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 Article publié le 13 janvier 2013.

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Choisissez votre chant dit elle et ce fut fait et puis dit-elle et ce fut fait d’un signe de tête et puis elle pencha la tête en direction de l’eau qui tombait. Aimablement. - Gertrude Stein

 

« Comme un veau étalé dans son placenta le printemps- dit Paulo- est ma saison honnie ». C’est sa façon à lui de dire, non les choses, mais ses impressions. Sa façon à lui de jacter. « Paulo tu cherres un peu »- lui rétorque ce con d’André- « la renaissance et ceci et cela, le moment où tes couilles sont dans l’impatience etc.… » Et Paulo de gratter ses noix en se marrant : « T’as de ces expressions !... » L’eau somnambule de Bishop aboule en creux de purs glottismes frais dans l’herbe en bigoudis où nous posons nos culs. La ville pue au loin ses maigres brins d’ennui, ses fibromes nerveux.-« Si des gonzesses passent dans l’coin »-dit Paulo-« je prends l’printemps au mot d’André : Je suis le train »-« Ne rêve pas coco, comment veux-tu couillon que des nymphes hantent cet endroit merdeux ?- »- rétorque l’André logique à fond de train. Et nous sortons tout l’attirail à bouffe après avoir lutté avec la nappe prise d’une folie douce, ferlée dans le vent timide mais pugnace. Un vent de saucisson : un alizé discret (oh discret !) incite à la débauche : Nos nymphes pur porc au cochon. –« Tu fais un pléonasme »-dit André. Et moi je bouche bée car déjà pleine et mastiquante avec ici un trou béant entre les dents.

On s’était dit qu’un pique-nique serait bien et Paulo ne retint que le second segment. Cela me rappela le terme saignement. Donc quelque vierge idée à coucher sur papier « en mémoire de moi ».-« Et ne pas oublier l’gros qui tache ! » claironna André. Il imitait ce con, le con de Paulo.-« Niquenique et surtout les capotes zanglaises »-corna celui-ci.

On se dirigea donc au pif vers la campagne. Un ciel bien plus céleste et bleu que de coutume dirigeait sa flèche, vers du vert-bouteille vers quoi nous allâmes- Comme trois couillons d’écrivains en peine. Nous cherchions un peu de la normalité dont sont faits les authentiques et purs démocrates : -« Abreuvons nos sillons camarades ». Le coin fut trouvé connement affiché d’un panneau instructif faisant deux kilomètres.-« On n’ira pas si loin », flemme déjà Paulo qui visait bien plus loin le présent qui s’allonge comme dit Gertrude Stein.

-« Bon merde des fourmis ! » se plaint déjà André. Je rigole : -« Ce sont des fourmis noires tu les connais bien ». Clac clac et puis un shlok, le plus beau bruit du monde, incipit du glouglou qui glousse. Paulo me verse un glass qui déborde. Il est tout étourdi d’odeurs de cache obscure, où il eut pu s’offrir des remuements cosmiques : -« Ah c’est un bel endroit pour… »-« Compte pas sur nous », dit André en prenant une voix de castrat : « On a nos ragnagnas ».- « Cons ! », éructe le Saint Paulo qui fait la prude.

Et murmures dans l’herbe grasse avec des mouches. Un bruit cantharidé pour les cloisons nasales du grand Pan qui zieute et se tient à l’affût d’un sens ajouté au pâté de lapin, au saucisson aillé d’absence féminine.-« On a beau dire… »-« Tu l’as dit bouffi on a beau dire »…Et toujours et de plus en plus ce bruit d’eau qu’on dirait qu’il se lève et s’ébroue. Un crawl interrompu on dirait comme un rêve. IL pleut il mouille, et puis un boucan d’os qui choit sur un sol mou !–« Excusez-moi messieurs », puis un bras si menu qu’il finit par ressembler à un fétu de paille qui descend l’écluse d’une aisselle blonde.- « Mon vélo a dû heurter un putain de caillou ».Trempée d’une eau mouillée plus du tout somnambule et qui s’est tue soudain, la fille se confond un très petit instant, aux rayons excitants, à la selle en suée de son vélo couché dans l’herbe voluptueuse. Elle a mouillé un peu jours tranquilles à Clichy. Paulo ne se tient plus :-« Je vous l’avais prédit ». Je pense à Carl dans jours

-« Bicycliste s’exclama André ! » à l’instant bucolique. - « Et néréide » complétai-je, un peu idiot. Paulo se débattait dans un champ de coton hydrophile, où sa voix esclave se noyait. Du pur brouillard suintait dans tous les entrelacs de son esprit, qui se mordait la queue aphone comme un lac.-« Messieurs !!! » commença-t-elle, et disparut (à pieds sans son vélo) avec Paulo comme à ses trousses, et nous, de suivre et de nous emmêler dans les rayons et les lacets de chair et d’herbe jusqu’au soir. Les fourmis se tapaient la cloche et le vin bu, et reniflaient la selle et le guidon chromé faisant le grand écart, et désertaient mon cher et Grand Américain.

