Bâtir une fiction à partir de rien,voilà sans doute le fantasme absolu.
Le fantasme total.
Le grand désir flaubertien se brise sur les rivages du réel.
En effet, la conscience narrative qui s’exprime, aussi abstraite soit-elle, est déjà chargée de sens. Elle ne peut, notamment, échapper à son propre passé.
Ce que l’auteur et à travers lui le narrateur peuvent réussir, en revanche, c’est l’érection d’une structure narrative élaborée à partir de presque rien - ne serait-ce pas la définition de la modernité ? - usant d’un métalangage qui signifie le style, qui signifie, aussi, du sens, un sens en mouvement voué à proliférer et à échapper à toute interprétation close. La dynamique du langage, à l’intérieur même de la narration peut suffire à la construction d’une structure narrative, sa mobilité étant assurée par des choix distincts qui se succèdent, sans cesse. La distance ou l’abstraction qui caractérise l’approche fictionnelle peut participer de la matérialité de la problématique, une problématique récurrente, essentielle et hautement moderne : quelles formes donner à un présent qui finira par révéler quelques éléments d’identité sur le narrateur ?