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Article publié le 15 mai 2022. oOo
Mes guitares sont pleines comme les filles écarquillées des impasses borgnes Et tu voudrais que je chante pour réveiller les pots de marjolaine J’entre dans la phrase comme dans un vignoble avec mon sarrau mon astrolabe et ma chaîne d’arpenteur
J’ai les mots démodés sous ta lampe à pétrole Quand tu files ta laine et mon mauvais coton J’ai les mots de Panurge à croire sur parole Quand tu reviens de loin salée comme un mouton
J’ai les mots à la mode et ton frusquin modique Quand j’ouvre ton écaille à la fin du roman J’ai les mots effrontés de la verte Boutique Et tu leur fais l’article à nos sales moments
Les mots les mots d’amour s’écrivent sur les grèves De Venise la rouge abîmée dans tes yeux Et les amants cloués sur les portes du Rêve Languissent à jamais dans mes mots merveilleux
Mes guitares s’enflamment comme les filles de paille des champs de violettes Et tu voudrais que je chante pour réveiller les pots de marjolaine J’entre dans la phrase comme dans un moulin avec mon grain ma lanterne magique et mon scaferlati
J’ai les mots du Passeur de métaphores louches Son fantasque labeur fatigue ses moignons J’ai les mots du bel Age à glaner sur la bouche Des faucheuses de blés qui guignent mon quignon
J’ai les mots forcenés des rêches camisoles De force grelottant ma folie des grandeurs J’ai les mots naufragés qui perdent la boussole Dans les exhalaisons de tes flacons d’odeurs
Les mots les mots d’amour s’écrivent sur les grèves De Venise la rouge abîmée dans tes yeux Et les amants cloués sur les portes du Rêve Languissent à jamais dans mes mots merveilleux
Mes guitares débordent dans les caniveaux et les filles de mai se dépavent Et tu voudrais que je chante pour réveiller les pots de marjolaine J’entre dans la phrase comme dans un bordel avec mon fourniment mes hiboux et mon verre grossissant
J’ai les mots du Malheur comme des chiens coriaces A lâcher sur les pas des altiers bataillons J’ai le mot qui me jette à bas de la paillasse Chaque fois que la Mort me prend dans ses haillons
J’ai les mots entêtés mordus par les tenailles D’un valet de bourreau qui passe son ennui J’ai le mot de la fin afin que tu t’en ailles Dormir si tu le veux ton éternelle nuit
Les mots les mots d’amour s’écrivent sur les grèves De Venise la rouge abîmée dans tes yeux Et les amants cloués sur les portes du Rêve Languissent à jamais dans mes mots merveilleux
Robert VITTON, 1983 |
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