La matière fictionnelle est un don à l’humanité.
Cette extension ou incarnation de l’auteur se répand gratuitement. Même si les subsides reçues par la vente des livres peuvent exprimer ce qui s’apparente à un salaire.
La création qui prend la forme narrative se répand et se répand encore, constituant une sorte de source inépuisable à laquelle s’alimente le lecteur.
Oui, le lecteur se trouve en face d’une mer, d’un océan, ou bien d’une fontaine, d’une grande pour ne pas dire immense cataracte. Il boit, alors, sans compter, il peut également se mirer, se laver les mains, le visage, il peut aussi, tout simplement, entendre le bruit incessant du flot, du flux narratif.
De sa musique.
Maintenant, c’est du béton, oui, maintenant, c’est un large pan vertical qui se dresse devant le lecteur, c’est un intervalle matériel qui s’intercale entre le créateur et le spectateur. Des pans de textes ou des murs, des mots gravés dans les livres, des phrases émergeant dans les cristaux liquides, et donc des fictions statiques que l’oeil du lecteur voit d’abord, immanquablement. Des cathédrales du logos, des architectures fictionnelles monumentales qui surgissent devant lui, puis, autour, tout autour de lui, des conurbations textuelles dont le défilement est incessant, autant de matières figées à jamais présentes dans l’espace-temps, là, ici, maintenant.
L’auteur, ainsi, avance dans une substance toute matérielle, immobile comme le béton.
Ou fluide, comme l’eau.