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Écos des tatanes (Patrick Cintas)
Bas les cœurs !
[E-mail] Article publié le 31 août 2014. oOo Ulespiègle se trouvait un jour à Paris comme on passait les examens pour la licence. Il alla se placer en face du docteur qui était en chaire et se mit à le regarder. Le docteur lui dit : « Cher camarade, pourquoi regardes-tu ainsi ? As-tu quelque question à faire ? – Oui, monsieur, répondit Ulespiègle, j’ai une question importante à poser. Qu’est-ce qui vaut mieux : qu’un homme fasse ce qu’il sait, ou qu’il apprenne ce qu’il ne sait pas ? Sont-ce les docteurs qui font les livres, ou les livres qui font les docteurs ? » Les docteurs se regardaient les uns les autres. Ils se consultaient : les uns pensaient qu’il faut apprendre ce qu’on ne sait pas ; mais la plupart étaient d’avis qu’il vaut mieux faire ce qu’on sait. Ulespiègle leur dit : « Vous êtes donc de grands fous, puisque vous voulez sans cesse apprendre ce que vous ne savez pas, et qu’aucun de vous ne fait ce qu’il sait. » Puis il tourna les talons et s’en alla. Celui qui fait ce qu’il sait est un Classique. Ah ! le passé ! Moralistes (de la Connaissance). Celui qui apprend ce qu’il ne sait pas est un Moderne. Ah ! le futur ! Esthètes (de l’Action). Mais les docteurs, qui apprennent ce qu’ils ne savent pas et qui ne font pas ce qu’ils savent sont des Postmodernes. No future ! Passé de merde ! Ah ! le présent ! Till a-t-il raison de souhaiter qu’il faille apprendre ce qu’on ne sait pas et faire ce qu’on sait ? Est-ce possible ? Être un Classiderne, en somme. Ou un Modersique. Et bien c’est ce que nous sommes en principe. À la fois passé et futur. Tel est notre présent. Capital ou Épargne, selon le niveau de vie. C’est ainsi que le temps passe. Ainsi que m’apparaît le Mayeux de Darien : « Vous connaissez le personnage. Grimaçant et biscornu, avec l’air d’avoir été conçu dans un fiacre à numéro impair, aux lanternes éteintes, et d’avoir été mis en nourrice dans une boîte à violon ; cynique et papelard, vorace et sentencieux ; plein de sales convoitises et de moralité intransigeante ; passionné pour les discussions politiques et les racontars graveleux ; impudent et couard ; irréligieux et cagot, portant son athéisme comme un plastron devant les honteuses superstitions qui le farcissent ; menteur, envieux, jaloux surtout de ce qu’il ne peut comprendre ; exclusif, ignare et pédant, sanguinaire et infâme ; ne se souciant pas plus de la parole donnée que des victimes de ses calomnies, et n’ayant jamais eu de poil qu’au bonnet de grenadier qu’il a déshonoré dans toutes les caves ; honnête homme, bien entendu, et homme honnête, et homme honorable, et homme d’honneur, et membre de la Légion d’Honneur, et de toutes les associations de malfaiteurs où l’on a vidé de l’honneur ; à cheval sur les principes, à genoux devant les traditions, et à plat ventre devant ceux que n’effrayent ni ses moulinets ni ses fanfaronnades ; et patriote, patriote, et encore patriote !… Tel apparaissait Mayeux, à l’époque où il n’existait qu’en effigie ; et tel il apparaît encore, aujourd’hui que son nom a disparu de l’affiche — et qu’il joue la pièce. » À chacun son Marette… |
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