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Article publié le 31 janvier 2021. oOo Blouseur de timbale Crieur des faubourgs Enfant de la balle Chantre des labours
Je me débarrasse Des pans d’un passé Qui gardent les traces De mes mots blessés
Je vide ma vie De vœux de dégoûts De regrets d’envies D’aveux de bagou
J’ai connu l’attache Des miens à l’user Reconnu pistache La bouche au baiser
Peut-on naître orange Et mourir citron L’habit bleu m’étrange Le jaune me rompt
Peut-on naître enclume Brûleur de tréteaux Forçat de la plume Et mourir marteau
Je chante la rose L’ortie le lilas En vers et en prose Je n’en suis pas las
Je chante mes villes Mes pluies mes beaux temps Mes vies les plus viles Mes morts à vingt ans
Je chante vieux cygne Sur des sons tremblés Le sang de la vigne Et la chair du blé
Bellone et Neptune Je mètre vos chants Et brusque fortune De l’aube au couchant
Je meurs à la guerre Je n’en reviens pas Je n’y meurs plus guère Je presse le pas
Je voudrais piétaille Calencher tambour Au champ de bataille Sous des calembours
Ma hargne est entière Je meurs dans ma peau Je largue au vestiaire L’hymne et le drapeau
Gueusarde guindée Et vous éteignoirs J’ai dans mes idées Le rouge et le noir
Ma mort pantrucharde Me rembarre mais M’ôte les échardes Des armes de mai
Où vas-tu bergère Sans tes blancs moutons En robe légère Loin des mirlitons
Marinier de rame Je brique la mer J’ai mes mélodrames Mes gouffres amers
Ô mes ports d’escale Mes mâts mes haubans Mes soutes mes cales Je dors sur un banc
Pétri de salpêtre J’ai l’esprit orné Prompt à se repaître Des dits des aînés
Je meurs pour de rire Je meurs pour de bon Qu’ai-je encore à frire À prendre au rebond
Je descends ma rue Un racleur de nerfs Trois coquecigrues Un gars siffle un air
Un gueux sur la paille Avec son clébard Au coin se harpaillent Les piliers du bar
Rempailleur de chaises Et l’autre qui vend De la catéchèse Aux morts aux vivants
Des flaques de gnole De l’herbe à Nicot Ma rue carmagnole Sous les calicots
Chaud chaud les castagnes Ta patte matou Je fais des montagnes Des monstres de tout
L’accordéon rage Sur le gras pavé Saleté d’orage Tout est lessivé
Ma mort provençale Huilée frottée d’ail Parfois me dessale Sans lâcher son dail
Faiseurs d’Amériques Remballez vos fleurs Vos panégyriques Vos gerbes de pleurs
Quant à l’épitaphe Arrête passant Tes pas un mataf Là-dessous gît sans
La misaine grise L’ancre de salut La vague la brise Le flux le reflux
Les grandes malines Ci-gît un gabier Un hale-boulines Au fond d’un bourbier
Je meurs dans les fripes D’un pauvre arlequin
Pendu par sa tripe De républicain
Je meurs dans les fringues D’un triste pierrot Flanqué d’une bringue Et d’un archerot
Où vas-tu Basile J’en reviens couillon Je cherche un asile Où boire un bouillon
Qu’enfin virevolte Souffle à tout casser Ce vent de révolte Qui tarde à nocer
Au bout de la roue Au bout du rouleau Je râle à la proue Et me jette à l’eau
Perclus de boutades Pieds et poings liés
En capilotade Je meurs oublié
Que dit ta gazette Ton coup de torchon Ton baveux mazette En tire-bouchon
J’ai des goûts morbides La planète à dos Je crains pour mon bide Et pour mon credo
Maboul en six lettres Ou foutraque en neuf Je me plais à l’être Un pied sur un œuf
Et l’autre à la planche D’un plan-plan tacot Sous des avalanches De coquelicots
Ce gros tas de rouille Je l’aurai conduit Presque sans embrouille Jusques aujourd’hui
Gare là derrière Gare là devant Je fais marche arrière Je fais marche avant
Place Place Place Ma quatre-bourrins Que je ferre à glace Grignote son frein
Rangez-vous des caisses Sur les bas côtés Les pourquoi les qu’est-ce Vous ont éreintés
Je chante à la ronde La joie le remords Le temps des arondes L’amour et la mort
J’ajoute à ma flûte Six quatre deux trous Des airs des volutes Entre des froufrous
J’ajoute des cordes À mon violonar Le gueux me recorde Des trucs de mon art
C’est ma farandole Laissez-vous mener Bedonnants bedoles Par le bout du nez
Je bois j’ingurgite J’englou-glou-glou-tis Ma gouge me gîte Dans son appentis
Entrez dans la danse Gens de sens rassis Forcez la cadence Ou restez assis
Croupions de linotte Et cœurs d’artichaut J’en bats dans mes notes Pendant qu’ils sont chauds
Quand tout indiffère Que tout tombe à plat Que dire que faire Dans ces moments-là
Quand à vau-de-route Vont les bateleurs De cris et de croûtes Je suis l’un des leurs
Sans tact ni tactique Arrête ton char Tu joues à l’antique Cabot cabochard
J’use l’élégie Pour des rogatons De l’aigue rougie Des faux ducatons
Caves combles granges Mannes corbillons Qu’y mets-je qu’y prends-je Égrillard brouillon
Ai-je appris à vivre Appris à mourir Les lits et les livres N’ont su que m’aigrir
Tous ceux qui me lisent Sont dans le besoin Des péteurs d’église Aux rimeurs tsoin-tsoin
Quand je nais cigale Que tout m’est permis J’ai pour mes fringales Des clans de fourmis
J’ai mon encre en veille Entre mes fatras Mes morts mes merveilles Et mes nids de rats
J’ouvre en grand ma veine D’ardent troubadour Aux chevaux d’aveine Des cavalcadours
Je déploie mes ailes Il soleille il pleut Temps de demoiselle Du gris et du bleu
Qu’une garce penche Pour un parnassien Bon diable j’épanche Mon cœur dans le sien
Je mords dans la grappe Comme un meurt-de-faim Je touche aux attrapes J’arrive à mes fins
Je donne mon âme En peine aux violons Des nuits de Paname Vides de flonflons
Sur les cordes raides Des violes d’amour Mes dix doigts s’entraident Tout comme à la mourre
Malgré mes défaites Mes douteux exploits Vous me faites fête Gens de bon aloi
C’est à la bamboche Au peautre au fricot Qu’on se rabiboche Plus de quiproquos
Les idées marquantes Les livres non lus Des années piquantes Ne m’inquiètent plus
Et je continue Encor et encor De tomber des nues De croire aux décors
Que je me dépouille Ou non de l’ancien La rue chante pouilles À l’esthéticien
C’est de la lavande Ma bête à chardon Les odeurs se vendent En sacs en bidons
Je me claquemure Des clous des crochets J’y pends mon armure Ma scie mon archet
Ma croix mon cilice Mes masques mes peaux Mon sac à malices Mes vils oripeaux
Mon arme à bretelle Mon harmonipan Mon âme immortelle Mes casse-tympans
Je suis très cothurne Très décor mesquin Très astre nocturne Sur un bleu turquin
Ma mort bohémienne Me dit où et quand Son heure est la mienne Pour lever le camp
Mais où vais-je un œil Au bout d’un bâton Où vais-je ma neuille Où vais-je à tâtons Robert VITTON, 2018 |
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