Le panneau se changeait en un cercle vicieux- ‘’Deux kilomètres’’ devint un nœud de lianes vertes avec orteils grégaires. Sortie tout droit des eaux. Méandres devenus plus que somnambuliques, l’eau se dénudait. La fille nous tenait chacun par nos démences et nos fééries. Avait surgi des herbes hautes et turgides.

Paulo et la cycliste soudain les voilà.-« Revoilà », rectifia André.-« Pas fait l’Affaire ? » Et la campagne autour : Un mauvais coup des arbres poudreux et gluants. ERGO : Paulo chialant. Casanova histaminique dans les larmes.

Paulo qui avait le printemps dans le nez faisait un foin d’enfer :-« Le pollen, le pollen !!! » La cycliste riait, éclaboussait l’endroit de taches de rousseur. Il nous tint la chandelle pendant nos chers ébats et c’est lui crachotant qui frétilla le plus. Elle était magnifique mais sentait la vase, ce qui je crois déplut à André, tatillon sur le chapitre des odeurs (et sur les siens-de chapitres-lesquels, ne sentaient rien du tout : textuel, que le papier).

L’inspiration le prit soudain comme une envie, sans préciser laquelle. Et moi, j’enfourchai la nymphe qui avait entre temps sifflé le saucisson à l’ail, et qui vous pédalait avec une prothèse ‘’tout dernier modèle’’, chromée, tout comme un abattis de son vélo, branchée au plus parfait et délicat moignon que l’on pu voir. Elle se caressait sa ‘’du genou au pied’’ sans gène ni pudeur. Et je me pris moi-même à flatter ce miracle de l’orthopédie (comme un néologisme sur un prédicat), ce qui la fit gémir.

-« Ne croyez pas que c’est accidentel, non, je suis née comme ça, en toute modestie » sourit-t-elle. Les autres n’ont rien vu pensai-je. –« Ils n’ont rien vu, ni rien senti, alors vous voyez bien ? et vous ça vous excite non ? »-« Je dois avouer ».

Et elle prit congé de nous en clopinant en me glissant dans la main, en cachette, un petit morceau de cuir noir de la machine, qui s’était rompue, me murmurant : -« En souvenir de moi : Ma jarretière ». Enfourchant sa bécane elle salua notre trio dringdringdringdring et nous reprîmes nos agapes sans tarder.

Depuis je garde la chose, et de temps à autres, la montre à certains qui ont le goût de l’ineffable et du sublime.

Notre retour fut décevant pour les deux autres- « Elle était pas canon » dit André –« et surtout ce goût d’eau pas lavée, qu’on aurait dit une algue ». Paulo regimba :-« Ce putain de printemps m’a cassé ma baraque, je n’ai pu et encore ! un peu que la peloter, et c’est cet enfoiré là d’écrivain à la mord-moi-l’nœud (bien sûr il me visait), qui se l’est envoyée. Et comment encore ! comme il écrit : Tordu et fouille-merde. Ça la faisait bien jouir, trouvé le pot aux roses, le secret discret cézigue, pour le mettre au parfum d’sa libido, à la cycliste ».- Croyait pas si bien dire pensai-je.

Evidemment rien ne s’était passé. Eux-mêmes, rien. Rien. Que ce morceau noir d’un présent prolongé.

Et la querelle des anciens et des modernes, fut notre entretien jusqu’à nos chambres d’hôtes.

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Commentaires :

  Notes sur Églogue par Gilbert Bourson

ou
Cet écrit est la jarretière du récit

L’idée du printemps a excité mes sinus littéraires et s’est associée à l’image du veau qui vient de naître comme naitra le texte qui passe déjà la tête, et dont la fontanelle servira d’incipit, bien avant que son scripturaire géniteur ait choisi son futur gazouillis scribouillard, et y ait installé son émouvant Paulo, déjà désarçonné par un bref descriptif déceptif saisonnier.

Ce descriptif est dû à son ami André, l’empêcheur de rêver, qui d’emblée introduit, (le terme reste ouvert), la bagatelle, en ironisant sur son improbable possibilité dans l’endroit du futur pique-nique d’écrivains en goguette, et donc, dans le récit lui aussi en goguette, en quête de lui-même.

