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![]() oOo Mais à qui t’adresses-tu en vérité ? A des choses, des êtres, des idées qui flottent, jamais rassemblées, jamais rencontrées et qui s’ignorent, ignorent qu’elles s’ignorent, mais dans quel espace au juste ? Dans ce moi qui me sert à dire je, dans ce jeu qui s’appelle moi. Jeu du monde, enfin, j’espère. C’est pour cette raison que ma voix importe peu. Le monde en jeu seul compte, mais sans ce moi, sans ce jeu, comment en rendre compte, ne serait-ce qu’un peu ? Dans le grand froid du Nord, survivre importe seul, face à la beauté d’un monde hostile, hostile mais indifférent, dénué d’intention de nuire. On ne peut compter que sur soi. Il ne s’agit pas alors de s’effacer, de se fondre dans cet élémentaire, mais de concentrer sa force vitale dans des actes de survie qui n’implique pas la pensée réflexive en proie au doute de soi. Agir instinctivement ? Pour effacer la pensée, le tourment de la pensée ? Pas exactement. Le temps de vivre doit se concentrer dans l’acte de vivre en intelligence étroite avec l’environnement aimé et pour ainsi dire subi, c’est-à-dire accueilli dans toute sa puissance de monde. Subi pour agir non contre lui ni contre soi, mais pour, dans cette immersion, se concentrer sur le goût de vivre en survivant. Marcher sans se perdre, sans perdre le Nord, lutter efficacement contre le froid paralysant, et ainsi, dans une marche à deux, regarder le visage de l’autre toutes les vingt minutes pour vérifier qu’il ne gèle pas. La survie de soi n’a de sens que dans le souci pour l’autre qui se soucie de moi. Confiance redoublée alors, manifestée à l’égard de sa propre force vitale qui prend soin d’elle-même tout en se préoccupant de celle de l’ami. La montagne, le désert et le Grand Nord permettent cela.
Jean-Michel Guyot 6 décembre 2014 |
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