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Écos des tatanes (Patrick Cintas)
La poésie tue tu
[E-mail] Article publié le 1er avril 2014. oOo
Les rendez-vous épuisent les rencontres... Anonyme. Il y a loin entre jouer deux accords et en tirer toute la sève, mais plus loin encore entre cette sève et l’ensemble qui chante, danse et joue en même temps. Entre la sève et l’ensemble, par exemple entre le guitariste solo et le groupe flamenco, c’est toute la poésie qui s’étire entre ce qu’elle sait et ce qu’elle donne. Un jour de grande mélancolie, Méverus se jeta dans l’eau d’un pont et trouva tout de suite l’énergie pour revenir sur le quai. Heureusement, personne n’avait assisté à ce renoncement. Méverus songea à l’eau, qui était froide. Il rentra chez lui et se mit au lit après s’être réchauffé contre le radiateur. Il ne dormit pas. Il se demandait si on recommence ce genre de chose. On recommence ce qui a foiré, mais recommence-t-on ce qui ne relève pas de l’échec ? En tous cas il n’avait pas le sentiment d’avoir échoué. Il s’était simplement réveillé. On ne se réveille pas tous les jours dans l’eau d’un pont. Et quand ça arrive, une main se tend, puis il faut s’expliquer. Là, ni main ni explications. Un peu comme s’il ne s’était rien passé. Et il ne se passerait rien tant qu’il n’en parlerait pas. Mais avec qui en parler ? Et pourquoi en parler ? Ces deux questions étant liées par la même réponse et la réponse tombant comme le seul bien possible une fois qu’on est passé par là. « Ce que je sais, » pensait-il. Il y pensa toute la nuit. Il y pensait encore tandis qu’on lui parlait d’autre chose. Il revit le pont. « C’est ici , » dit-il. Mais peut-être n’avait-il pas choisi la bonne méthode. Il y a des moyens de se tuer qui n’attendent pas comme l’eau froide. Il habitait au onzième étage. Il fit le tour par la bibliothèque avant de rentrer. « On ne sait jamais, » songea-t-il en revoyant d’autres lieux sur le même passage quotidien. |
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