Écrivant le texte ci-dessus-dessous en ville, pour me diriger vers un lieu à me faire, ici sans y penser, (comme le préconise l’enchanteur Joubert ) il me fallut la déloger de mon imaginée campagne Virgilienne « herbue en bigoudis », inspirée par le mot quelque peu frisotté d’Elizabeth Bishop, et tout comme cet ahuri Paulo, « suivre le train », des possibilités déniées par André, en y posant, (et donc herborisant), mon cul (bien sûr déjà posé), sans suivre la logique « à fond de train » d’André. Cette absence de Nymphes qu’il postule ici, sera désavouée et réalistement par la suite du texte.

J’éprouve ici quelque difficulté à éclairer ce texte, comme j’ai pu le faire avec mon « Pli urgent », pour la raison qu’il est déjà trop explicite. Trop réaliste ? Trop conscient ? Un auteur doit plutôt découvrir un récit qui est déjà depuis longtemps (depuis toujours) quelque part en attente. L’auteur creuse un poteau (que ne peut l’écriture ?) où y est apposé le panneau indicateur « du présent qui s’allonge », et qui précise ici, (sait-on vraiment pourquoi ?) : fléché ; « deux kilomètres ». Cette indication n’a pas d’autre intérêt ni d’autre utilité dans le présent récit, que celui, tout aussi arbitraire et sans nécessité, de citer Gertrude Stein. Bien évidemment, les fourmis, renifleuses sont inévitables, et donc inévitablement de la couleur des mots : (quelle facilité !!!!!). Paulo l’épicurien tout étourdi de « cache obscure », renvoie l’auteur, (le sien), à cette rêverie, qui est ce bel endroit dénigré par André. Les ragnagnas qu’évoque André, ce sont les siennes, et la voix de castrat qu’il prend est tout autant celle de sa pensée.

Et puis l’intervention, inopinée, (le mot trouvé ici, est loin d’être innocent), du bruit d’eau et d’os sur le sol mou, (qui rompt ici, non pas le rêve, mais le manque que ressent Paulo), est comme un écho quelque peu dérisoire, à celui de ce shlok tout aussitôt suivi de ce glouglou qui glousse et qui fait déborder le glass comme le sens.

Et d’abord c’est l’apparition d’un bras « si menu qu’il finit par ressembler à un fétu de paille » comme celle sur laquelle piquent (sans niquer !!!) nos deux protagonistes. Puis c’est comme un soleil, un vélo si pudique, (dans son impudeur), qu’il cache dans l’herbe, l’intime nudité de sa selle mouillée.

Rapprochant Bicycliste et Néréide, Je cherche bêtement à corriger l’incorrigible André, mais je m’en aperçois, en retirant le mot de la bouche empâtée de l’esclave Paulo, « aphone comme un lac », (ou les lacs de son cher labyrinthe intérieur). L’évocation de Miller me servit alors de bien piètre alibi, lors que je rêvassais, et non pas mes héros, mais bien moi leur ami, sur la selle odorante et le guidon-clavier d’un siège ergonomique à planter l’ergo sum. Oui les fourmis venaient humer le grand écart dont tous les maux adviennent, et le plaisir avec. J’écrivais bel et bien un texte prétendu « églogue à la Virgile », (et tiens, je m’aperçois que le mot Néréide me fut comme déshabillé de l’Énéide).

Écrire que l’eau se « dénudait » est comme dire que l’écriture se décrit, à condition de s’y mouiller. Chacun, moi y compris, avait l’envie de se tremper dans la cycliste magnifique, mais qui sentait par trop la vase (quelle mauvaise foi !!!) pour le pâle, inodore, et rationnel André qui ne sentait que le papier de ses bouquins « textuellement » à vide de vrais mots bandants.

Je restai donc le seul à jouir de la cycliste donc de sa prothèse tout dernier modèle, (surtout pas moderne). Bien évidemment, non pas accidentel, était son incomplet mais cependant parfait prédicat de naissance, sans gène ni pudeur, en toute modestie. Étant le prothésiste en question je ne pus qu’être le seul héros (le faux derche du texte) à m’envoyer la fille et sa noire machine que je donne à lire dans cette nouvelle.

Dois-je dire que Paulo n’y a vu que du feu comme un mauvais lecteur qui reproche à l’auteur de tout tirer à lui ? Pour ce qui me concerne, c’est cette jarretière acoquinée à sa prothèse délicieuse, attachée « comme une algue » qui m’a occupé. Rien que ce morceau noir d’un présent prolongé ce gout d’eau pas lavée qui déplut à André.

 


 

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