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Goruriennes (Patrick Cintas)
Ça vous fait rien de savoir qu’on paye à votre place ?

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 Article publié le 17 novembre 2013.

oOo

— Ya rien à comprendre, John, dit-il en touillant la fumée crade qui semblait sortir de son cerveau par les trous d’mémoire. Je juge et vous remplacez. On interchange pas parce que je comprends rien aux mathématiques et que vous vous révoltez contre les usages et leurs corporations. Mais en période de vacances, on peut baiser les mêmes femmes sans s’refiler leurs maladies.

— Ah ! Ouais. Les femmes…

*

— Ya plus d’Iranien, John. Ils ont sauté avec la bombe expérimentale. La diaspora iranienne s’est fondue dans le Saint Empire. On entendra jamais plus parler de ces connards qui nous ont fait trembler jusqu’à nous obliger à baisser le froc devant les Russes. Maintenant on est Chinois et on habite en Amérique. Fermez-la si vous voulez pas expliquer vos incohérences à des autorités qui respecteront que ma position sociale.

— C’est pas moi, c’est la télé !

*

Ça lui arrivait donc à lui aussi, de perdre les pédales et de gagner le Tour de France.

*

Ils étaient même trois, preuve que je voyais pas double.

*

Les remplaçants n’ont pas d’papiers. On est comme les chiens. On a des choses sous la peau et même au-delà de l’épiderme, quelquefois plus profond encore. Qui ignorait ce genre de choses ? Même les Chinois y savent. Mais en surface, pas un signe pour vous distinguer de l’Aristocratie de l’Existence Précaire, rien pour signaler aux Autorités de Surface que c’est pas les papiers qu’y faut d’mander, mais pourquoi on est là où qu’il faut pas être alors que c’est indiqué en gros sur les panneaux de signalisation.

*

Mes jambes flageolaient comme si j’étais sur le point de me donner sans rien exiger en échange de cette bouillie de chair et d’esprit qui constitue tout ce que je sais de mon destin si je me mets à croire aux conneries des religions mises bout à bout.

*

On peutpas réfléchir au contact de la flicaille qui vous contamine parce qu’il est évident que vous avez à faire à des cons relookés pour servir les intérêts du système.

*

J’avaisaucun génie à opposer au Monde tel que je le voyais dans la lorgnette sociale. Les murs étaient couverts de métal poli à mort de l’image. Je voyais exactement tout ce que j’étais en train de faire, mais de profil, comme dans les bons films.

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Ah ! j’en avais sur la conscience des faits à me reprocher ! Et je voulais savoir ce qui se passait dehors.

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Au bout du couloir, des gens secouaient leurs branches, se donnant l’impression de danser au rythme des révélations que les mœurs imposaient à leur conscience d’employés toujours subalternes pas fiers du tout de trahir trop facilement des vérités que les substances emprisonnent dans la chair pour donner à voir l’improbable et la vraisemblance du flou artistique.

*

On était d’accord lui et moi sur l’attitude à adopter en pareilles circonstances. C’était toujours mieux de différer. Ça avait l’avantage de donner beaucoup et de rien demander en échange. La mort n’agissait jamais autrement si on la remettait à plus tard.

*

J’ai fini la soirée dans une poubelle. Il me restait plus que la nuit et un chat. Le chat parce que j’avais marché sur des sardines à l’huile. Et la nuit parce que j’avais pas payé mon loyer.

*

J’ai toujours redouté d’être viré et de plus savoir rencontrer les autres. J’savais même pas si le jour se lèverait pour mettre fin à cette traversée du malheur à quatre pattes. Yavait vraiment rien à voir et personne à qui le dire. Et pas un endroit où entrer ne serait-ce que pour piller des boîtes aux lettres ou piquer la roue d’un vélo. Des murs de chaque côté et la chaussée équipée d’un système automatique de déneigement. Les rigoles allaient vite, se déversant dans les bouches d’égout avec un bruit de paroles confuses, comme si j’y étais et que j’avais rien d’autre à dire.

