avant de disparaître ou de ressusciter. J’sais même pas si j’suis capable de croire à n’importe quoi au dernier moment. À mon avis, la mort, c’est la simplification extrême de la vie. Au croisement de l’homme-chien et de l’homme-rien.

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« Ils » avaient même prévu une copie de la vie privée. Je retournerais donc dans ma merde. J’pouvaispas demander plus.

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La Ville s’est dessinée à une époque que j’ai pas connue parce que je suis né après. J’aurais né avant, j’l’aurais peut-être pas connue non plus. Ça n’avait plus aucune espèce d’importance, mais ça en avait eu pour mes parents qui avaient participé au financement imposé. Y zétaient pas contents, mais y zétaient restés. Si t’es pas content, t’as qu’à aller tenter de vivre en Chine de la pêche des anguilles et du transport de l’eau en baquet. C’est c’qu’y zavaient dit, les présentateurs de la télé. Pas contents – dégagez ! Contents – fermez-la ! C’est ce qu’on appelle le discours politique. Et y zaimaient vachement ça, mes parents. Même qu’ils votaient.

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J’étais impatient comme une seringue. Je gouttais de l’aiguille, le doigt sur le piston, prêt à agir au lieu de m’emmerder comme la plupart des gens. J’aime pas ce mot : J’enceci ! J’encela ! Yen a plus qu’pour eux depuis que les princes savent comment les amuser au lieu de les élever dans la contrainte.

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J’aimais pas la douceur. Je pouvais essayer le velouté, mais pas la modération.

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C’est comme ça avec les amis : au lieu de dire « j’ai un service à te demander », ils demandent rien et estiment que c’est un service.

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J’y comprenais plus rien. J’avais accepté l’idée d’un Monde en abîme. J’comprenais même que c’était la seule façon d’éviter les collisions stellaires. J’comprenais que c’était aussi un Système Carcéral Sophistiqué qui évitait d’exécuter les condamnés et permettait de satisfaire le besoin de vengeance par des simulacres d’exécution. J’avais tout compris de ce Monde compliqué parce que j’en acceptais l’Idée. Ils avaient exécuté mon simulacre sur Terre et expédié ma Réalité ailleurs. Ça pouvait encore se reproduire parce qu’on avait des dispositions naturelles pour le Crime.

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J’avais pas grand-chose à dire, mais j’avais pas tout dit. Ça m’excitait.

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Marre de ces rupins qui se vautrent dans le malheur des autres. Au diable leurs serviteurs à la parole faussement rebelle. Un peu de place pour l’homme que je suis.

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J’étais un sélectif à l’époque. Je m’emmerdais pas à tout comprendre. Notamment, le malheur des autres n’avait d’intérêt pour moi que si j’y trouvais des explications me concernant. Mais je perdais rarement mon temps avec ces cons. Alors j’expliquais autrement. Ou j’expliquais rien.

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J’entrais même sur la scène du crime alors que j’étais en disponibilité pour une période indéterminée. Je touchais à rien, mais j’analysais. Un peu comme l’ancien cheminot qui revient pour constater que les chemins de fer, c’est plus ce que ça a été.

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Ça m’impressionne pas, leurs intérieurs design. Paraît c’est à la fois pratique et beau. C’est pas vilain, reconnaissons-le. Mais pratique, j’en doute, vu les dimensions qui écrasent l’homme. De la mauvaise architecture. Un homme doit se sentir en phase avec l’intérieur. C’est juste quand il sort qu’il craint de pas pouvoir rentrer. J’saispas c’que vous en pensez… ?

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Je mangeais donc des légumes. Ce type me trouvait sympathique et même intelligent, ce qui donne une idée de sa propre intelligence et du degré de sympathie que je lui retournais pour ne pas le remercier. J’aime pas les légumes.

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J’étais un sélectif à l’époque. Je m’emmerdais pas à tout comprendre. Notamment, le malheur des autres n’avait d’intérêt pour moi que si j’y trouvais des explications me concernant. Mais je perdais rarement mon temps avec ces cons. Alors j’expliquais autrement. Ou j’expliquais rien.

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Mon fils n’a jamais pu parler la bouche vide. On comprend rien à ce qu’il dit. Il est devenu obscur en prenant du poids. Paraît qu’on l’est complètement quand on atteint la tonne. Il en est loin, mais c’est encore un gosse. L’adulte ne sera compris par personne. Comme son papa qu’a pas eu besoin de devenir obèse pour que ça arrive. On finira par se comprendre, allez !

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Yen a qui fonctionne à la nouvelle, d’autres au souvenir. J’étais un savant mélange, mais avec un penchant pour l’interdit, alors ça me rendait con. J’avais cet avantage sur les autres : je savais. Et j’augmentais mon savoir parce que j’en apprenais tous les jours ou presque.

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J’avais intérêt à avoir des ailes si je devais descendre de l’Arbre avant la fermeture.

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C’est fou c’qu’on arrive à faire avaler à l’être humain ! Dans la jungle, tu passes le premier ou le dernier selon le niveau de ta sexualité. Ici, c’est même plus le fric. C’est les numéros des premiers arrivés. « Ils » nous mettent en concurrence à la moindre situation de conflit. Et en plus ya des règles. T’es même pas soulagé parce qu’y en a un derrière toi. Tu attends ton tour. C’est un conflit d’individus réduits aux contradictions personnelles elles-mêmes déduites du paradoxe de l’attente qui se limite à un tour qui est le tien.

 

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