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Article publié le 13 juillet 2014. oOo Je suis une ronde qui n’a ni bride ni mors, qui tourne tout en mal, en raillerie, en burlesque, qui tourne dans tous les sens, qui ne sait plus de quel côté tourner, qui toujours tourne en rond autour des mêmes pensées, des mêmes pivots, qui tourne sans plaindre son temps ni sa peine, qui tourne autour des décharges publiques, autour des dépôts de munitions, autour des nids de mitrailleuses, autour des usines à gaz, autour des feux de la Saint-Jean, autour des tours d’ivoire, autours des tours babéliques, autour des mâts de cocagne, autour des moissons en gerbes, autour des charniers, autour des kiosques orphéoniques, autour… Je suis une ronde ingambe qui tourne dans les prés, dans la lande, dans les vignobles, dans les olivettes, dans les châtaigneraies, dans les pinèdes, dans les garigues, dans les terrains de vagues, dans les terrains vagues… Je suis une ronde qui tourne sans se soucier des saisons, des traîneries cuivrées de l’automne, des tourbillons tourmenteux de l’hiver, des florilèges et des gavades du printemps, des safres incendies de l’été. Je suis une ronde qui tourne au vinaigre, qui jette ses huiles sur les feux de la Saint-Jean et ses grains de sel à la mer, qui roule des barriques miraculeuses, qui se coltine des sacs de farine, de charbon et de nœuds, qui endosse mille harnois, qui porte de l’aigue et des piments aux moulins à palabres… Je suis une ronde traquée, cernée, laissée pour morte sous les tirs des patrouilles dans les champs de mines, dans les sommières, dans les carrières, dans les barbelés des frontières, sur les flancs du Pinde, sur les rives noires du pays des abîmes… Je suis une ronde qui tourne et retourne les armes contre les empêcheurs de tourner en rond, qui tourne et retourne les retourneurs d’idées, qui tourne, retourne et brouille les cartes blanches, qui tourne et retourne les parapluies des escouades, qui tourne et retourne les imperturbables sabliers du temps perdu, qui tourne et retourne les mains des pickpockets, qui tourne tout à son avantage, qui tourne court, qui tourne et retourne les amants dans leur lit comme des crêpes, une ronde qui s’en retourne comme elle est venue sans savoir de quoi il tourne, il retourne, une ronde qui tourne, tourne et retourne comme si de rien n’était. Robert VITTON, 2014 |
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