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Ecrire et guérir : Les signes de la libération chez Henri Michaux - Joanna RAJKUMAR
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 Article publié le 4 juillet 2006.

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L’« aventure d’être en vie »

Ainsi la poésie d’Henri Michaux est-elle avant tout celle de l’expérience d’être en vie, c’est-à-dire celle d’un véritable « passage avec résistance », selon lesens étymologique du terme « expérience »[7]. La première expérience est celle de la confusion du corps comme de la connaissance, celle d’un passage impossible vers l’union avec soi, expérience qui renvoie à celle de la perception. La perception est le premier « terrain », le sol où s’enracine le sujet. Parce qu’elle tente d’approcher l’être le plus directement, le plus crûment possible, la poésie d’H.M., plonge au cœur de notre expérience de nous-mêmes et du monde, et s’enracine donc également profondément dans la terre de la perception. Pour H.M., l’enjeu d’être est de révolutionner le corps, la perception, la conscience et au-delà d’elle, l’esprit, et cette révolution engage le trajet d’une vie. Il faut parvenir à se faire lieu de passage, confluent des multiples flux : pour atteindre l’immédiateté, être la médiation dans une circularité sans cesse renouvelée. Michaux opère une véritable conversion à l’abandon, au vide désormais « vide-substance »[8] qui va « nettoyer » les « portes de la perception »[9] pour qu’elles puissent s’ouvrir à l’étendue et au mouvement. Ceci amène à voir, selon l’expression de Merleau-Ponty[10], que « c’est au-dessus de la perception elle-même qu’il nous faut chercher la garantie et le sens de sa fonction ontologique ». De même Michaux travaille la poésie dans un au-delà d’elle-même qui doit lui permettre d’en retrouver l’essence, et cette quête de « l’état poétique » le pousse à dépasser l’expression poétique. Le mouvement de la poésie engage également un au-delà de la poésie qui s’épanouit pour H.M. dans une pratique de la musique, du rythme, et surtout de la peinture. Des divers arts pratiqués, la poésie est celle que Michaux a le plus explorée, mais, « finalement » c’est vers la peinture qu’il s’est tourné comme expression privilégiée. Le creusement de l’art et de la vie engendre un élargissement de l’expérience poétique, une approche du poétique comme expérience de l’élargissement, qui trouve un aboutissement épanoui dans la vision et le geste du peintre. Dans l’espace réduit de cet article, nous ne pouvons que tracer quelques-unes des lignes majeures du rapport entre écrire et guérir dans l’œuvre ondulatoire de Michaux.


[7] « expérience » est un emprunt au latin « experientia », « épreuve, essai, tentative » et « expérience acquise, pratique », dérivé de « experiri », « faire l’essai de », voir Dictionnaire Le Robert historique d’ Alain Rey, 1992, 1998. Le mot désigne d’abord le fait d’épreouver, dans le double sens du terme.

[8] in Façons d’endormi, Façons d’éveillé, Gallimard 1969, p. 224.

[9] « Si les portes de la perception étaient nettoyées, toute chose apparaîtrait à l’homme telle qu’elle est, infinie » William Blake cité par Aldous Huxley in Les Portes de la perception, éd. Pygmalion, 1974, p. 5.

[10] in Le visible et l’invisible, Tel gallimard 1964, p. 20.

 

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