*

J’attendais les gens, ceux qui sortent pour aller travailler ou se faire voir ailleurs. Ils n’allaient pas tarder à reconditionner les lieux pour confiner les profits ou simplement pour se faire plaisir en dépensant des sous sans demander la permission.

*

J’avais un mal fou à revenir d’où je venais pas.

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C’est une expression. Comme « aller chez m’sieur Garcia ». « Nourrir Régal Truelle », c’est encourager la parano au détriment de la schizo. La parano, c’est bien pour le commerce qui l’encourage et même l’enseigne. Tandis que la schizo, c’est la porte ouverte à la poésie et à tout ce qui se vend pas malgré le haut niveau d’humanité. C’est quand même plus rentable de donner le spectacle des dinosaures avec les moyens du cinoche que de ramasser leur os pour raconter des histoires vraies. Régal Truelle, c’est le Mac Guffin du sentiment de persécution qui pousse à l’achat. Le mec écrit pour ne rien dire et espère que ça va se vendre parce qu’il sait que c’est ce qui se vend le mieux. Mais il a pas toujours cette chance et on continue de le nourrir pour que ça continue, ce qui met la société à l’abri de tout ce qui coûte cher et ne rapporte pas grand-chose. Mieux vaut un cinglé qui se rebelle sans toucher à rien plutôt qu’un poète qui touche à tout pour se révolter sans retenue.

*

— On appelle « bombe iranienne » toute bombe jetée sans déclaration de guerre, débita-t-il comme si on approchait d’un nœud vérificateur.

— Et comment on appelle la bombe qui leur a pété dans les mains ?

— La « bombe américaine ».

*

Qu’est-ce qu’on me demandait pour que j’arrête d’avoir mal ? Je m’étais agenouillé devant une croix, comme ça, par hasard.

 

*

Je me sentais à l’aise malgré l’hermétisme de la situation. J’avais vraiment pas envie d’y réfléchir. Le jour s’était complètement levé, mais il neigeait tellement que ça se voyait pas et l’éclairage public balisait les trajets comme en pleine nuit. Je pouvais voir le profil inquiet de mon compagnon qui aurait eu un visage s’il avait été conçu pour ça.

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J’étais pas assez branché pour le savoir et trop impliqué pour déchiffrer les signes.

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Il n’avait jamais connu l’amour, seulement des désirs fous. Et il me demandait si je survivais aussi aux exigences de la chair.

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Je m’voyais en autant d’exemplaires que j’avais de possibilités d’existence.

*

— Moi aussi j’ai été en morceaux ! Et j’ai jamais piqué les parties essentielles à n’importe quel gusse pour m’faire mousser ! Même que j’ai explosé, Môssieur ! Pis, tout bien réfléchi, pourquoi moi et pas un autre ? C’est pas c’qui manque, les pièces de rechange, dans c’te merde de pays que j’ai jamais voté !

*

Qu’en pensaient les femmes qu’il enfermait dans les coussins ? Elles devaient être aussi déçues que lui, mais avec la rage qu’on est en droit d’éprouver quand un prince descend de son trône pour chier par terre comme tout le monde.

*

J’avaispas choisi le bon métier. Mais c’est comme ça qu’on crève, de prendre au lieu d’laisser tomber dès le premier jet.

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Si j’étais un pion du Grand Architecte de l’Urine, j’étais pas fait pour briller au Firmament des Grands Baiseurs de l’Humanité.

*

— Y font des remplaçants en plastique recyclé pour les pauvres, dit Olog en s’installant. De quoi vous plaignez-vous ? Vous avez un remplaçant alors que vous n’en avez pas les moyens. Qui sait qui paye ? Ça vous fait rien de savoir qu’on paye à votre place ? C’est du plastique, d’accord. Et en plus, ça se voit. Mais c’est mieux que rien, allez ! Chauffeur ! À l’hôtel. Monsieur le pauvre type crèche avec nous.

Je pouvais voir à quel point je ressemblais à la seule réplique que je me connaissais en attendant d’en savoir plus sur mon compte et sur ce que je lui devais.

 

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